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Billet de blog 28 janvier 2022

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Mélenchon à 13% UNE "PRIMAIRE POPULAIRE"... POUR RIEN ?

Un sondage donne pour la première fois Jean-Luc Mélenchon (Union Populaire) à 13%, à deux points de Le Pen, Zemmour et Pécresse... C'est le seul candidat de gauche qui semble ainsi "en situation" d'accéder au second tour, loin devant tous ses "concurrents".

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Illustration 1
Christiane Taubira

A trois mois de l’élection présidentielle en France, l’organisation d’une “primaire populaire” à gauche, pour choisir “le meilleur candidat unitaire“, est, typiquement, ce que j’appelle, dans mon jargon, une “fausse bonne idée“. Un truc, un machin, un bazar, qui peut sembler séduisant dans son principe, mais qui s’avère être ensuite, dans la vraie vie, au mieux, totalement impraticable, au pire, carrément toxique et contre-productif.
Une sorte d’hybridation OGM entre “Si ma tante en avait, on l’appellerait mon oncle” (Pierre Dac), “L’enfer est pavé de bonnes intentions” (Saint-Bernard) et le célèbre “…Et mon cul, c’est du poulet” (que je croyais d’origine bruxelloise, mais qui semble venir du dicton breton mad ket’ch y-â poulenn , qui signifie ironiquement, dans ce pays pluvieux, et demain, il fera beau).
Bref, une variante de “Mon œil en parachute“, adapté du célèbre dicton basque “Écoute ce qu’euskadi le cul de ma chèvre” (sorry, j’ai perdu les paroles originales).
Croyez-moi : comme les artistes sont des gens créatifs, lorsque nous montons un spectacle, des “fausses bonnes idées” comme ça, nous en pondons dix à la semaine.
Nos poubelles en sont pleines. Et voici pourquoi la “primaire populaire” devrait sans doute rapidement les y rejoindre.

La première raison, qui me semble en soi rédhibitoire, est que les principaux candidats “de gauche” ont décliné leur participation à cette “primaire populaire”.
Puisque le “deal” est : les “perdants” devront, en principe, se “retirer” au bénéfice du ou de la “gagnant·e”. Or pas mal de choses pourtant les séparent.
Ni Jadot (Les Verts), ni Mélenchon (France Insoumise/Union Populaire), ni Roussel (PCF), ni aucun des trois candidats trotskiste, ni même Hidalgo (PS), qui a pourtant changé trois fois d’avis sur la question, n’ont donc voulu s’engager dans un tel processus.
En outre, pour une obscure raison, le sympathique Poutou (NPA) n’y a même pas été invité. Au contraire d’une pincée d’autoproclamés “citoyens” qui, a priori, ne représentent qu’eux-mêmes.
La seule candidate “de poids” qui a finalement accepté de monter dans le carrousel est Christiane Taubira, qui tombe du ciel, fleur au chapeau, à quatre mois d’une échéance cardinale, sans programme, sans équipe et sans budget – au point que toute cette opération semble même n’avoir été montée que pour servir de marchepied à sa propre candidature.
Christiane Taubira est certes une femme cultivée et intelligente, la meilleur oratrice peut-être de tout l’hémicycle, et qui incarne bien la France dans toute sa diversité.
Mais dont l’opportunisme politique (du Parti Radical de Bernard Tapie aux gouvernements Valls/Hollande) trouve peut-être ici une dernière occasion de s’exprimer – à moins que cela ne soit une simple “offre de service” au prochain véritable vainqueur.
En ce qui me concerne, je n’ai toutefois pas plus d’appétence pour les “femmes providentielles” que pour leurs homologues masculins.

Le second problème de cette “primaire”, est qu’elle ne tire aucun bilan de la catastrophique participation de la social-démocratie au pouvoir ces dernières années. Car seule, ou en binôme avec les libéraux, les “P.S.” n’ont souvent conduit, en Europe, que des politiques dites “de droite”.
Pour ne prendre que la présidence de François Hollande (en zappant même la faute pourtant indélébile du projet de “déchéance de nationalité“, cette antienne puante de l’extrême-droite, qui conduirait des “citoyens” nés en France à être expulsés… vers nulle part !), Flamby avait choisi comme Premier Ministre Manuel Valls (qui soutient aujourd’hui Valérie Pécresse, la candidate des Républicains/droite), et comme Ministre de l’Economie, Emmanuel Macron (qui est aujourd’hui le “meilleur” président-candidat de la droite française). Quel flair politique !  On comprend mieux qu’il se soit lui-même soustrait, pour la première fois sous la cinquième République, aux “inconvénients” d’un second mandat!
Et rappelez-moi : de qui donc Christiane Taubira fut-elle la Garde des Sceaux ?
En entretenant ainsi l’illusion d’un “camp de gauche” qui irait de Manuel Valls à l’extrême-gauche, où un Jean-Luc Mélenchon “pourrait” se désister au “bénéfice” d’un François Hollande, et réciproquement, chou vert et vert chou, pareil, la “primaire populaire” ne fait qu’ajouter un peu de nuit à toute cette obscurité, un peu de bordel à toute cette “chakchouka“.
Non, l’avenir (en communn’est pas dans cette confusion programmatique.
Et il n’y a aucune porte de sortie dans ce cul de sac enfumé.

