
En première approche, l’utilisateur est un peu perdu. L’interface client (l’UX pour les initiés) est complexe et peu accueillante. Il faut passer par le chatbot (le robot de dialogue) pour comprendre comment ouvrir un compte et accéder aux différentes strates d’un site qui ressemble plus à un labyrinthe.
PARCOURS DU COMBATTANT POUR SAVOIR SI ON EST ELIGIBLE
(à côté les aventures de Mario Bros, c’est un jeu d’enfant !)
Première exclusion : être propriétaire du véhicule.
Pour commencer, si vous n’êtes pas (ou plus) propriétaire du véhicule, vous n’avez aucune chance d’être indemnisé. Pour apprécier cette qualité, la plateforme exige que TOUS LES DOCUMENTS (immatriculation, factures, etc.) SOIENT ETABLIS AU NOM DU DEMANDEUR. Comme nous l’avons déjà vécu, j’anticipe les difficultés du style : papa a acheté l’automobile pour son enfant, la carte de grise est au nom de Papa mais les factures d’entretien au nom de l’enfant. Autre hypothèse fréquente, la carte grise est au nom de Madame mais les fractures sont au nom de Monsieur (ou vice versa). Rien ne dit que Stellantis fera preuve de souplesse sur cette question administrative.
Deuxième restriction importante, seuls seront pris en charge les « incidents » survenus après le 1er janvier 2022 et avant le 18 mars 2024. Autrement dit si votre casse-moteur date de juin 2020, vous êtes exclu ; de même si vous avez subi une casse-moteur au retour des vacances en août 2024. Et encore, je parle de « casse moteur » mais l’expression n’est pas expressément visée par STELLANTIS.
Pour les incidents, cela se complique car il faut à présent distinguer suivant les modèles de véhicules :
- Pour les véhicules équipés
- d’un moteur ATMOSPHERIQUE Puretech 1.0 ou 1.2 produit entre juin 2012 et juin 2022
- ou d’un moteur Puretech 1.2 TURBO produit entre avril 2014 et juin 2022
seuls les problèmes de courroie de distribution seront pris en charge. Il n’y a pas de précision sur l’éventuelle « casse-moteur ».
- d’un moteur Puretech 1.2 avant EURO 6.2 produit entre avril 2014 et juillet 2018 (pour l’Europe)
seule la surconsommation d’huile liée à un problème de segmentation des pistons semble prise en charge. Il n’y a pas de précision sur l’éventuelle « casse-moteur »
- d’un moteur Puretech 1.2 EURO 6.2 et au-delà produit entre février 2018 et février 2023
seule la surconsommation d’huile liée à un problème de séparateur d’huile semble prise en compte. Il n’y a pas de précision sur l’éventuelle « casse-moteur »
Cette énumération est intéressante car elle permet de démontrer que STELLANTIS a identifié les modèles qui sont concernés par un problème moteur. Pire, certains moteurs fabriqués jusqu’en juin 2022 sont concernés. Or, les remontés sur les incidents ont commencé à partir de 2014 (et la presse a commencé à en faire état dès 2017). La plateforme nous permet donc d’affirmer que STELLANTIS a vendu des véhicules équipés de moteurs dont elle connaissait la faiblesse structurelle, sans avertir les autorités (le SVVM) et encore moins les consommateurs. C’est un aveu de son mauvais comportement passé à l’égard des consommateurs.
- Ici, vient s’ajouter une condition cumulative : le véhicule doit être couvert par l’extension de garantie (10 ans / 175 000 km) à compter de la date de début de garantie (le plus souvent la date de première mise en circulation). Dès lors cela semble exclure tous les véhicules mis en circulation avant janvier 2015. Et si vous êtes un gros rouleur et que vous avez parcouru plus de 175 000 km (en réalité c’est pure hypothèse théorique), vous serez également exclu de la prise en charge.
Prenez une respiration, car d’autres épreuves vous attendent.
