N’est-il pas aujourd’hui une évidence partagée par tous, du moins par tous ceux qui ont compris que nous sommes dans une mondialisation concurrentielle, que jamais la France ne pourra s’en sortir si le coût du travail est seulement réduit au lieu d’être purement et simplement aboli ?
Il est grand temps d’en finir avec de faux débats tel que celui du statut des fonctionnaires : le problème n’est absolument pas qu’il y en a trop, mais que l’on continue de les payer, ce qui ruine toute perspective de baisse des impôts. Et ce qui saute aux yeux pour les employés de l’État n’est pas moins vrai pour les salariés de n’importe quelle autre entreprise, la principale charge, avant même les diverses cotisations (qu’il faut aussi supprimer bien entendu), c’est le salaire lui-même. De nos jours, une entreprise ne peut plus espérer prospérer si elle doit rémunérer son personnel.
Il faut que chaque travailleur comprenne bien où se situe son intérêt : s’il veut conserver son emploi, il doit accepter de bon gré de travailler pour rien. Il y va non seulement de la survie de son entreprise, mais aussi de la sienne et de celle de sa famille.
Plutôt que d’ergoter sur telle ou telle mesure catégorielle corporatiste, sur tel ou tel aspect d’une législation devenue de toute manière obsolète dans le concert des nations progressistes et modernes, il convient à présent de voir les choses en face, d’être enfin réaliste, de cesser de se voiler la face et d’affronter enfin la vérité. La seule manière de protéger les salariés, de leur « donner de nouveaux droits », est de leur enlever leurs anciens, à commencer par leur statut de salarié. C’est cet archaïsme qui bloque tout progrès social : dès lors qu’il faut rémunérer celui qui produit, la production va forcément couter trop chère, puisqu’elle pourrait ne couter que le prix des matières premières et des « inputs » incompressibles, comme nous l’apprennent les économistes depuis longtemps.
N’oublions pas que le statut d’esclave est un statut très protecteur, qui enlève toute responsabilité à son bénéficiaire et surtout tout souci du lendemain. C’est la garantie de l’emploi à vie, sans crainte du chômage qui est le principal fléau de notre époque. Quelle autre solution permettrait à la fois de résoudre la crise du chômage et celle de la productivité dans un monde concurrentiel ?
Le problème aujourd’hui, il faut bien le dire, c’est la timidité de nos institutions, qui ne savent pas se tourner vers l’avenir, même le MEDEF et, a fortiori, les gouvernements de gauche, n’ont pas le courage de dire la vérité aux gens. Et en politique, on le sait bien, il est essentiel de dire la vérité. Or la vérité, c’est qu’on ne peut plus continuer comme cela : les entreprises croulent sous le poids des charges et des salaires, les actionnaires qui prennent sans cesse des risques (que l’on pense seulement à celui d’une nouvelle crise financière qui les obligeraient à nouveau à faire appel à l’argent public pour espérer conserver leurs dividendes, sans lesquels ils ne pourraient plus donner de travail aux pauvres) ont un urgent besoin de voir leur situation consolidée et garantie.
Non, Monsieur Plenel, ce n’est pas le moment « de dire nous », nous en avons assez d’eux, de ceux qui ne veulent pas voir les évidences, qui freinent tout progrès et tuent tout espoir dans l’œuf par leur sottise à s’accrocher à des privilèges qui ne peuvent plus avoir cours, car au fond, que l’on se pose simplement la question : qu’est-ce qui justifie que l’on rémunère le travail ? N’est-ce pas déjà un privilège bien suffisant de pouvoir travailler ? Les retraités qui font de la mauvaise graisse et souffrent d’inactivité, les enfants qui ne supportent plus l’école, ne seraient-ils pas heureux d’avoir du travail ? Et enfin et surtout les chômeurs, qui ne veulent pas travailler parce qu’ils n’ont même pas conscience que leur paresse leur est nuisible, qui ont besoin qu’on les remette au travail. Mais pourquoi faudrait-il de surcroît leur donner une rémunération qui plombe notre économie ?
Dans la société, il y a ceux qui ont le courage de prendre des risques et ceux qui ne sont pas capables de le faire. A ces derniers, il faut consentir une sécurité que seul l’esclavage peut leur donner. C’est la recette de la paix sociale enfin retrouvée, de la prospérité dont chacun rêve et la solution de tous nos problèmes.
Car enfin, et ce ne serait pas la moindre conséquence de ce rétablissement salutaire, c’est la vaste question des droits qui serait enfin réglée. Il n’y aurait plus besoin d’évoquer un « état d’urgence » ou d’autres mesures législatives pour faire régner l’ordre. Si une part importante de la population était tout simplement privée des droits élémentaires de citoyen, nul débat n’apparaîtrait plus sur les risques de restriction de ceux-ci. Qu’il s’agisse des individus suspects ou surveillés à un titre ou à un autre, ils ne pourraient plus avoir de raisons de se plaindre de quoi que ce soit, d’autant plus d’ailleurs que ceux qui seraient chargés de ces mesures de salubrité publique seraient aussi soumis à ce nouveau statut d’esclave et ne seraient en rien différents d’eux. Ainsi chacun accepterait de bonne grâce les opérations de simple police qui sont aujourd’hui contestées au nom de prétendus droits qui n’ont plus aucune raison d’être.