Monsieur le Directeur Général,
il est exact que la musique et les artistes n'ont pas à être les boucs émissaires des "fracas du monde" selon votre expression et que Lahav Shani n'a pas à être mis en cause comme ce fut le cas le 6 novembre.
Mais pour être légitime votre propos ne saurait passer sous silence que les artistes russes ont été pris en 2022 comme boucs émissaires, exclus sans même avoir été entendus. Ce fut le cas de Sokhiev, de Netrebko, de Gergiev et, pour ce dernier, exclu de la Philharmonie de Paris. Tel est l'engrenage dans lequel il ne faut jamais s'engager et qui n'est que trop connu.
Ainsi le Troisième Reich pourrait, pour certains, se réduire à Karajan en oubliant les banques allemandes, les entreprises IG Farben, Porsche et autres. Et le régime de Vichy, être réduit à Cortot en oubliant le PDG de la Société générale, Ardant, responsable de l'aryanisation des banques juives.
En fait, le coupable désigné bouc émissaire l'est à cause de sa plus grande notoriété et non pas à cause d'actes commis les plus graves: Karajan et pas l'oublié, Kabasta; Cortot et pas Max d'Olonne...
Il convient donc d'en finir avec l'artiste bouc émissaire. Le principe de liberté d'expression et de création est intangible et n'est pas modulable selon un schéma manichéen digne de la "guerre froide". Vous avez eu tort d'interdire Gergiev et avec lui Chostakovitch...
Votre message d'aujourd'hui serait plus clair en ne l'oubliant pas, et plus légitime aussi.
J'ai le souvenir d'un grand concert de l'orchestre Philharmonique d’Israël sous la direction de Bernstein sans le moindre incident. Car à l'époque la vie musicale n'avait pas été parasitée par des prises de position politique en faveur d'un pays contre un autre, d'un camp contre un autre, pour justifier l'exclusion de l'artiste bouc émissaire. Étant entendu que la seconde guerre en Irak, avec ses morts civils en nombre, n'avait pas entrainé, fort heureusement, l'exclusion d'artistes américains.
La liberté de création est un principe intangible qui élimine le mauvais principe énoncé comme "deux poids, deux mesures". Il en est ainsi pour tous les artistes.
Une prochaine programmation appliquant cette règle à la Philharmonie (et ailleurs) serait la bienvenue.
Cordialement
GE da Silva, abonné de la première heure
nb: ce texte figurera sur notre blog en lettre ouverte sur Mediapart