Vous venez de passer sur le chemin de crête mais STELLANTIS vous attend au tournant et va vérifier si vous avez bien entretenu votre véhicule.
Pour ma part, je trouve cette condition insupportable car tout le monde sait que les problèmes viennent d’un défaut de conception et/ou de fabrication. En introduisant cette condition relative à l’entretien, on laisse penser que les problèmes peuvent survenir en raison d’un mauvais entretien du véhicule. C’est un peu comme si un fabricant de pizza empoisonnée, reprochez au consommateur d’avoir trop fait chauffer la pizza ce qui accroit les risques de développement des germes.
Bref, STELLANTIS exige que l’entretien de votre véhicule ait été réalisé « par tout professionnel de l’automobile ». Ce point peut paraitre comme une concession mais il est immédiatement corrigé par une précision. L’entretient doit être « conforme aux recommandations de STELLANTIS (planning & huiles, etc.). Là, ils ont raison d’avoir ajouté un « s » à huile car en 10 ans, STELLANTIS a changé au moins 3 fois de recommandation ! C’est donc un moyen de vous sortir du labyrinthe parce que vous n’avez pas utilisé la « bonne huile » ou du moins celle du moment. Mais, là, grand seigneur, STELLANTIS affiche sa grande tolérance puisqu’elle accepte un retard de 3 mois (ou de 3.000 km par rapport au planning). Ne vous réjouissez pas trop vite car STELLANTIS prévoit un obligation – difficile à respecter pour ceux qui souffrent de « phobie administrative » – vous devez fournir les 3 factures détaillées des révisions pour leur permettre d’apprécier la qualité de l’huile et l’étendu de la révision. Cette demande peut paraitre redondante car si vous êtes passés dans le réseau, STELLANTIS devrait déjà être en possession des factures demandées.
Tel que c’est formulé, si la facture n’est pas assez détaillée (mais qui apprécie ?) ou si vous ne retrouvez que deux factures sur les trois, ils pourront refuser de prendre en charge ou prétendre que la prise en charge sera partielle. Je vous laisse imaginer pour le propriétaire d’un véhicule d’occasion dont l’ancien propriétaire a oublié de lui remettre les factures d’entretien …
Vous croyez être arrivé enfin devant le guichet de paiement. Détrompez-vous, il y a encore une condition. Le diagnostic de l’événement doit avoir été réalisé dans le réseau agréé par Stellantis. Si la casse-moteur est prise en charge (ce qui n’est pas encore clair pour moi) et si cette casse survient sur l’autoroute, le diagnostic pourrait être réalisé par un garagiste non agréé par STELLANTIS. Est-ce que cela va permettre à STELLANTIS de refuser la prise en charge ? Peut-être.
Après le diagnostic, la réparation doit être réalisée dans le réseau STELLANTIS. Là encore, si vous faites réaliser les réparations hors du réseau, STELLANTIS peut refuser de prendre en charge.
Bravo, vous êtes arrivé. Enfin presque, vous venez de quitter le premier niveau et vous savez à présent si vous pouvez être éligible à la prise en charge.
Mais à ce stade, vous ne savez pas encore ce qui va être pris en charge et à quelle amplitude.
REPARATIONS OU INDEMNiSATION : deux poids deux mesures.

Vous avez fourni à la plateforme tous les documents exigés. STELLANTIS prétend avoir recruté une vingtaine de personnes. L’objectif est de traiter les dossiers complets en moins de 45 jours (je vous laisse apprécier s’ils estiment que le dossier n’est pas complet).
Donc partons de l’hypothèse que votre dossier est complet. STELLANTIS va vous proposer une prise en charge des réparations pouvant aller jusqu’à 100 %.
Attention, ce n’est qu’une possibilité, ils peuvent décider – par exemple parce que vous n’avez pas utilisé la bonne huile pour une révision – que la prise en charge sera de 55 %. A ce stade, personne ne connaît les critères objectifs de prise en charge. Nous sommes face à l’arbitraire et au bon vouloir du Seigneur Stellantis qui consent à vous faire l’aumône d’une prise en charge.
