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Billet de blog 29 septembre 2022

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BOUSCULER LA NUPESI : La Nupes, késako ?

De quoi La Nupes est-elle le nom ? Une Nouvelle union populaire ou autre chose ? Pourquoi la qualifier d'écologique et sociale ? Fondée par qui ? Autant de questions et quelques réponses critiques afin de mettre au jour des contradictions inaperçues.

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BOUSCULER LA NUPES

I - La Nupes, késako ?

1 - La nouvelle union populaire...

 Les résultats du premier tour des élections présidentielles ont consacré la défaite du candidat de La France Insoumise (LFI) à être présent au second. Dans le même temps les partis dits de gauche stagnaient ou s’effondraient. Arrivée en tête de cette gauche, LFI proposa une alliance en vue des élections législatives avec pour but de gagner une majorité de députés susceptible de porter Jean-Luc Mélenchon au poste de Premier ministre. Les autres partis durent se rallier, contraints par leurs résultats, à cette proposition devenue nécessaire pour sauver les meubles, espérer une entrée à l’Assemblée, un renforcement des groupes existants. C’est ainsi que pendant 13 jours et 13 nuits les dirigeants de ces partis se rencontrèrent pour négocier un programme composé finalement de 650 propositions et de 33 « points qui seront mis à la sagesse de l’Assemblée ». (1). La Nupes était née. Nous connaissons la suite : une seconde défaite. Pour le dire autrement, la Nupes défaite.

L’analyse des résultats a mis en avant deux constatations : une abstention record de plusieurs millions de voix, un déplacement massif de voix vers le Rassemblement national (RN), notamment des classes populaires et l’apparition d’une « nouvelle catégorie » : les blocs, dont celui des abstentionnistes. Bien sûr, d’aucuns-es énoncèrent leurs interprétations dont les mots clés sont, par exemple : « dégout de la politique, rejet des partis traditionnels, sentiment d’inutilité du vote, l’abstention comme refuge-démission, etc... », assorties d’innombrables métaphores. En somme, abstention et vote pour le RN signaient, pour les uns-es « une crise de la démocratie représentative », pour d’autres « une atteinte à la démocratie » (tout court), l’expression de « ses maux », plus radicalement des indicateurs « d’une démocratie en danger ». Des interprétation-évaluations venues de représentants de la droite comme de la gauche, de nombre de journalistes, de politologues et autres experts, accompagnées de considérations plus ou moins explicites sur « les projets politiques », assorties de polémiques sur les « responsabilités » (c’est pas nous, c’est vous ; rappel des politiques concrètes, austéritaires-répressives menées par les gouvernements-majorités depuis au moins 40 ans, les fameux bilans), ou plus sérieusement dans des études diversement critiques, plus ou moins confidentielles. Dans un billet publié par Médiapart, intitulé Créons l’école de la Nupes, les auteurs affirment : « Il nous a manqué quelques millions de voix. Des voix parties vers d’autres formations politiques sans doute mais surtout des voix de citoyen·nes qui ne se sont pas déplacées. Par frustration, désintérêt, dégoût, colère, refus de participer à un système à bout de souffle ou encore par sentiment que la politique n’a plus d’impact sur nos vies. ». Une première question, jamais résolue dans les débats post-électoraux où l’« on » se débat : qu’est-ce que la démocratie ? Pour le moment, il faut juste se rappeler que ces constatations-interprétations-débats sont systématiquement présents après toutes les élections depuis des dizaines d’années, une présence structurelle qui illustrerait la « bonne santé de la démocratie française ».

Il s’ensuit, tout aussi structurellement, à droite comme à gauche, là encore selon des motivations complémentaires ou antagoniques, l’affirmation d’une promesse de principe : « il faut retrouver les classes populaires », toutes ses déclinaisons. Dans l’article suscité : « A nous d’aller chercher ces voix, les mobiliser, les transformer en une énergie qui submergera le pays et permettra d’amener au pouvoir des femmes et des hommes déterminé·es à inverser les rapports de forces à l'œuvre aujourd’hui. ». Ou encore : « Qui peut se satisfaire qu’aux élections législatives 26 millions de nos concitoyens ne sont pas allés voter, est-ce qu’il faut les balayer d’un revers de main, alors que nous avons le défi d’aller les convaincre de retrouver le goût des urnes, le goût de la lutte et le goût du vote à gauche. Et c’est ça le défi que nous devons relever tous ensemble (applaudissements). » (2). Faut-il penser-interpréter cette promesse comme non tenue ?