Le troisième problème est une “simple” question de calendrier.
Après le déroulement de ce “vote”, il faudra donc encore improviser en trois mois une campagne présidentielle “gagnante”. Ce qui me semble particulièrement absurde.
La “primaire populaire” affiche d’ailleurs fièrement cet objectif : “la victoire en 2022″. Sinon, à quoi bon ? Or si la victoire d’un candidat “de gauche” est vraiment l’objectif de cette campagne, les choses me semblent déjà en grande partie “pliées”.
La seule candidature de gauche “en situation” d’atteindre le second tour des présidentielles est aujourd’hui celle de Jean-Luc Mélenchon. Avec un programme préparé de longue main, plébiscité par une majorité de Français (“l’Avenir en Commun“), et une structure qui porte déjà en elle une véritable dynamique unitaire (l’Assemblée de l’Union Populaire).
Les meetings de Mélenchon sont “bourrés massacre“, comme en 2017, et il engrange des soutiens politiques à la fois du côté des communistes ( Marie-Georges Buffet, les maires PCF de Dieppe et de Stains), des écologistes (Aymeric Caron et Thomas Portis, l’ex porte-parole de Sandrine Rousseau), de “Générations” (Ali Rabeh, le maire de Trappes) et de la société civile (Aurélie Trouvé, l’ancienne directrice d’ATTAC, l’écrivaine Annie Ernaux, la philosophe Barbara Siegler).
Le dernier sondage de “Cluster 17” donne Mélenchon à 13%, à deux points de Zemmour, Le Pen et Pécresse… et donc à deux points d’un accès au second tour !
En comparaison, le même institut donne Poutou (NPA) à 1%, Roussel (PCF) à 2%, Hidalgo (PS) à 2%, Jadot (Les Verts) à 5% et Taubira à 6%.
Comme il l’a dit lui-même, il n’y a “qu’un trou de souris” pour espérer gagner cette élection-là. Mais au moins, ce trou existe. Et la dynamique existe aussi pour tenter de s’y engouffrer. Qui a aujourd’hui mieux à proposer ?
Même un homme aussi peu “mélenchoniste” qu’Edwy Plenel semble aujourd’hui, à ma grande surprise, en convenir (1).
D’autres instituts, eux, placent Mélenchon entre 9 et 11%. Ce qui raconte peut-être une autre histoire. Mais il reste néanmoins toujours largement au-dessus de tous ses concurrents directs.
Et je ne vois pas très bien en quoi le résultat d’une quelconque “primaire populaire” pourrait changer cette donne-là.

J’avais parlé, au début de cette chronique, “d’enfer” et de “bonnes intentions“.
Encore faudrait-il (évidemment) que ces “intentions” soient, au départ, vraiment “bonnes” !
Or dans son édition du 19 janvier, le “Canard Enchaîné” mentionne le contenu d’une vidéo “Zoom” dans laquelle Samuel Grzybowski, un des deux principaux initiateur de cette “primaire populaire”, “explique” sa stratégie devant 5000 web-participants.
Pour “forcer à l’unité” les candidats de gauche, explique-t-il, il faut “engager avec eux un rapport de force. Notre but, c’est de les empêcher d’avoir les 500 signatures” en poussant les maires “à n’accorder leurs parrainages que lorsque les conditions du rassemblement seront réunies“. Il faut aussi critiquer les candidats sur les réseaux sociaux pour “faire baisser leur cote de popularité“, ce qui aura pour conséquence “redoutable” de rendre “impossible les prêts nécessaires auprès des banques”. Complètement perché, le mec. Un vrai petit Machiavel de Youtube ! Avec des “amis” comme ça, sûr et certain, la gauche n’a plus besoin d’ennemis ! Car enfin, voilà une très étrange façon de “préparer la victoire de la gauche en 2022“.
Elle ressemble plutôt aux petites magouilles d’un syndicat étudiant sectaire, qui se prendrait pour le nombril d’une élection, et qui chercherait donc par tous les moyens à “dégommer” les listes concurrentes.
Loin, très loin, des “véritables préoccupations des Français”. De l’épouvantable crise sociale et sanitaire qui s’annonce. De la guerre en Europe qui couve. Et, bien sûr, de l’indispensable et nécessaire “renouveau de la vie démocratique“.

Claude Semal le 27 janvier 2022.

(1) “Lors de son premier meeting parisien, Mélenchon s’est posé comme le pôle de résistance à la droite et à l’extrême-droite, en montrant sa capacité de rassemblement aux côtés de nombreuses personnalités de gauche” (Edwy Plenel sur Twitter).

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