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Billet de blog 25 octobre 2024

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La précarité menstruelle en Palestine ou les oubliées du féminisme occidental

Cet article, écrit pour la revue de relations internationales de Sciences Po Lille, « Le Jeu de l'Oie », se penche sur la précarité menstruelle en Palestine, et souhaite mettre la lumière sur ce sujet trop souvent oublié et qui reste un danger de morts pour les femmes palestiniennes. Le but est également d'analyser les lacunes du féminisme occidental à se mobiliser sur ces enjeux.

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Une situation sans précédent 

Le 9 octobre, Israël proclame le siège total de Gaza, suite aux attaques du Hamas deux jours auparavant. Depuis, la situation est catastrophique : on compte plus de 30 000 décès et 2.2 millions de personnes sont en besoin extrême d’aide humanitaire, selon l’UNFPA [1]. Dans ce massacre, les femmes restent les grandes victimes, représentant, avec les enfants, 70 % des tués. La précarité menstruelle reste un sujet tabou alors qu’elle constitue un danger de mort pour celles-ci. 

Depuis octobre, 85 % de la population de Gaza a été déplacée vers des camps de réfugiés, maintenant surpeuplés, et avec des accès insuffisants à l’aide humanitaire. 

Les Palestinien-nes s’entassent dans des tentes, sans accès à l’hygiène ou aux soins. Être menstrué-e devient un combat quotidien : les protections hygiéniques sont introuvables dans les pharmacies encore ouvertes, et, si elles le sont, leur prix est 5 à 6 fois plus élevé qu’avant l'état de siège. 

Les personnes menstruées se tournent vers des bouts de tente, des chiffons sales, des anciens vêtements comme serviette hygiénique, se mettant alors en danger d’infections graves. La situation est désastreuse, le manque d’accès à l’eau potable rend les conditions d’hygiène invivables, en plus d’une intimité inexistante. La détresse extrême de cette situation les obligent à prendre des pilules retardant leur cycle, pour éviter la misère d’une période de règles. Ces pilules, qui ont pour effet secondaire la dépression, des saignements vaginaux, des nausées, des vertiges,des risques de malaise plus élevés, participent à la vulnérabilité croissante des femmes palestiniennes. 

“Je n'ai qu'un seul sous-vêtement, et je dois le laver à l'eau sale lorsqu'elle est disponible, puis le réutiliser. Dans la salle d'école, il y a plus de 15 femmes et filles menstruées. Parfois, nous ne recevons que deux paquets de serviettes hygiéniques par semaine, mais ce n'est pas suffisant.”

- une femme de 19 ans dans le camp de Rafah [2]

L’UNRWA [3] estime le nombre de personnes menstruées à 690.000 en Palestine, qui vivent alors toutes un danger de mort constant. L'anxiété et les tensions liées aux bombardements rendent la situation d’autant plus invivable, pour des corps toujours plus faibles, déshydratés et mal-nourris, la famine étant devenue une arme de guerre pour Israël. 

Un combat invisible en Occident 

Cette situation dramatique est le fruit de violences basées sur le genre.

Comment expliquer cette invisibilisation de la souffrance palestinienne dans la cause féministe? 

Habituellement, une grande partie du féminisme occidental se focalise sur le sexisme ordinaire, sur des inégalités résonnant surtout chez les femmes blanches et privilégiées. Aussi révoltant que cela soit-il, il est peu étonnant de constater une absence de revendications anti-impérialistes 

Maryam Aldossari [3], professeure à l’université de Londres et spécialiste sur les inégalités homme/femme dans le Moyen-Orient, remarque dans la défense des femmes palestiniennes l’application d’un “féminisme impérial”,un courant féministe qui porte uniquement les voix des femmes en occident, et qui ont une approche paternaliste des femmes d’autres cultures.

Malgré les rapports d’experts de l’ONU[4] qui remarquent des “allégations crédibles de violations flagrantes des droits de l'homme dont sont victimes les femmes palestiniennes”, elles restent ignorées. On ne peut que constater un double standard dans les combats féministes. Cela s’est notamment illustré dans les revendications exprimées le 8 mars 2024, journée internationale des droits des femmes, où la souffrance palestinienne reste invisible, en manifestation, sur les réseaux sociaux et dans les médias. On entend crier “solidarité avec les femmes du monde entier”, mais jamais de lien précis entre l’oppression patriarcale et la situation des femmes à Gaza et dans les camps de réfugiés. 

Ainsi, on perçoit une différence de traitement en défaveur des femmes palestiniennes dans le féminisme porté par l’occident, malgré la situation critique pour les personnes menstruées en Palestine.

Les femmes palestiniennes restent encore les oubliées parmi les oubliés, souffrent en silence à cause de leur genre, pendant que le reste du monde regarde ailleurs. 

[1] [2] [3] rapport UNFPA (fond des Nations Unies pour les activités en matière de population) du 6 mars 2024 sur les territoires occupés en Palestine entre le 25 janvier et le 1er mars 2024

[3] article du 8 mars 2024 dans le Middle East Eye 

[4] Reem Alsalem, Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes et les filles, ses causes et ses conséquences ; Francesca Albanese, Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l'homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967 ; Dorothy Estrada Tanck (présidente) , Claudia Flores, Ivana Krstić, Haina Lu et Laura Nyirinkindi, Groupe de travail sur la discrimination à l'égard des femmes et des filles, qui font toutes partie des procédures spéciale du Conseil des droits de l’Homme. 

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