La Prière pour nos Frères marocains
Nous venons vous prier, Seigneur, pour les morts de
l'Islam.
Ils étaient les fils de ceux qui se sont tant battus jadis,
contre les vieux Francs massés derrière les lances de
Charles Martel et de Monseigneur Godefroy.
Le désert de Palestine se souvient encore
de l'envol des escadrons sous un soleil de feu,
du choc des armures et du râle des hommes
mourant illuminés
par l'ardeur du combat ou l'ivresse de la lutte.
Le sable a bu le sang des vieilles hécatombes
et les moissons ondulent dans la plaine de Poitiers.
Et voici qu'un jour Notre Dame-de-La-Garde
Vous dont le visage se tourne vers la Vierge d'Afrique,
Vous avez vu surgir, à l'horizon de la mer,
par les routes ataviques,
l'escadre innombrable des nouveaux Croisés
qui accouraient combattre l'Hérésie nouvelle.
Les fils des Barbaresques sont morts pour que s'efface
des flancs pierreux de votre colline,
jusqu'à la trace de la lèpre brune;
et les fils des Francs qui les menaient à la bataille
ont, à votre bénédiction,
humblement inclinés leurs fanions victorieux.
Ils sont venus, Seigneur, des rives sarrasines
de votre Méditerranée chrétienne.
Combien d'entre eux sont morts sur les routes de
France,
des cyprès de Provence jusqu'aux neiges du Rhin,
si loin de cette terre où leur cœur était resté,
si loin des tentes noires et des ksours fauves,
de la montagne bleue et des oliviers tordus,
du doux bruissement des palmes sous la brise du Sud
et de l'âpre chanson du vent
dans les branches puissantes des cèdres argentés.
Remplis du souvenir d'une lumière unique,
leurs yeux se sont fermés aux brumes d'Occident.
Certes, ils n'ont point admis la loi qui est la nôtre,
mais, ô merveille de Charité,
ils ont fait au pays chrétien
l'offrande de leur simple vie.
Et lorsque le sort compatissant les libérait pour quelques heures
de la boue et du froid et du tonnerre des canons
et de la hantise de la Mort
ils nous accompagnaient d'un regard fraternel
jusqu'à la porte de vos sanctuaires
où nous allions vous supplier pour nous-mêmes et
pour eux.
Seigneur, dans votre infinie bonté,
malgré notre orgueil et nos défaillances,
si vous nous faites à la fin de nos épreuves,
la grâce de votre béatitude éternelle,
permettez que les durs guerriers de Berbérie
qui ont libéré nos foyers et apporté à nos enfants
le réconfort de leur sourire
se tiennent auprès de nous, épaule contre épaule,
comme ils étaient naguère sur la ligne bataille
et que dans la paix ineffable de votre Paradis,
ils sachent, oh! qu'ils sachent Seigneur,
combien nous les avons aimés!