On peut considérer la terre comme étant le support qui accueille et qui nourrit l’ensemble du vivant. Elle fait lien, entre toutes espèces, elle assemble les maillons, elle tisse, elle tresse, elle unit. C’est d’elle que tout le vivant vient, matériellement, et c’est elle qui recueille les corps morts. Parce que nous sommes composés de matière, parce que nous nous nourrissons de ce qu’elle a permis de produire, et parce que tout vivant que nous sommes, êtres organiques, nous nous décomposerons un jour en elle.
On peut aussi la considérer comme faisant territoire, ou terroir. C’est sur elle que s’étendent les paysages que nous connaissons. Sa couleur, sa composition, sa profondeur varient selon l’espace où elle se trouve. C’est en la travaillant que nous transformons ces paysages et que nous faisons des pays. En connectant avec la terre, en la travaillant, en la regardant, on peut apercevoir ce qui fait lien entre chaque être vivant, ressentir cette interconnexion qui fait “le vivant”.
L’aboutissement du capitalisme et de ses composantes : industrialisation, bétonisation, rationalisation économique, société de consommation, exploitation des corps et des esprits, captation de notre temps de vie par le travail et les loisirs prédéfinis… a étiré le lien qui nous maintient proche de ce qui compose le vivant, qu’il soit humain ou non. Il nous a éloigné de la terre, du reste du vivant et des autres membres de notre espèce. C’est une tension que nous sommes nombreux et nombreuses à sentir, que nous observons, qui prend forme dans les violences sociales et environnementales, dans les blessures qu’infligent les puissants, les corps qu’ils meurtrissent, les forêts qu’ils arrachent.
Se soulever avec la terre, ne faire qu’un avec elle et sentir le lien qui unit le vivant et ses révoltes : les soulèvements de la terre. Comprendre que tout est lié, de l’extractivisme des sols à celui des corps. Se sentir proche des autres, des êtres humains comme des espèces sauvages dont les populations s'effondrent. Les soulèvements de la terre et lutter avec les autres pour le bien commun chacun selon ses moyens. Les soulèvements de la terre et comprendre qu’il n’y a qu’en construisant une autre manière de vivre, une autre manière d’habiter le monde, en cohésion, en cohérence avec le vivant, en tant que vivant, que nous pourrons nous en sortir.