Autre incertitude, on ne sait pas si la prise en charge porte sur le matériel ou également sur la main d’œuvre.
Admettons qu’ils vous présentent une offre de prise en charge des réparations que vous avez déjà payées (en tout ou partie). Pour recevoir, l’argent vous devrez accepter de signer un protocole transactionnel par lequel vous renoncez à toutes les autres réclamations.
Et là, pour le moins, ce n’est pas équilibré. Car vous pouvez avoir souffert de plusieurs préjudices
- Préjudice matériel (altération mécanique imputable au défaut d’étanchéité du moteur, par exemple) ;
- Préjudice corporel (en cas de survenu d’un accident entrainant des blessures ; à notre connaissance, cela ne semble pas avoir été le cas) :
- Préjudice financier (cela correspond à la perte de valeur de votre véhicule s’il n’est pas devenu « invendable ») ;
- Préjudice moral (le fait d’avoir conduit un véhicule potentiellement dangereux et/ou d’avoir subi une casse moteur mettant en danger le conducteur, les passagers et les usagers de la route. Certains nous disent que la casse-moteur a été la « peur de leur vie »).
En acceptant de voir tout ou partie de vos « réparations » prises en charge par STELLANTIS, vous devez renoncer à être indemnisés de tous les chefs de préjudices.
La prise en charge des réparations du véhicule exclut l’indemnisation des préjudices.
Je vous laisse apprécier si cette proposition est juste et équitable.
Sans juger si cette offre peut vous satisfaire financièrement, sachez que, pour nous, cela ne répare pas tous les préjudices que vous avez subis. Selon nous, cela soulève une question de droit. Pour être valable une transaction doit contenir des « concessions réciproques ». On voit bien les concessions exigées des consommateurs : recevoir leur petit chèque, se taire et renoncer à toute réclamation ultérieure. En revanche, on ne voit pas quelles sont les concessions de STELLANTIS. En effet, la prise en charge des réparations d’un véhicule équipé d’un moteur dont on connait les vices intrinsèques correspond au minimum que devrait supporter le constructeur. Il n’y a pas d’effort. Il y a juste la volonté d’acheter du temps, de faire taire la colère des consommateurs et de tenter de redorer une réputation sacrément écornée par le comportement du constructeur.
C’est la raison pour laquelle, à la demande de plusieurs centaines de participants à l’action collective, nous allons pensé à l’offensive en déposant une plainte entre les mains du Procureur de la République de Versailles. Nous savons que la durée de cette procédure sera longue et qu’il existe toujours un aléa judiciaire. C’est pourquoi, vous pouvez être tenté par la transaction qui a le mérite de proposer une solution immédiate à un prix réduit.
Mais, cette transaction pourrait être une source d’enrichissement pour STELLANTIS et d’appauvrissement pour les consommateurs. Dans le dossier des respirateurs PHILIPS, les marchés financiers anticipaient une condamnation à hauteur de 3 milliards de US$. Aux USA, PHILIPS a transigé avec les victimes à hauteur de 1 milliards de US$. Les marchés se sont félicités et le cours de bourse a bondi de … 47 %[1] ! La transaction doit-elle profiter aux actionnaires ou aux consommateurs ?
J’espère que ces précisions vous permettront de trouver votre chemin dans le labyrinthe et de prendre une décision éclairée.
Votre bien dévoué,
Paris, le 20 janvier 2025
Christophe Lèguevaques,
Avocat au barreau de Paris
Docteur en droit
[1] https://investir.lesechos.fr/actu-des-valeurs/la-vie-des-actions/laddition-est-moins-salee-quattendu-pour-philips-dans-le-scandale-des-respirateurs-aux-etats-unis-laction-senvole-de-plus-de-30-2091786