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Face à la menace d'un injuste "non-lieu" en raison d'une improbable prescription, la société civile se mobilise.
En complément de l'important travail réalisé par les avocats dans le dossier pénal qui tentent avec des arguments sérieux de convaincre les juges d'instruction de l'impossibilité de constater la prescription et de maintenir (ou de commencer) une vraie enquête, il est indispensable d'alerter les parlementaires en titre ou candidats en leur demandant de prendre une position claire sur cette question essentielle.
C'est le sens de la tribune que l'on peut lire <<< ici >>>
Par ailleurs, les citoyens sont invités à signer la pétition en soutien de la tribune en cliquant <<< ici >>>
Pour tous, nous vous invitons à découvrir le texte du projet de loi que nous soumettons à la discussion et à l'intelligence collective.
Ce texte est forcément imparfait et seul un travail parlementaire serein et approfondi peut l'améliorer.
Vous pouvez présenter des observations et proposer des rédactions alternatives dans les commentaires. Nous vous recommandons d'interpeller vos élus ou vos candidats afin qu'ils prennent position.
La démocratie ce n'est pas seulement une élection, c'est aussi le débat contradictoire et respectueux ; c'est l'échange d'arguments et l'évaluation de leur pertinence ; c'est la mesure et le respect ; bref ce n'est pas le comportement des gouvernements successifs avec les populations antillaises ; ce n'est pas non plus la politique clientéliste des élus locaux qui parlent, parlent, parlent et renoncent à agir quand le moment est venu.
Or, le moment est venu car comme l'écrit Patrick Chamoiseau "Rien ne s'oppose à la nuit" et, avec les poètes, nous souhaitons réinventer l'aube.
CLE
PROPOSITION DE LOI TENDANT A REGULER LA PRESCRIPTION EN MATIERE DE POLLUTION
[ET De délit d’ECOCIDE]
EXPOSE DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
L'exposé des motifs de la proposition de loi portant réforme de la prescription en matière pénale adoptée en lecture définitive par l'Assemblée nationale le 16 février 2017 indiquait que « les règles légales et jurisprudentielles qui régissent la prescription de l'action publique et la prescription des peines sont peu à peu devenues inadaptées aux attentes de la société et aux besoins des juges en matière de répression des infractions. Elles souffrent aujourd'hui d'une incohérence et d'une instabilité préjudiciables à l'impératif de sécurité juridique ».
Ce constat formulé par de nombreux acteurs du monde universitaire, du monde judiciaire ainsi que par deux missions d'information parlementaires au cours des dix dernières années, déjà juste à l'époque, est malheureusement toujours d'actualité notamment en matière d'infractions environnementales.
L'action publique a pour but de réprimer le trouble social engendré par une infraction par l'application d'une peine ou d'une mesure de sûreté contre l'auteur de l'infraction.
En droit français, on enseigne que l'exercice de l'action publique appartient à la société, et à elle seule, qui l'exerce par la voie de ses représentants et en premier lieu, le Ministère public. Pour rappel, la mise en mouvement de l'action publique peut, selon l'article 1er du CPP, être demandée par une partie civile dans les conditions et les formes prévues par la loi.
L'action publique qui n'a pas été intentée dans un délai défini s'éteint par l'effet de la prescription extinctive : « le délinquant ne peut plus être poursuivi et, de ce fait, l'infraction dont il s'est rendu coupable va rester impunie » (BOULOC, Procédure pénale, Précis Dalloz, n° 202 et s.).
Le professeur Bernard BOULOC souligne que le fondement de la prescription repose sur une double idée :
- « Au bout d'un certain temps, dans un intérêt de paix et de tranquillité sociale, mieux vaut oublier l'infraction qu'en raviver le souvenir » ;
- « Au fur et à mesure que le temps s'écoule depuis que l'infraction a été commise les preuves disparaissent (...) une action exercée trop longtemps après la commission de l'infraction risquerait de provoquer une erreur judiciaire ».
Dans le cas particulier du scandale du CHLORDECONE, aucun de ces deux arguments n'apparaît toutefois convainquant. Bien au contraire, une ordonnance de non-lieu pour cause de prescription, vers laquelle se dirigent pourtant les juges d'instruction, viendrait en effet troubler la paix sociale aux Antilles et entretenir la suspicion d'une justice « néocoloniale» protectrice des intérêts des grandes familles de propriétaires terriens souvent héritières de fortunes constituées à la sombre époque de l’esclavage.
