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Billet de blog 2 février 2021

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L’art dans la situation précaire d’Haïti

Les conditions socio-économiques en Haïti sont devenues de plus en plus difficiles et une flambée de violence à travers le pays a encore aggravé la situation. Les conséquences sont tragiques pour l'ensemble du secteur artistique. On peut en voir l’impact, par exemple, sur le Musée d’Art Haïtien du Collège St Pierre et sur les artistes et artisans du quartier de Bel-Air.

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En 2020, Les conditions socio-économiques en Haïti sont devenues de plus en plus difficiles et une flambée de violence à travers le pays a encore aggravé la situation. Des gangs armés terrorisent la population, les crimes et les enlèvements se multiplient. Et il n'y a eu aucune réponse sérieuse du gouvernement pour remédier à la situation.

L'art et les artistes sont directement concernés. Plusieurs galeries ont fermé leurs portes faute de clients tant locaux qu'étrangers. Les touristes n'osent plus mettre les pieds en Haïti. Il existe un ministère de la Culture, mais son budget dérisoire est principalement utilisé pour les fêtes du carnaval. Aucun soutien significatif n'est accordé aux institutions artistiques ou aux artistes et artisans. Les conséquences sont tragiques pour l'ensemble du secteur artistique. On peut en voir l’impact, par exemple, sur le Musée d’Art Haïtien du Collège St Pierre (1) et sur les artistes et artisans du quartier de Bel-Air.

Le Musée d’Art Haïtien

Le musée a été construit en 1972 dans le centre historique de la ville de Port-au-Prince à la périphérie sud-est de la place des Héros de l'Indépendance. C'est l'expression du rêve de Dewitt Peters, peintre américain, qui, séduit par l'extraordinaire richesse et la qualité de la peinture haïtienne, créa le Centre d'Art en 1944. Il fut ensuite instrumental dans la construction du musée avec l'aide d'Alfred Voegeli, évêque de l'Église épiscopale d'Haïti.

La Fondation Musée d’Art Haïtien est indépendante et est reconnue à but non lucratif pour sa contribution au bien public. Elle est généralement désignée sous son pseudonyme Musée d’Art Haïtien et est propriétaire de la collection d’art. C'est le seul musée d'art en Haïti et il reste l'une des rares institutions à conserver les peintures haïtiennes du XXe siècle. Sa collection comprend des œuvres irremplaçables de ce qui est considéré comme le renouveau de la peinture haïtienne de 1944-1945 à aujourd'hui. Son emplacement était autrefois un lieu central pour des événements culturels publics de la capitale et le musée était un point d'attraction majeur pour les touristes et les amateurs d'art. Pendant des décennies, il a présenté des conférences et des expositions. Par exemple, en 2008, il a organisé « Ici la renaissance », une rétrospective de l’œuvre du célèbre artiste haïtien Hector Hyppolite. Il a également joué un rôle important dans l'éducation des nouvelles générations et dans leur appréciation de leur patrimoine artistique.

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Le Musée d’Art Haïtien— de nouvelles fenêtres avaient été posées dans le cadre de sa réhabilitation après le séisme de 2010 © photo Toussaint Louverture Cultural Foundation

Depuis le tremblement de terre de 2010, le musée est en réparation et par manque de fonds, les travaux piétinent et le musée reste fermé au public. A cela, il faut ajouter les circonstances sociopolitiques actuelles qui créent de graves problèmes de sécurité, limitent les mouvements de personnes et entravent les travaux de réhabilitation. La situation a été rendue plus difficile car, après le tremblement de terre, l'Université épiscopale d'Haïti a ouvert une faculté à l'arrière du musée. Cela interfère avec son fonctionnement et crée des problèmes de sécurité pour sa collection. C'est pourquoi le comité de direction et son président, M. Louis Dubois, ont décidé de fermer le musée jusqu'à ce que la situation s'améliore.