Oui, la constater comme telle ! Si les énoncés des réalités subjectives (partidaires) rassemblées plus haut, si le réel qu’elles contiennent est bien de ces ordres-objets là, alors une question logique implacable (à moins de la censurer) se pose : c’est quoi « union populaire », de plus « nouvelle » ? La question n’étant pas posée, elle ne peut recevoir aucune réponse. On peut uniquement se demander si « union populaire » signifie quantitativement une « union » partielle (éparpillement-abstention) ; une « union populaire » sans une grande partie des classes populaires, soit une DÉSUNION POPULAIRE (?).

Mathilde Panot affirme « Ce qui a permis de créer la Nupes... , c’est le résultat des urnes de la Présidentielle..., c’est ce qui a permis de clarifier quelque chose de très important et cette clarification politique avec trois blocs, d’un côté les libéraux, de l’autre côté l’extrême droite et le bloc populaire que nous représentons... a permis de clarifier le fait que ce soit finalement une politique de rupture, une gauche de rupture, qui l’emporte sur une question de politique d’accompagnement du système capitaliste, et donc que le vote des français et des françaises a permis de clarifier des choses ensuite de discuter les uns avec les autres et d’aboutir à un programme avec 650 mesures programmatiques sur lesquelles nous n’avons pas caché des désaccords, nous ne les avons pas mis sous le tapis, nous les avons écrits noir sur blancs en disant qu’ensuite ce serait à la sagesse de l’Assemblée de trancher, mais il nous a permis de justement acter cette rupture avec le système capitaliste, de dire que la naissance de ces trois blocs nécessitait que nous unissions le bloc populaire, et c’est ce que nous avons fait... ». (2). Cette longue citation est de toute importance, il faut donc la lire-penser très attentivement en cherchant à débusquer ses contradictions internes, et non pas avec la désinvolture de l’évidence, du déjà acquis, de la croyance. Ce qui permet de comprendre sous le « nous » :

1 - LFI, EELV, PS et PC sont des partis « clairement » de « rupture » avec le « système capitaliste », le programme itou ;

2 - « qui l’emporte sur une politique d’accompagnement du système capitaliste que le vote des français et des françaises a permis de clarifier des choses » ; « de dire que la naissance de ces trois blocs nécessitait que nous unissions le bloc populaire (que nous représentons), soit le passage mine de rien des Français-es au « bloc populaire » à unir (existerait-il des doutes ?). Quid des classes populaires ?

Question : qu’est-ce qu’un « bloc » ? Un « bloc », qui ne serait pas ou pas encore une « unité » ?

3 - « qu’ensuite ce serait à la sagesse de l’Assemblée de trancher (les désaccords), en toute démocratie représentative ;

4 - Quid des désaccords ? : « Les nuances et divergences entre les différentes composantes de la Nupes, parce qu’elles ont été actées et assumées lors de l’écriture du programme commun pour les législatives, ne sont pas une entrave au travail en commun. » - M. Panot. Soit des partis qui font « bloc » ? Des désaccords dont il est dit « qu’ils seront donc soumis au débat de l’intergroupe et à la sagesse de l’Assemblée. » (3).

5 - Le tout « en 13 jours et 13 nuits » ?

Qui sont les concepteurs-rédacteurs, les représentants légitimes-légitimés de « union populaire » ? QUI en effet, quand F. Roussel affirme : « Ce que je souhaite, c’est que l’année prochaine... nous ne soyons pas que quatre ici... que nous rejoignent ceux et celles qui ne sont pas encore là, les associations, syndicats, forces de gauche qui n’ont pas signé cet accord... » (2), (c’est moi qui souligne), quand on peut lire sur le site de la Nupes : « Le programme partagé de gouvernement ici présenté est le fruit d’un travail collectif associant plusieurs organisations politiques, sur la base de programmes eux-mêmes élaborés en associant des milliers de citoyennes et citoyens, acteurs associatifs, syndicaux, environnementaux, politiques. », (idem). En espérant-attendant (pléonasme) une 6ème constitution ?

« En 13 jours et 13 nuits » ? - Mathilde Panot, (2).

2 - Une Nup.. ou autre chose ?

