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Billet de blog 20 février 2022

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#Respiratorgate #Philips : 3 questions à Christophe Lèguevaques (CLE)

L'avocat qui a initié une action collective contre PHILIPS répond à trois questions sur ce qui pourrait devenir un "médiator de la respiration"

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Pourquoi avez-vous lancé l’action collective RESPIRATORGATE ?

Illustration 1

Je n’ai pas lancé, j’ai répondu à une demande. Dans un premier temps, en novembre 2021, j’ai été contacté par « François » (*) de Béthune qui m’a informé que Philips avait rappelé plusieurs millions de respirateurs. J’étais très étonné car je n’avais vu passer aucune information ou aucune alerte. J’ai commencé à creuser. J’ai conseillé à « François » de créer un groupe Facebook (https://www.facebook.com/groups/1512967969087026/about) pour identifier d’autres malades qui pouvaient être inquiets. Fin décembre 2021, la journaliste de Mediapart Rozenn le Saint publie un article qui rend publique l’affaire (https://www.mediapart.fr/journal/france/211221/philips-met-en-peril-la-sante-de-patients-atteints-de-troubles-respiratoires). Nous avons accéléré nos recherches sur les faits et sur les questions de droit.

Début février, Marie Dupin, journaliste à RMC-BFM, (https://rmc.bfmtv.com/emission/appareils-contre-l-apnee-du-sommeil-l-ansm-sevit-contre-philips-les-temoignages-se-multiplient-2054496.html) diffuse un premier témoignage de « Matthias » (*) de Nantes et là, le groupe Facebook passe en quelques jours à plus de 2800 inscrits. S’ensuit une vague importante de sollicitations. En 48h chrono, avec l’équipe nous montons l’action collective accessible sur la plateforme www.myleo.legal et en 4 jours, nous avons déjà plus de 200 inscrits.

Illustration 2

Depuis mercredi 16 février, la FFAAIR, regroupant une cinquantaine d’associations de malades de voies respiratoires, nous a confié le soin de la représenter (https://www.leguevaques.com/Respiratorgate-PHILIPS-La-FFAAIR-decide-de-se-constituer-partie-civile-et-soutient-l-action-collective-portee-par-Myleo_a815.html) .

N’avez-vous pas l’impression que vos reproches à Philips et à l’ANSM sont disproportionnés ?

Bien au contraire, je me trouve très sage, et ce, pour deux raisons.

La première, je trouve que Philips et l’ANSM tentent de rassurer les malades en cachant la gravité de la situation.

Ils nous enfument au prétexte que des études sont en cours. Mais si on se donne la peine de lire les rapports de la FDA (Federal Drug Administration, « gendarme » de la santé aux USA), il y a de quoi être inquiet. Je vous lis un extrait « Plus tôt cette année, Philips Respironics a lancé un rappel de certains ventilateurs, machines CPAP et BiPAP en raison des risques potentiels pour la santé liés à la mousse insonorisante en polyuréthane à base de polyester utilisée dans les appareils. Cette mousse particulière peut se décomposer et entraîner des blessures graves, qui peuvent mettre la vie en danger, entraîner une déficience permanente et nécessiter une intervention médicale pour éviter des blessures permanentes aux utilisateurs. » (traduction par mes soins https://www.fda.gov/news-events/press-announcements/fda-provides-update-recall-certain-philips-respironics-breathing-assistance-machines). On est très loin des propos faussement rassurants entendus en France.

Illustration 3

La seconde raison qui justifie une réaction forte c’est justement l’absence de préparation de la part de Philips. Je ne comprends pas comment une multinationale réalisant 40 milliards d’euros de chiffre d’affaires au niveau mondial peut annoncer le retrait des respirateurs le 14 juin 2021 et ne rien prévoir pour organiser la transition : peu de stocks, absence d’informations des malades, informations parcellaires ou contradictoires des médecins et des prestataires, aucun plan d’ensemble pour procéder aux échanges de respirateurs en bonne ordre, en priorisant les malades en fonction des pathologies. Résultat ? En février 2022, l’ANSM constate que 93 % des respirateurs dangereux sont toujours en place ! On peut comprendre l’anxiété et la colère des malades et leur désir de prendre les choses en main pour changer la donne. Cessons de prendre les malades pour des incapables. Les associations savent faire preuve d’un sens des responsabilités. Il appartient aux médecins de sortir de leur silence prudent, quitte à perdre quelques avantages ou quelques marchés.

Comment va se passer la procédure ?

Nous avons imaginé une double procédure suivant la gravité de la situation de chaque demandeur. Elles sont accessibles sur notre plateforme www.myleo.legal et sont complémentaires.

Pour tous, nous proposons une procédure civile qui vise à obtenir l’indemnisation du préjudice moral d’anxiété. Le défaut d’information ou la mauvaise qualité de l’information complété par l’impréparation dans l’échange des équipements étant source d’une angoisse pour les malades. Il faut comprendre leur situation : ils dépendent de ces respirateurs pour éviter des pathologies graves (AVC, problèmes cardiaques, etc.). On leur dit « c’est dangereux, cela peut donner le cancer (quand ? comment ? on ne sait pas) mais en attendant que les nouveaux appareils arrivent, d’ici quelques mois, vous devez continuer à utiliser votre ancien respirateur qui, peut-être, vous rend malade ». Dans le style message contradictoire ou injonction paradoxale, on atteint des sommets d’absurdité. A croire que le Père Ubu a pris le contrôle de l’ANSM.

Pour les personnes qui pensent que leurs nouvelles pathologies sont imputables aux respirateurs et aux débris de polyuréthanes, nous proposons de porter plainte contre X pour tromperie, mise en danger de la vie d’autrui et administration de substances nuisibles. C’est dans ce cadre que je déposerai prochainement plainte au nom de la FFAAIR (fédération d’une cinquantaine d’associations de malades insuffisants respiratoires). L’idée est de faire toute la lumière sur cette affaire et de vérifier si nous sommes ou non en présence d’un « Mediator des voies respiratoires » c’est-à-dire d’une prise de contrôle de la médecine par l’industrie.

 (*) tous les prénoms des malades ont été changés

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