Quartier du Bel-Air

Le quartier du Bel-Air se trouve à Port-au-Prince, non loin du Palais National. Ses artistes et artisans jouent un rôle important dans la culture du pays. Ils travaillent dans de nombreux domaines : bois, peintures sur toile, sculpture, couture, maroquinerie, céramique, drapeaux vaudou et paillettes. Ils participent à des événements culturels importants dans le pays et représentent Haïti dans de nombreuses activités à l'étranger. Bel-Air occupe une grande place dans l’histoire de Port-au-Prince. C'est le porteur de traditions. Les drapeaux vaudou de renommée mondiale sont l'une de ses productions importantes, beaucoup d’entre eux créés par des artistes bien connus tels que Clotaire Bazile, Sylva Joseph et Edgar Jean Louis.

Les habitants de Bel-Air sont désespérés parce que des attaques criminelles ont été perpétrées dans leur quartier depuis plus de deux mois par des gangs lourdement armés. Des ateliers ont été pillés et incendiés, et plus de cinquante mères et pères ont perdu leur emploi. Plusieurs centaines d'habitants ont été contraints de fuir et se trouvent dans une situation très précaire, privés de leur habitat et de leurs moyens de subsistance.

Illustration 2
Destruction perpétrée par des gangs armés - Œuvres d'artistes et artisans de Bel Air © photo Toussaint Louverture Cultural Foundation

De l’aide pour soulager les souffrances des plus gravement touchés et des efforts d'amélioration sont organisés. Pour échapper aux violences à Bel-Air, des centaines de personnes ont trouvé refuge à Solino dans les locaux des Pères Spiritains. La Coordination Artistes Artisans Bel-Air (CAABEL) a pris contact avec la Fondation Culturelle Toussaint Louverture pour coordonner les efforts de collecte de fonds. CAABEL, situé en Haïti, est un groupe culturel d'artistes et artisans de Bel-Air. La Fondation est une organisation à but non lucratif basée aux États-Unis dont le but principal est de préserver le patrimoine culturel d'Haïti. Les fonds recueillis permettront aux artistes et artisans de réacquérir les matériaux et les fournitures détruits afin qu'ils puissent retrouver leurs moyens de subsistance. Et la Fondation continue de collecter des fonds pour le Musée d’Art Haïtien par la vente d’œuvres d’art de sa collection Save A Museum. Toussaint Louverture Cultural Foundation

 Volonté de persévérer

Tous les artistes et les institutions artistiques connaissent de grandes difficultés actuellement en Haïti, mais ils ne sont pas détruits. Bien que certains changements ont souvent dû être apportés - tel qu’un déplacement de local dans un endroit plus sûr - de nombreuses activités ont eu lieu tout au cours de l'année. La Fokal (Fondation pour la connaissance et la liberté) et le Centre d’Art ont continué d’organiser des cours, des expositions, des conférences et des ventes signatures.

De nombreuses autres activités illustrent cette volonté de persévérer : Livres en Folie a eu lieu en juin. Ce fut un grand succès et des centaines de livres ont été vendus. Artisanat en Fête a tenu sa 14e édition le 6 décembre avec la participation de nombreux artisans et d'un public enthousiaste. L'exposition « Nway Kanpe» (Noailles se tient debout) a eu lieu les 19 et 20 décembre au Village de Noailles. Le travail de 20 artistes de métal coupé a été exposé, dont celui de Serge Jolimeau.

Dans la situation actuelle, l'art en Haïti est toujours présent mais souffre énormément. Créativité, résilience, désespoir et assistance coexistent au quotidien. Le travail acharné et la solidarité des artistes et des amateurs d'art sont fondamentaux pour maintenir l'espoir, mais seule une société stable et structurée peut garantir une vie artistique prospère et florissante en Haïti.

(1) du nom du collège fondé par l’Eglise Episcopale en Haïti

 La version originale de cet article, légèrement différente, est parue en anglais le 1er février 2020 dans Veve Newsletter de la Haitian Art Society, sous le titre The Art World in Haiti Now by Paul Corbanese, Toussaint Louverture Cultural FoundationVeve Newsletter Haitian Art Society 

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