Pour faire simple (et ainsi éviter les remarques des grammairiens anglophones qui dévieraient le débat à coups de contre-exemples sur le fonctionnement de l'anglais) :
1. En anglais, si vous regardez la liste des pronoms personnels sujets, vous avez bien un "il" (he), un "elle" (she), mais vous n'avez pas de "ils" et de "elles". Simplement un... "iels" (they). Ça fait très longtemps. C'est pas la faute du Robert. C'était déjà comme ça quand vous étiez à la crèche, et même, sans doute, quand votre grand-mère était à la crèche. Surpriiiise !
2. En anglais, les adjectifs sont, pour la plupart, neutres et invariables. Pas de masculin et de féminin. Pas non plus de singulier et de pluriel. Oubliez les histoires d'accord en genre et en nombre.
3. En anglais, la plupart (j'ai bien dit "la plupart", calmez-vous) des noms communs sont neutres. Pas de pronom "un" ou "une" pour désigner "un" bureau ou "une" table, par exemple. D'où, d'ailleurs, la difficulté qu'ont les non-francophones à apprendre le français : chaque nom est genré et il est impossible de deviner le genre d'un nom qu'on ne connaissait pas. C'est complètement arbitraire. C'est pour cette raison que vous désignerez "un" bureau ou "une" table par le pronom personnel sujet "it" : ce n'est ni "un garçon", ni "une fille", c'est un objet, point. Certains noms de métiers ont bien un féminin et un masculin ("an actor" et "an actress", par exemple), mais on dit toujours "a baker" pour un boulanger comme pour une boulangère. Ce n'est donc même pas une question de prestige comme chez nous, sauf bien sûr à ce que la boulangère soit au-dessus de l'actrice sur l'échelle du prestige, je vous en laisse seuls juges.
4. Quand, en français, on dit parfois "il ou elle" quand le genre de la personne de laquelle on parle nous est inconnu, ce qui peut paraître lourd, les anglais utilisent "they". Oui, la troisième personne du pluriel. Neutre. "Iels", en somme...
A la lumière de ces faits, nous comprenons que le débat sur l'égalité des genres ou sur la féminisation ne saurait exister dans la langue anglaise.
Une question me vient donc à laquelle certain(e)s d'entre vous ("some of you", neutre et singulier, en anglais : sans parenthèses ni point médian) seront sans doute en capacité de répondre : ok, la langue et la pensée sont liées, et en modifiant la langue, en la rendant plus inclusive, on se donne un moyen supplémentaire de faire évoluer les consciences. Une société qui inclut les femmes dans son langage les inclut dans son fonctionnement. Très bien. Mais alors, est-ce à dire que les pays anglophones sont plus égalitaires, inclusifs et respectueux des femmes que la France et les pays francophones ? Il me semble qu'il est permis d'en douter, mais il est possible que je me trompe, je fais donc appel à votre savoir dans ce domaine.
Cependant et afin de résoudre la querelle du iel, du point médian, de l'écriture inclusive, la solution la plus évidente ne serait-elle pas tout simplement de supprimer les genres, comme l'ont fait les anglophones (en ont-ils jamais eus, encore une fois, j'avoue mon ignorance) ? S'il n'y avait que le masculin, il n'y aurait plus de féminin, et donc plus de masculin. Afin de rétablir la parité dans mon raisonnement, voici son pendant féministe, tout aussi envisageable : s'il n'y avait plus que le féminin, il n'y aurait plus de masculin et donc plus de féminin. Il n'y aurait plus qu'un genre qui serait, de fait, neutre, puisqu'on ne pourrait plus l'opposer à un autre.
Quant à celles et ceux (attendez que "celleux" entre dans la version numérique du Robert, vous allez voir le bordel... - "those" en anglais, au fait : pluriel, mais neutre) qui disent qu'on ne va pas réécrire Proust ou La Fontaine en supprimant les genres : non, on ne va pas réécrire Proust ou La Fontaine (bon courage à qui s'y frotterait, du reste) en supprimant les genres. De même qu'on n'a pas réécrit Montaigne, Rabelais et Shakespeare malgré les évolutions de langues. Il y a toujours des "thou" à la place des "you" dans la dernière édition d'Hamlet, alors que je parierais bien que ça fait quelques années que même la Reine ne l'a pas utilisé (thou, pas Hamlet). Simplement, les futur.e.s auteurs et autrices ("authors", non genré) et les futur.e.s locuteurs et locutrices ("speakers", non genré) auront la possibilité de n'utiliser qu'un seul genre... jusqu'à ce que ça devienne l'usage majoritaire depuis si longtemps que plus personne à part les grammairiens et autres historiens de la langue ne sauront que "dans le temps, on 'genrait' tous les noms communs et on accordait les adjectifs en genre et en nombre !"
La question à résoudre reste donc la suivante : faut-il supprimer le masculin ou le féminin ? Je vous laisse vous engueuler là-dessus (moi, je m'en fous), je reviens dans vingt ans.
L'autre question qui me vient, peut-être plus importante : est-on sûrs qu'une fois qu'on aura réglé ce problème, la société sera plus égalitaire et plus inclusive ? A priori, je dirais que ce serait bien de ne pas trop compter que là-dessus, parce qu'on vient de voir que, sauf erreur de ma part, les femmes ne sont pas mieux traitées de l'autre côté de la Manche ou de l'Atlantique qu'ici malgré une langue on ne peut plus inclusive puisque non-genrée.
Voilà, j'ai apporté ma modeste contribution à ce débat.