D'autant plus, qu'il est important de souligner que la pollution ainsi que les préjudices et les conséquences sanitaires qui en résultent se poursuivent encore aujourd'hui, puisqu'on estime la durée de la contamination, notamment des sols, à plusieurs siècles (600 ans selonw les propos du Ministre des solidarités et de la santé Olivier VERAN, le 11 février 2021, « Nous en avons tous conscience, le chlordécone, utilisé dans les années 1970 et 1980, était, passez-moi l'expression, une vraie saleté : il a pourri les sols, il possède un effet rémanent de six cents ans et il peut contaminer les milieux aquatiques, les sols et les denrées alimentaires »).
Quant à la disparition des preuves, elle a été organisée puisque certaines archives ministérielles ont tout simplement et opportunément disparu. Cette absence de preuve, accentuée par l'inaction des pouvoirs publics, qui ont tardé à agir et ont fait preuve d'un singulier manque de diligence, profite aux criminels.
Ainsi, dans ce cas, l'application de la prescription pour éviter une hypothétique « erreur judiciaire » provoque un réel et immédiat « déni de justice ».
Plusieurs auteurs soulignent que la prescription « profite aux délinquants d'habitude et par tendance ». C'est la raison pour laquelle l'appréciation des différents éléments de la prescription doit se faire avec sévérité pour ne pas devenir un moyen commode d'échapper aux poursuites, en raison notamment de la désorganisation de l'institution judiciaire ou des pressions politiques savamment organisées.
La prescription de l'action publique a pu être définie comme le « droit accordé par la loi a l'auteur d'une infraction de ne plus être poursuivi ni jugé après l'écoulement d'un certain délai depuis la réalisation des faits ».
Toutefois, la Cour de cassation considère que la prescription « ne revêt pas le caractère d'un principe fondamental reconnu par les lois de la République et ne procède pas des articles 7 et 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, ni d'aucune disposition, règle ou principe de valeur constitutionnelle»[1].
Dès lors, rien n'empêche le Législateur de modifier les règles en matière de prescription, notamment pour les infractions environnementales qui constituent des infractions continues, mais souvent aussi occultes et dissimulées, et qui doivent pouvoir faire l'objet de poursuites.
A ce titre, aucun principe constitutionnel ou issu de la CESDH n'interdit au Législateur de venir supprimer le 4° de l'article 112-2 du code pénal ou de créer des dérogations à cette disposition.
La présente proposition de loi entend donc moderniser et clarifier l'ensemble des règles relatives à la prescription de l'action publique et des peines, afin d'assurer un meilleur équilibre entre l'exigence de répression des infractions environnementales et l'impératif de sécurité juridique.
L'article 1er modifie les règles applicables à la prescription de l'action publique/.
L'article 3 procède à diverses coordinations dans le code pénal, le code de procédure pénale et le code de justice militaire.
Projet de loi
Article 1er
Une infraction continue est une infraction dont la consommation se réalise par un acte qui dure dans le temps. L'acte s'accomplit et ne sera définitivement accompli qu'à la cessation de l'infraction.
La prescription des infractions continues ne court qu’à partir du jour où elles ont pris fin dans leurs actes constitutifs et dans leurs effets.
Article 2
En matière de délits de pollution des terres des eaux et de l’air en particulier et de l’environnement en général [tout comme en matière de délits d’écocide], l’infraction est réputée être continue.
L’action publique se prescrit dans un délai de six ans :
- Soit à compter du constat de la cessation de la pollution ou [de l’événement à l’origine de l’écocide], émanant d’une autorité compétente et indépendante ;
- Soit à compter de la date de la consolidation du dommage initial ou aggravé impliqué par cette pollution [ou par l’événement à l’origine de l’écocide] et subi par toute personne physique ou morale.
Article 3
Les derniers alinéas des articles L. 216-6, L. 432-2, […] du code de l’environnement sont abrogés.
[Liste de tous les alinéas des articles du Code de l’environnement qui indique que le délai de prescription court à compter de la découverte du dommage].
Article 4
Par dérogation au 4° de l’article 122-2 du code pénal, la présente loi s’applique aux pollutions antérieures à sa promulgation ou dont les effets perdurent au jour de sa promulgation.
La présente loi ne peut avoir pour effet de prescrire des infractions qui, au moment de son entrée en vigueur, avaient valablement donné lieu à la mise en mouvement ou à l'exercice de l'action publique à une date à laquelle, en vertu des dispositions législatives alors applicables et conformément à leur interprétation jurisprudentielle, la prescription n'était pas acquise.
[1] Cass. ass. plén., 20 mai 2011, no 11‐90.033, Bull. ass. plén., no 6 ;
Cass. ass. plén., 20 mai 2011, no 11‐90.025, Bull. ass. plén., no 7 ;
Cass. ass. plén., 20 mai 2011, no 11‐90.032, Bull. ass. plén., no 8