Le « care » couvre en outre toutes les pratiques de démocratie représentative et directe qui ont été muselées par l'état d'urgence.
L'interdépendance de tous les êtres humains dans cette pandémie est flagrante et pourtant nos dirigeants se sont pour la plupart refermés dans leurs frontières , et à l'intérieur de celles-ci, bâti d'autres frontières, entre les vaccinés et les non vaccinés, les décideurs et la population, essayant de faire taire toute critique.
Cette crise sanitaire a aussi démontré la vulnérabilité intrinsèque à tout être humain mettant à mal l'idée d'autonomie , de compétitivité et d'individualisme qui caractérisait jusque là l'idéal de l ' « homme » libre, sur lequel se sont construites toutes les politiques ultralibérales du dernier siècle , tous les rapports sociaux, économiques et culturels qui régissent aujourd'hui notre société monde. Rapports basés sur la domination, les inégalités, l'isolement des individus, la compétition, la privatisation, le profit et la violence .
La crise du Covid c'est peut-être la chance de réorganiser nos sociétés, d'oser changer les priorités et de modifier les rapports de force .
Si nous acceptions d'envisager l'être humain dans toute sa vulnérabilité, nous aurions alors la possibilité de penser une nouvelle forme de société, adapté à notre statut de personnes interdépendantes et coresponsables . Ce serait une façon de tirer une leçon de la crise que nous venons de traverser, de réenchanter un futur plutôt maussade
Dans une société du care, l'être humain est reconnu comme un individu unique mais solidaire et dépendant d'un collectif et qui existe essentiellement dans la relation à l'autre.
Le care, comme le dit Carol Gilligan, est aujourd'hui une voie politique qui est celle de la contestation de la société de marché et de l'idéologie de l'individu performant/consommateur, c'est la résistance aux hiérarchies existantes, aux dominations ( dont celle de genre). Ainsi le care ne désigne pas une morale féminine qui reflète la dualité du masculin fort et du féminin faible mais une éthique féministe qui prône une démocratie fondée sur l'égalité femme/homme.
Cependant le care est l'affaire de tout le genre humain et pas seulement celle des femmes, même si aujourd'hui les pratiques du care sont en majorité faites par les femmes.
Ce n'est plus le marché qui doit nous inspirer mais la protection des plus vulnérables.
Tous les textes fondateurs de nos démocraties ( lois, droits, valeurs) devraient être réexaminés à l'aune des soins et de la protection dues aux plus vulnérables.
Cela impliquerait de grandes transformations sociales, afin de libérer la démocratie de toute tentation d'autoritarisme et de domination.
Cela transformera aussi profondément les relations familiales, en associant plus les hommes au souci et aux soins de la famille.
La politique du care allie attention aux autres et protection sociale, égalité de décision et reconnaissance des différences.
Elle devra s'enraciner dans les initiatives des dominés, des opprimés tout en redistribuant le pouvoir. L'état social ainsi construit favorisera alors l'épanouissement et la contribution de tou-te-s ses citoyen-ne-s.
Être citoyen-ne ne sera plus lié à sa seule carte d'électeur ou électrice mais à sa contribution à la société.
Cette crise nous déstabilise mais peut permettre la construction d'une nouvelle société monde. Penser « care » c'est bousculer la pensée unique et les schémas sociaux et mentaux de nos sociétés.
C'est un des grands enjeux d'évolution de la pensée et de l'émancipation des peuples.