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Billet de blog 6 mars 2025

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François Hollande, symbole et symptôme de l'échec de la social-démocratie

François Hollande a publié un livre. Plutôt historique, il retrace l'évolution de la gauche au cours du XXe siècle et donne des pistes sur son avenir au XXIe. Mais il propose aussi une lecture politique lui étant très favorable, entre défense de son bilan et critique de ses adversaires, et tente de lui donner raison idéologiquement, le plaçant en meneur d'une social-démocratie en route pour 2027.

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François Hollande est connu pour son humour. Et il est vrai qu'il en a beaucoup ! Si je voulais me mettre à son niveau, je dirais donc que son livre n'est qu'une vaste blague, mais restons sérieux. Ce nouvel essai de l'ancien président (2012-2017) tente d'aborder la gauche d'un point de vue historique. La thèse défendue est assez simple, explicitable facilement : la gauche n'est capable de gagner que lorsqu'elle est dirigée par son "aile réformiste".

L'enjeu pour M. Hollande est donc d'engager le débat en opposition avec la ligne "radicale" actuellement majoritaire. Si l'on peut douter de la sincérité de cette ligne dans les appareils socialistes et communistes (ni Olivier Faure ni Fabien Roussel n'ayant particulièrement brillé pour leur défense acharnée du programme du Nouveau Front Populaire), je parle de ligne majoritaire à gauche puisque c'est elle qui rassembla, que cela soit en 2017 ou en 2022, au minimum 20% des suffrages se tournant vers un candidat de la gauche et des écologistes, en l'occurrence M. Mélenchon.

Tout le monde assimile dès lors très bien les intentions de l'ancien président, qui se positionne en meneur de cette "gauche réformiste" qu'il encense, et dont il espère la prééminence. Pourtant sa démonstration est assez faible et critiquable à bien des égards. Il apparaît en effet que M. Hollande a mené tout au long de son récit des omissions plus ou moins flagrantes afin de développer sa thèse. Omissions qui la font pourtant bel et bien flancher.


Illustration 1

Partant de l'affaire Dreyfus, François Hollande remonte jusqu'à nos jours. Détaillant les élections présidentielles de 1981, les législatives de 1997 et sa propre victoire en 2012, il développe son propos favorable aux plus "modérés", qu'il oppose aux plus "radicaux" : le PS devenant la force principale et siphonnant les voix du PCF en 1981, la gauche plurielle de Lionel Jospin faisant la part belle aux socialistes en 1997 et son propre score de 28% au premier tour de la présidentielle de 2012. Si le propos est juste historiquement, l'analyse est pourtant d'une grande faiblesse. En 1981, le PS mène la campagne sur un programme de « rupture avec le capitalisme » (s'opposant à la ligne « réformiste » de Michel Rocard), loin donc de la gauche défendue aujourd'hui défendue par M. Hollande. En 1997, la gauche plurielle s'impose justement parce qu'elle est plurielle, c'est à dire composée de forces radicales à même de faire pencher la balance, d'autant que les mobilisations sociales de 1995 participent à un mouvement populaire en faveur de cette gauche (qui proposait par exemple à l'époque une diminution significative du temps de travail). Et en 2012, François Hollande s'écriait en meeting au Bourget avoir pour « véritable adversaire [...] le monde de la finance » et voulant un impôt à 75% sur les grandes fortunes : ligne bien plus à gauche, et donc bien plus radicale qu'il ne le prétend.

L'analyse également développée qui consiste à déplorer le départ de l'électorat ouvrier de la gauche vers le FN (aujourd'hui RN) est assez croustillante : ce départ progressif s'est effectué entre la fin des années Mitterand et le début des années Sarkozy, soit entre 1990 et 2010 environ. Que faisait François Hollande à ce moment là ? Il était Premier secrétaire du Parti socialiste, entre 1997 et 2008 ! Pourquoi alors M. Hollande n'avait-il pas appliqué sa méthode à cette époque ? Pourquoi a-t-il laissé filer les ouvriers dans les bras de l'extrême-droite alors même qu'il était le chef de file des socialistes ? Assez drôle de déplorer comme un fait une tendance politique qu'il a pourtant lui-même participé à déployer, ou du moins qu'il n'a pas cherché à empêcher à l'époque. Là encore, les omissions de M. Hollande sauvent sa thèse, qui devient bien bancale quand on lit son texte avec ces informations-là en tête.

Je passe sur les éléments plus ou moins faux, à l'image de cette prétendue admiration de Mendès-France pour la politique économique du Premier ministre Poincarré. En effet, PFM rédigea une thèse où il qualifia cette politique de « dangereuse » et « incorrecte », avis me paraissant bien plus réservé et critique qu'admiratif. Si cet essai veut nous convaincre que seule une victoire de la gauche peut avoir lieu avec une figure "réformiste" (terme bien plus élogieux que "centriste" ou "modérée", mais assez mal utilisé puisque d'autres mouvements de la gauche "radicale" sont réformistes, tels que La France insoumise par exemple, qu'il conspue pourtant), il oublie au fond un élément essentiel : sur quelle ambition et quelle ligne politique ? En effet, il omet (encore) complètement de préciser sa responsabilité personnelle dans la désertion par les électeurs de cette gauche dite social-démocrate, après l'échec de son mandat de 2012. Lui-même explique pourtant que le Cartel des gauches d'Edouard Herriot et le gouvernement Mendès France (entre 1954 et 1955) fut un échec car pas assez à gauche. Et lui-même est à ce titre le digne successeur de ces échecs : son mandat a été une occasion manquée énorme pour la gauche, peut-être même la plus grande occasion manquée de son histoire, le PS possédant à l'époque la majorité à l'Assemblée, au Sénat et dans les régions par exemple. 

Pour autant il ne faut pas sous-estimer François Hollande. Cet ouvrage lui sert de prétexte pour crédibiliser sa future candidature à l'élection présidentielle. L'effondrement total de l'électorat d'Emmanuel Macron lui ouvre un espace politique. Il aura fallu 12 ans à la gauche radicale, menée par M. Mélenchon, pour émerger et s'imposer. Seules trois années jusqu'en 2027 suffiront-elles à M. Hollande pour renverser les équilibres ?

Lire aussi l'excellent article de Serge Halimi dans Le Monde Diplomatique (mars 2025) intitulé « Quand M. Hollande récrit la gauche »

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