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Billet de blog 3 juin 2013

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Lettre de soutien à Mme Sophie Gromb

Je connais Sophie Gromb mais je ne suis pas un de ses amis. Je l'ai rencontrée dans le dossier des irradiés de Toulouse où elle avait été chargée de la coordination des 145 expertises légales nécessitées par cette triste affaire par Roselyne Bachelot, ministre de la santé du Président Nicolas Sarkozy.

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Je connais Sophie Gromb mais je ne suis pas un de ses amis. Je l'ai rencontrée dans le dossier des irradiés de Toulouse où elle avait été chargée de la coordination des 145 expertises légales nécessitées par cette triste affaire par Roselyne Bachelot, ministre de la santé du Président Nicolas Sarkozy.

Elle n'avait pas été choisie par hasard. Nommer une bordelaise pour un dossier toulousain ne manquait pas de surprendre. La surprise disparaissait quand on découvrait son cursus, ô combien exemplaire. Elle cumule les titres : Professeur des universités, docteur ès sciences, docteur en droit, chef du service de médecine légale du CHU de Bordeaux-CHU Pellegrin, Service de médecine légale, experte  auprès de la Cour de cassation. Comble de l’outrage pour certains, elle cumule une reconnaissance mondiale (auprès de l’OMS ou du Tribunal pénal international, par exemple) avec un charme et une autorité qui rendent (presque) agréables les mornes expertises médico-légales.

Première conclusion, sa compétence n’est pas en doute. Et ce d’autant plus, que dans son expertise de Mme BETTENCOURT, elle n’était pas seule. Elle était accompagnée de quatre autres experts et surveillée par un collège de trois juges d’instruction, parmi lesquels, le juge Gentil.

Tous les juges d'instruction de Bordeaux, tous les parquetiers et de nombreux avocats la connaissent et apprécient sa rigueur (son intransigeance diront ses détracteurs). Dans la petite communauté judiciaire qui cancane si facilement, son aura et son prestige sont intacts, c’est ce qui peut expliquer que ces dix dernières années, elle soit intervenue dans la plupart des « grosses » affaires pénales en France. On pourrait dire qu’elle est incontournable, on se contentera de constater qu’elle est devenue une référence.

Et voilà que les avocats d'un homme, qui fut l'un des gardiens de nos institutions, ont décidé de détruire non seulement l'indépendance d'un juge d'instruction qui ose poser les questions qui fâchent  mais également la réputation d'une femme exemplaire. Se drapant dans une défense de rupture, eux qui ne peuvent plus profiter de la connivence, sinon de la bienveillance d’un parquet aux ordres de leur client, souhaitent instiller le doute sur la vertu d’un des trois magistrats du dossier.

Sophie Gromb  est la victime collatérale de cette manipulation.

Comment s'y prennent ils ? En ouvrant la boite à rumeurs, jamais directement bien sûr, ils sont trop malins, mais en distillant des informations plus ou moins exactes, qui n'ont rien de sensationnel ni de problématique. Car, au final qu’est-il reproché à l’experte et au magistrat ?

Et quoi, l'expert médico-légal connaît le juge ! Ah la belle affaire. Le choix d'un expert n'est il pas basé sur la confiance entre la justice et ses auxiliaires ? Peut on imaginer un système tellement bureaucratique que l'indépendance du juge le prive du choix du technicien qui va apporter son nécessaire éclairage savant sur une matière complexe ? Ce n’est pas sérieux.

Oui, mais là, quand même, l'expert était le témoin de l’épouse du juge à son mariage, donc c'est une amie. Je ne sais pas si cela est vrai. Mais là, il y a un travail de sophiste des plus révélateurs. Le fait qu'un expert soit un ami du juge n'est pas une cause de récusation ni de l’expert ni du juge.

Contrairement aux « spins doctors », aux communiquants et aux manipulateurs professionnels, faisons appel à l’intelligence des citoyens et  prenons, tout simplement, la peine de lire l’article L.111-6 du Code de l’organisation judiciaire qui prévoit huit cas de récusation d’un magistrat :

-    « 1° Si lui-même ou son conjoint a un intérêt personnel à la contestation » ; inapplicable.

