Je n'aurais pas la prétention de faire une critique objective du film, mais l'éxaspération me pousse quand même à tenté à chaud une balbutiante analyse comparée (surtout guidé par l'émotion) du pourquoi ce film est pour moi un échec en tant qu'adaptation.
Je divise cette critique en plusieurs points, des éléments qui faisaient celons moi la force du roman et la manière dont ils ont été transposés ou pas à l'écran. J'aborderais donc d’abord dans les grandes lignes l'univers, puis le scénario et l'intrigue, après cela une parenthèse un point sur les personnages et leur profondeur scénaristique, enfin ce qui était pour moi un point fort du roman: la critique sociale.
Un univers afaibli par l'image.
C'est difficile de renouveler le genre de la dystopie futuriste. Des mastodontes de la SF sont déjà passés par là et on tracés des gouffres dans lesquelles la plupart des œuvres finissent par tomber. Pourtant, Chien 51 esquivait la plupart des lieux communs, proposait une vraie originalité avec des mégas firmes devenues nations, un futur particulièrement crédible et qui empruntait au cyber avec une touche très punk tout en se réappropriant habilement des éléments incontournables du genre. Mais surtout, c'est la manière dont l'univers était amené dans l'histoire, pas toujours subtile, mais jamais non plus en gros pâté de "regarder comme il est cool mon monde ». En clair, on avait envie d’en savoir plus, de plonger derrière les pages, se perdre dans les ruelles, explorer, découvrir, connaître le passé pour comprendre cette profondeur que l’on percevait dans le récit.
Le film ne propose rien de nouveau, on a le droit à la sempiternelle sauce SF sans saveur, prévisible d’une paresse inventive absolue qui ne reprend aucune des originalités du livre (les zones sont un déjà vus). Pourtant certains plans sont plutôt jolis, bien rendus à la caméras avec un traitement des couleurs soigné mais le tout manque de cohérence justement parce que le film se contente de reprendre des fragments du livre.
Un scénario (mal) adapté à l'écran.
On avait un bon polar, bien construit, très mystérieux avec de multiples rebondissements des implications politiques et une fin absolument parfaite de résolution sans révolution. Tout était cohérent sans être prévisible. C’était équilibré ! Je pense que c’est le terme qui correspond le mieux.
On se retrouve avec un film d’action pourri avec des courses-poursuites en bagnole sans intérêt une énigme bâclée une fin bâclée par une révolution bâclée bref le scénario du film n’a absolument aucun lien avec celui du livre. Ce qui me permet d’en arriver à l’un de mes premiers coups de gueule ; donné a un film, le nom d’un bon livre ne garanti pas d’en faire un bon film ! On aurait pus avoir un film moyen mais regardable, mais pour n’importe qui ayant lus le livre on navigue de déception en déception en étant sans cesse dans l'attente et on ne profite absolument pas des quelques éléments positifs (comme le classique mais très bon casting).
Dialogues, background, et valeurs: des personnages sans identités.
Les interactions des personnages dans Chien 51 étaient tout simplement jouissives, des dialogues savoureux, des caractères bien trempés, et même les personnages secondaires avait le droit à leurs moments. Et les histoires des personnages étaient tellement profondes, je ne rentre pas dans les détails, car si je me fiche de divulgâcher un mauvais film, je m’en voudrais de le faire d’un bon livre…
Dans ce film, on se retrouve avec des personnages assez creux, trois minutes de background pour chacun des deux personnages principaux dont le passé se résume à un seul événement de leur vie et le futur à un vague objectif (voir la mer, tu parles d’un rêve). Toute la problématique du traumatisme de la perte d'identité, des origines, du renoncement, des valeurs... Tous ces questionnements qui font la construction de l'identité est passé sous silence éclipsé par manque de temps ou de vision scénaristique.
Une critique sociale édulcorée.
Bardibardabouse ! Je ne sais pas si c’est pour avoir les financements de Canal + (propriété de Vincent Bolloré), parce que le réalisateur n’a pas compris le livre ou pour que le film soit mainstream autant que possible, mais zut à la fin ! On avait un bouquin qui dénonçait proprement les dérives du capitalisme, le manque de répartition des richesses, les politiques liberticides, les violences policières, le dérèglement climatique… Bref, un livre humaniste pour ne pas dire de gauche, qui appuyait sur les défauts douloureux de nos sociétés actuelles. Nous voici rendus avec une énième complainte sur les dangers de l’IA ; le premier Terminator est sorti en 1984 franchement 40 ans après, ce serait pas mal de renouveler la recette du robot qui devient méchant.
Le film présente des politique ultra-répressives, mais n’en fait presque aucune critique de fond, il montre des scènes de violences policières, mais avec une neutralité à la limite la normalisation, il ne montre rien d’un dérèglement climatique qui aura inévitablement des conséquences visibles dans le futur, les inégalités sont hyper présente, mais contesté seulement en surface avec une distance comme si le problème n’était pas contemporains ou bien lié a une sorte de fatalité de la nature humaine. En somme, il n’y a rien, c’est vide, désespérant de banalité et complètement détaché des enjeux contemporains. Alors que le concept de guerre culturel prend lentement sa place dans les mentalités, je pense que ce livre était une arme contre le récit dominant, je suis en colère car le film a enrayé cette arme.
Conclusion ?
J’adore les mauvais films rien ne me réjouis plus que le film qui essaie d’innover et se plante en beauté ou à l’inverse celui qui reprend tous les clichés au point qu’on a l’impression de l’avoir déjà vus, je me targue même d’une certaine expertise sur les mauvais films de l’année qui s’achève. Mais je suis très exigeant sur mes lectures et j’en fais souvent une affaire personnelle quand il s’agit de convaincre un.e proche de lire un livre que j’ai apprécié. Donc quand je vois une adaptation d’un des livres facilement dans mon top 3 de l’année, j’ai des attentes… Si le film ne s’était pas prétendu une adaptation de Chien 51, je n’aurais rien trouvé à dire (un peu prévisible au plus) mais maintenant qui vas s’intéresser au livre qui a fait naître un navet pareil ! Tout ça pour me permettre de sortir au final la classique, mais insupportable, réplique des lecteurs aigris « Mouaaaais le livre est mieux... ».