 La réponse à cette question est déjà contenue dans ce qui précède, explicitement précisée de nombreuses fois par moult dirigeants et militants de tous bords, largement confirmée : La Nupes est née, est le fruit d’un accord électoral ! Alors, question tout aussi logiquement implacable que les précédentes : comment concilier « union populaire » et « accord électoral » quand il est question d’abstention massive et de déplacement de voix vers le RN ? La réponse se loge dans les stratégies-tactiques des partis de gauche, non pas électorales, mais électoralistes-opportunistes actées depuis au moins 40 an (Mitterrand 1983). Stratégies électoralistes parce que ces partis réduisent la politique à l’obsessionnel objectif de la prise du pouvoir d’Etat ; tactiques opportunistes parce que à chaque élection il s’agit pour chacun de gagner un maximum de sièges dans une compétition-accordement(s) haut en couleur (voir les échanges lors des dernières élections départementales-régionales). « Nous » connaissons les résultats de cette conception-pratique de la politique. Dans ce même article, je commentais ainsi (à quelques corrections près) des traits de cet électoralisme-opportunisme : « « A nous d’aller chercher ces voix, les mobiliser, les transformer en une énergie qui submergera le pays... ». Rien que ça ? « Energie » qui « permettra d’amener au pouvoir... » ? Voilà une formulation typiquement électoraliste. Faire du peuple ignorant, égaré, un peuple enfin éduqué qui élira les bons dirigeants-es « déterminé-es à inverser les rapports de forces à l'œuvre aujourd’hui. » ? Du haut de l’Etat bourgeois, de ses institutions encore intactes, mais à partir d’un gouvernement de gauche, naîtra, dégoulinera un nouvel ordre ? Alors, à défaut qu’ils-elles (ces citoyens-es ou ces « voix » ?) se déplacent, il faudra « aller chercher ces voix ». Oui, il s’agit bien de « voix », vous confirmez. ».

3 - ... écologique et sociale ?

 Pourquoi ces deux adjectifs et pas d’autres ? Ces qualificatifs laisseraient-ils entendre qu’une « union populaire » pourrait ne pas être « écologique » et « sociale » ? Ou faut-il comprendre que l’adjectif « écologique » marque la présence des écologistes Europe Écologie Les Verts (EELV) dans la Nupes ? « Sociale » pour marquer celle de LFI, une sorte d’introduction tue à une suite : démocrate ? S’il en est ainsi, que deviennent les socialistes et les communistes des partis du même nom ? Si la Nupes est le sigle d’une alliance électorale, alors elle aurait pu-dû être nommée, La Nouvelle Union Populaire Écologique et Sociale, Socialiste et communiste : La NUPESSC. Ou, pour un sigle plus lisible-prononçable, plus juste : La Nouvelle Union Populaire Insoumise Socialiste Écologique et Communiste : La NUPISEC. Et pourquoi pas La Nouvelle Union Populaire Économique et Culturelle : La NUPEC ? Ou encore La Nouvelle Union Populaire Universelle : la NUPU ?

Comme si la Nupes était une appellation évidente et naturelle. Une appellation contrôlée ? Comme si elle ne portait pas sous ces mots-là ce que ce billet évoque de contradictions toujours-encore déjà-là.

 Plus encore, dans l’hypothèse où le mot « rupture » serait synonyme d’anticapitalisme (à voir de près), ce qu’il laisse entendre tout de même, pourquoi n’avoir pas nommé la coalition électorale, son programme, La Nouvelle Union Populaire Anticapitaliste : la NUPA ?

 En somme, entre le silence, le vide, de ce que « union populaire » dit , ou ne dit pas de La Nupes et l’omniprésence-potence du vocabulaire électoral-iste, je conclue en effet que La Nupes (« un programme commun ») est bien une alliance électorale phénoménale (au sens philosophique), de type social-démocrate, prise dans une logique foncière d’un électoralisme-opportunisme traditionnel.

A suivre...

Pierre Porcher

(1) - https://nupes-2022.fr/le-programme/

(2) - Fête de l’Huma, La gauche est-elle prête à conquérir le pouvoir ? Le débat Roussel-Faure-Bayou-Panot.

(3) - Mathilde Panot, Il faut empêcher les plus riches de vivre au-dessus de nos moyens - Entretien avec Mediapart, 10 septembre 2022.

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