À l'occasion de la Journée internationale pour la liberté de la presse, qui a lieu le 3 mai, Reporters sans frontières consacre un album aux photographies désormais classiques de René Burri (diaporama dans l'article).
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Né en 1933 à Zurich, élu membre de la prestigieuse agence Magnum en 1959, où il côtoie Robert Capa, Henri Cartier-Bresson, George Rodger et David Seymour, René Burri a su composer une œuvre photographique qui compte parmi les grands recueils de la mémoire iconographique du XXe siècle. D'abord intéressé par le cinéma, René Burri commence par manier la caméra, avant de se tourner vers l'appareil photo. Dans les années 1950, il travaille pour le magazine Life et aiguise son goût pour les grands hommes et les grands événements. Il travaille alors sur la Guerre de Corée, du Vietnam, celle des Six jours, sur la Chine de Mao, le Cuba de Castro… Dans les années 1960, il part photographier Brasilia, capitale-nouvelle émergée de l’imaginaire d’Oscar Niemeyer et Lucio Costa, affûtant sa perception de la présence architecturale, qu'il prolongera avec des travaux sur Le Corbusier par la suite.
Dans son oeil virtuose: insolence, fraternité, intuition et subtilité. Ses images sont de grandes images, qui ont marqué définitivement le champ de nos réprésentations picturales; des images décisives. Certains des sujets capturés par son obturateur y trouvent la puissance graphique conforme au symbole qu'ils s'apprêtent à incarner, un écho supplémentaire, parfois: ainsi de Che Guevara, dont René Burri a tiré un portrait légendaire, de Nixon, Picasso, Giacommetti, Klein… Burri photographie artistes et politiques.
Mais il a aussi rendu compte de la ville, de la foule, du Brésil, du Mexique, de Cuba, du communisme, de la guerre, intégrant chacun de ses clichés dans des suites narratives capables de raconter l'Histoire en mouvement. Avec l'art de faire coïncider acuité documentaire et subtilité esthétique. Tout le génie du photo-reporter est de parvenir à rejoindre la réalité des choses, ensevelie parfois derrière les discours flous dont nous tissons nos représentations du monde, de défaire le vague des énoncés par la médiation pure de l'image photographique pour rassembler en une image les données d'un champ d'expérience concret. René Burri compte parmi ceux-là.
Che Guevara n'est pas qu'un énoncé mythique, une étoile sur un drapeau rouge, c'est aussi un amateur de cigare, qui évolue de temps à autre dans un bureau, un simple bureau. La «guerre» connaît ses temps morts et ses trivialités, qui constituent pourtant l'humaine immanence de l'existence, des temps autres où les soldats se laissent murmurer des mots salaces par des prostituées au coin de l'oreille… Grand peintre, Pablo Picasso pouvait témoigner d'un naïf émerveillement devant la cage de son oiseau de compagnie, avoir cet air presque un peu bête que nous affichons tous face aux plaisirs minuscules de la vie. Autant de facettes de la réalité que les mots ne sont pas toujours en mesure de rendre compte, prisonniers qu'ils sont d'un tissu de connotations qui les précède et les dépasse. «Lorsqu'on parvient vraiment à capter la vibration du vivant, alors on peut parler d'une bonne photographie.»
René Burri à su saisir également l'étrange poésie des scènes quotidiennes, une élégante jeune femme surprise à l'écoute d'un téléphone public, le regard intéressé de quelques cadres au passage d'un ballet usuel de demoiselles en chemin vers on ne sait quelle course, les exercices gymniques d'un homme sur un terrain de jeu municipal, entre horodateurs et palmiers, la ronde d'une brigade de costumes sombres sur le toit d'un building. De ces scènes ordinaires transparaissent pourtant les lignes symboliques d'une société, ses inclinations arhitecturales, ses goûts vestimentaires, ses mises en scène. René Burri nous livre constamment des photographies empreintes de significations, et à l'aise avec elles. Il a su marier avec talent les grands moments de l'histoire comme les gestes du quotidien au sein d'une œuvre d'une régulière densité. Une œuvre universelle sur la condition de notre monde.
René Burri a dit un jour: «Un de ces jours, je publierai un ouvrage de toutes les photos que je n'ai pas prises. Ce sera un énorme succès.» Il voulait sans doute exprimer par là les tourments de sa conscience face l'immensité du monde dans son actualité, et l'impossibilité subséquente pour un individu singulier d'en rendre l'exacte mesure, ni même d'en approcher réellement. Ce faisant, René Burri se place du côté du journaliste et de sa quête, de son goût intact et toujours renouvelé pour l'exploration et l'exposition du monde.
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En vente partout dès le 3 mai 2011- 9,90 € (intégralement reversés à l'association). Exposition du 3 mai 2011 au 4 juin 2011 à la galerie Esther Woerdehoff, 36 rue Falguière, 75015, Paris. Vernissage mardi 3 mai à 18h, à la même adresse.
RSF rend hommage à la blogosphère chinoise, qui reste courageusement vivace malgré une censure et une répression numérique agressive, dont la nécessité à été réaffirmé par un livre blanc datant de 2010, au nom du «respect des lois locales {…} et du «maintien de la stabilité». Au Viet-Nam,en Thaïlande, au Venezuela et en Iran, la liberté sur le Net semble se réduire. De même qu'en France, avec la loi LOPPSI.