Au risque de passer, aux yeux de certaines personnes, pour un vil réactionnaire - et pire encore ! - je tiens à vous dire, gentiment mais fermement, tout le mal que je pense de l’écriture inclusive. Je m’en tiendrai à l’essentiel.
- C’est illisible à haute voix. C’est imprononçable. Or une langue est d’abord orale (du latin os, oris, la bouche). Une langue vit d’abord dans la bouche et les oreilles, bien avant d’exister sous les yeux. Une langue vivante est véhiculée par la parole, le dialogue, le bouche à oreille et toutes les formes d’échange verbal. Une langue qu’on n’entend pas est une langue morte. Des mots qu’on ne peut pas énoncer de vive voix appartiennent à une langue morte ou à un langage codé réservé à quelques initiés.
- C’est laid. Ces mots cou-pés, au bout desquels pendouille une espèce d’appendice, offrent aux regards un tableau qui, du point de vue de l’esthétique, comme disait Brassens, n’est pas une réussite. Si la beauté de la langue française réside pour une bonne part dans sa clarté, dans sa fluidité, ladite écriture inclusive nuit grandement à ces qualités. Heurtant le regard, elle est un obstacle à une lecture fluide. Elle peut même perturber, l’espace d’un instant, la compréhension immédiate d’un texte.
- C’est stupide. Créée pour rétablir l’équilibre entre le masculin et le féminin dans la phrase, l’écriture inclusive ne fait que donner à voir une espèce de chose en plus, un peu comme jadis la pesée, ce morceau de pain que le boulanger ajoutait pour avoir le poids de pain exact. Visuellement le genre féminin a l’air, du coup, d’être un accessoire du masculin.
- Ça ne fait aucune confiance à l’intelligence ou au simple bon sens du lectorat. Prenons un exemple. Je trouve absolument normal qu’on écrive un député, une députée. Mais quand je lis les député-es, j’ai vaguement l’impression qu’on me prend pour un non-comprenant. Comme si on me disait : « Hé ! Attention ! Il y a aussi des femmes députés ! » Je suis désolé, mais - hormis peut-être quelques survivants de la IIIème République – tout le monde sait qu’il y a aussi des députées. Le vrai problème, ce serait plutôt leur nombre.
En fait les dégâts sont encore limités, l’écriture inclusive restant l’affaire d’une minorité de professionnels de l’écriture, comme les journalistes. Elle semble impraticable, sinon de façon détournée, par les romanciers et romancières, les poètes, les scénaristes, les créateurs et créatrices de toute espèce.
Mais surtout elle ignore superbement l’orthographe pratiquée par les Françaises et les Français, dont les écrits abondent sur les réseaux sociaux, sur les forums et dans d’innombrables commentaires. Elle passe à côté de la triste réalité, l’ignorance qu’ont trop de nos compatriotes de leur propre langue, ignorance qu’ils donnent à voir tous les jours, car ils écrivent beaucoup, et sur tous les sujets.
Claude Albareil