-    « 2° Si lui-même ou son conjoint est créancier, débiteur, héritier présomptif ou donataire de l'une des parties » ; inapplicable (à ma connaissance ni le juge Gentil ni Mme Gromb n’hériteront de Mme Bettencourt) ;

-    « 3° Si lui-même ou son conjoint est parent ou allié de l'une des parties ou de son conjoint jusqu'au quatrième degré inclusivement » ; inapplicable.

-    « 4° S'il y a eu ou s'il y a procès entre lui ou son conjoint et l'une des parties ou son conjoint » ; inapplicable.

-    « 5° S'il a précédemment connu de l'affaire comme juge ou comme arbitre ou s'il a conseillé l'une des parties » ; inapplicable (apparemment contrairement à certains hauts magistrats, le juge Gentil ne pratique pas des arbitrages de complaisance en faveur des amis de l’ancien chef de l’Etat).

-    « 6° Si le juge ou son conjoint est chargé d'administrer les biens de l'une des parties ».  Inapplicable ;

-    « 7° S'il existe un lien de subordination entre le juge ou son conjoint et l'une des parties ou son conjoint » ; inapplicable (et pour cause la réforme souhaitée par l’ancien président de la République visant à supprimer le juge d’instruction, ce bastion de l’indépendance judiciaire, n’a pas pu être adoptée par l’ancienne majorité).

-    « 8° S'il y a amitié ou inimitié notoire entre le juge et l'une des parties. » Inapplicable. Un expert n’est pas une partie au procès ou à l’instruction.

Bref, entre fanfaronnades et tartarinades, il ne reste plus que l’accusation de complaisance sur le montant des honoraires.

D’abord remarquons qu’il n’est pas communiqué la facture des prestations de Mme Gromb. On ne sait pas si le montant annoncé a été payé.  On ne peut la comparer aux factures présentées par les quatre autres experts. Par ailleurs, cette facture aurait pu permettre de mesurer le temps passé, l’implication et les déplacements occasionnés par ce dossier. Je suis persuadé que le taux horaire par Mme Sophie Gromb est très inférieur à ceux des avocats. Feu Me Metzner, ne laissait-il pas écrire qu’il pratiquait des taux horaires entre 700 et 1000 €, très loin des montants pratiqués par les experts judiciaires, même de renommée internationale.

Ensuite, elle n’était pas seule. Peut-être que derrière le reproche sur le prix se cache en demi-teinte une vision sexiste : comment cette femme est payée aussi bien qu’un homme, expert et professeur de médecine. Quelle décadence !

Bref résumons, depuis plus de deux ans, le monde judiciaire bordelais connaissait les liens d’amitiés entre le juge et l’experte et pendant deux ans, personne n’a rien trouvé à redire, curieux non ?

L’amitié entre un magistrat et un expert n’est pas, en droit, une cause de récusation. Ni de l’un, ni de l’autre.  

A les supposer établis, les honoraires pratiqués sont à replacer dans leur contexte et ne semblent pas constituer une faveur de l’un à l’autre.  

Et quoi qu’ils disent, la compétence et la rigueur de Sophie Gromb ne peuvent pas être mises en doute. Alors quoi, que reste-t-il de ce bruit et de cette fureur ? L’écho de la voix des ténors enrhumés…

Tout cela n’est pas sérieux, tout cela n’est qu’une superbe diversion pour faire oublier l’essentiel, le fond d’une affaire grave. Son comportement actuel, ses attaques répétées et déplacées à l’encontre d’une experte appréciée démontrent, à l’évidence, que l’ancien locataire de l’Elysée n’était pas digne de sa fonction car il ne respecte pas (ou plus) l’indépendance de la justice.

Aujourd’hui, publiquement, je réitère mon soutien et ma confiance à Mme GROMB, même si je ne suis pas toujours d’accord avec ses analyses.  

Christophe Lèguevaques est avocat au barreau de Paris.

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