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Billet de blog 13 juin 2025

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Fuir l’impôt, fuir l’humanité : la trahison des riches

Alors que les ultra-riches fuient à la moindre hausse d’impôt, ce billet dénonce leur trahison : en refusant de contribuer, ils abandonnent la santé, l’éducation, la sécurité et la planète. Une charge implacable contre ceux qui accumulent pendant que le monde s’effondre — et ceux qui les défendent.

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Ils fuient. À peine a-t-on esquissé une hausse d’impôt sur les ultra-riches au Royaume-Uni que 4 400 d’entre eux ont pris la poudre d’escampette. Dans leurs jets privés, ils abandonnent derrière eux 110 milliards de dollars d'actifs.1

Une fuite. Un renoncement. Une désertion.

Mais fuyons, nous aussi, la langue de bois : c’est une trahison.

Ces élites économiques, qui se prétendent bâtisseurs, innovateurs, mécènes de l’humanité, démontrent en vérité leur véritable loyauté : leur fortune, et elle seule. Elles ont profité des infrastructures publiques, des institutions, de la paix sociale, de la stabilité politique bâtie par des générations d'efforts collectifs. Elles ont grandi au sein d’un monde qu’elles n’ont pas inventé, mais qu’elles exploitent à leur avantage. Elles ont bénéficié d’une fiscalité avantageuse sur l’héritage, permettant à des individus nés riches de le rester sans effort, de voir leur patrimoine croître sans jamais avoir à justifier leur place au sommet. Et le jour où on leur demande de contribuer un peu plus, elles claquent la porte et tournent le dos.

Et comme pour justifier leur fuite, on entend aussitôt les chiens de garde du système s’exprimer. Ceux-là mêmes qui se prétendent objectifs, neutres, raisonnables. Ils affirment doctement qu’il est "impossible" de taxer les riches, que ce serait "contre-productif" puisqu’ils s’en iraient. Mais d’où parlent-ils ? Qui sont-ils vraiment ? Très souvent, ces voix appartiennent à des journalistes confortablement installés, à des éditorialistes de plateaux dorés, à des économistes médiatiques issus des grandes écoles de l’entre-soi. Des gens déjà nés du bon côté de la barrière, formés aux réflexes bourgeois, aux raisonnements qui protègent leurs intérêts. Discrètement, sans ostentation, leur patrimoine, leur statut social, leur réseau les placent parmi les 0,1% les plus riches du monde. Ils ne défendent pas la raison. Ils défendent leur position. Leur fortune. Leur entre-soi. Et ils espèrent, à chaque fois qu’ils parlent, que personne ne pensera à leur demander pour qui ils roulent vraiment.

Que fuient-ils, au fond ?

Un devoir moral. Une contribution juste. L’effort commun de réparer ce que leurs fortunes ont, bien souvent, contribué à abîmer.

En refusant de payer leur part, ils disent non aux hôpitaux. Ils disent non aux infirmières qui s’épuisent, aux patients qui attendent des mois pour une opération, aux services d’urgence débordés. Ils laissent la santé publique s’effondrer pendant qu’eux investissent dans des cliniques privées hors de prix.

Ils disent non à l’éducation. Ils disent non aux enfants qui étudient dans des classes surchargées, sans livres, sans enseignants, sans avenir. Ils regardent, depuis leurs tours de verre, le système éducatif s’éroder, puis s’étonnent de l’essor des inégalités qu’ils entretiennent.

Ils disent non à la sécurité. Car moins d’impôts, c’est aussi moins de policiers, moins de moyens pour protéger les plus vulnérables, moins de présence sur le terrain. Ils vivent protégés dans des quartiers fermés, sous alarme et surveillance privée, pendant que le reste de la population subit l’insécurité grandissante. Ils disent non à la tranquillité publique, car leur privilège exige que les autres paient, même en peur.

Ils creusent le fossé. Le fossé entre les premiers de cordée et ceux qui n’ont même plus de corde. Un fossé où s’entassent le mal-logement, la précarité, la violence sociale.

Mais ce n’est pas tout. En ne redistribuant pas leur richesse, démesurée et inutile à leur bonheur, ils favorisent l’ignorance, l’illettrisme, le recul scientifique. Ils ferment les robinets du progrès et laissent place aux mirages du complotisme, cette maladie de la pensée née du vide que leur cupidité creuse.

Et pire encore : ils tournent le dos à la planète. Ils fuient la fiscalité verte, l’effort de transformation, les politiques de sauvegarde des écosystèmes. Leur fortune investie dans le luxe et l’évasion fiscale condamne les générations futures à vivre dans un monde moins vivable.

Alors non, ce ne sont pas de simples choix économiques. Ce sont des choix politiques, moraux, humains. Et ils sont impardonnables.

Alors, si vous avez perdu un proche lâchement poignardé dans une rue laissée à l’abandon, si vous avez perdu un parent d’un cancer intestinal lié à un pesticide toléré pour ne pas froisser les intérêts économiques, si vous avez vu mourir quelqu’un d’une maladie bénigne que l’hôpital public, étranglé financièrement, n’a pas pu soigner à temps — alors souvenez-vous de ceux qui ont fui. Et lorsque nous tomberons tous, un à un, comme des insectes dans une fournaise planétaire allumée par leur inertie, n’oubliez pas de les remercier.

Ces riches-là ne méritent plus notre admiration, ils méritent notre boycott. Ne plus consommer leurs marques, ne plus financer leurs groupes, ne plus relayer leur storytelling hypocrite de self-made millionnaire. Ils ne sont pas l’élite. Ils sont l’ombre portée du système.

Les 99% doivent s’unir. Il est temps que la majorité s’organise face à cette minorité qui accumule pendant que le monde suffoque. Pendant que l'humanité s'empoisonne lentement, jour après jour, avec les produits industriels qu'ils ont conçus : trop sucrés, trop salés, trop transformés — et souvent trop toxiques.2,3

Car s’ils ne changent pas, s’ils persistent à s’enfuir, à thésauriser, à mépriser l’intérêt général, ils finiront par subir ce que les nantis ont un jour subi dans les rues de Paris, en 1789.

Et cette fois, il n’y aura pas d’avion pour fuir. Même retranchés derrière leurs murs et leurs caméras, ils apprendront que la peur finit toujours par franchir les grilles de leurs cités d'or. à moins que nous n’ayons déjà perdu la partie… et que leur monde d’or ne soit déjà devenu notre mort. 

Sources :
1 - https://www.bfmtv.com/economie/edito-taxer-les-riches-le-royaume-uni-vient-de-le-faire-et-depuis-4-400-dirigeants-et-110-milliards-de-dollars-ont-quitte-le-pays_AV-202506130244.html
2 - https://www.lemonde.fr/planete/article/2024/09/17/au-moins-3-601-produits-chimiques-presents-dans-notre-corps-proviennent-d-emballages-ou-d-ustensiles-de-cuisine_6320808_3244.html?utm_source=chatgpt.com

3 - https://www.lemonde.fr/planete/article/2025/06/05/la-france-malade-du-cadmium-une-bombe-sanitaire-alertent-les-medecins-liberaux_6610597_3244.html?utm_source=chatgpt.com

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