Dix milliards d’économie sont à faire sur les dépenses de santé. On peut certes envisager quelques révisions concernant le fonctionnement des services hospitaliers, réduire les effectifs de personnels, mais ceux-ci étant déjà tellement réduits, on ne fera pas suffisamment d’économie sur ces postes de dépense.
La seule vraie solution est pourtant évidente et on nous prépare depuis un certain temps à l’admettre, il s’agit de l’euthanasie. Il est vrai que jusqu’à présent il ne s’agissait que de quelques malheureux qui n’étaient plus en capacité de décider seuls et qu’il fallait « aider à mourir dans la dignité ». Mais pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Tous les malades ne veulent-ils pas mourir dans la dignité ? Plutôt que de se trainer pendant de longs mois ou de longues années avec un cancer, ne serait-il pas plus digne d’abréger ces souffrances ?
Il est vrai aussi – une ministre nous l’a démontré – que l’on peut éviter des dépenses de santé en travaillant pendant une chimiothérapie ; on fait même ainsi d’une pierre deux coups, on réduit les dépenses et on participe à l’effort de productivité nationale. Et même, avec un peu de chance, on fera l’économie de l’ultime piqûre puisque le travail aura fait tout seul ce que la médecine répugne encore parfois à faire.
Le problème, c’est que nous n’avons plus vraiment de ministre de la santé, ni même de secrétaire d’état, pour prendre la décision. Mais peut-être est-ce justement le signe révélateur du fait que nous n’en avons plus besoin : si on renonce à soigner les malades, à quoi bon avoir un ministère ?
On pourrait dans le même ordre d’idées (géniales) supprimer le ministère de l’éducation. Celui-là coûte encore plus cher, et pour quels résultats ! Après les hôpitaux, on pourrait laisser dépérir les écoles. A-t-on seulement calculé le rendement d’une telle opération ? Combien de milliards économisés pour renflouer les caisses du Medef et celles des banques des paradis fiscaux ? Certes, il sera plus difficile de faire admettre qu’il faut aussi euthanasier les jeunes qui ne veulent pas bien travailler en classe, mais en y réfléchissant, c'est-à-dire en calculant bien, si l'on compare ce que coûte à la société un jeune inactif – et je n’ose même pas parler de celui qui devient délinquant ! – avec le prix d’une petite euthanasie, est-ce qu’on hésitera longtemps ? En période de crise, nos gouvernants ne doivent-ils pas savoir dépasser toute forme de sensiblerie ?
Décidément, nos gouvernements ne manquent pas seulement de savoir faire pédagogique, ils manquent aussi d’audace. Il nous faut d’urgence un nouveau « pacte » : après le pacte de responsabilité et le pacte de solidarité, la clé de voute de l’édifice s’impose : un « pacte de sacrifice » ! D’ailleurs, ce serait précisément un pacte qui porterait à son pinacle la responsabilité et la solidarité. N’est-il pas grand temps que chaque citoyen – auquel on a seulement demandé pour l’instant de partager les efforts – ne se contente pas de gestes symboliques tels qu’une petite résignation devant l’augmentation des taxes, des cotisations ou devant la baisse de prestations sociales, mais s’engage vraiment, de manière vraiment responsable et vraiment solidaire avec nos pauvres actionnaires, en sacrifiant sa vie et le cas échéant celle de ses enfants lorsqu’elles ne représentent plus une force potentiellement suffisante pour rapporter davantage à l’économie qu’elles ne coûtent à la collectivité ?