LFI ne se dit pas contre la libération de Boualem Sansal. Dans le contexte tragique de la détention de l'écrivain Boualem Sansal, ainsi que d'autres opposants au régime algérien, les Insoumis ont alerté, lors des discussions autour de la résolution du Parlement européen sur le cas de Boualem Sansal en Algérie, sur les risques d'"instrumentalisation politique" de la part de l'extrême droite, ainsi que d'une fâcheuse escalade diplomatique entre les deux pays.
Les réactions ont provoqué un "tollé", cite le média indépendant Mediapart, aussi bien à droite qu'à gauche. « Cette résolution demandait la libération immédiate d’un homme malade. Et Mme Rima Hassan dit "non, je refuse, je vote contre". C’est inhumain, c’est politiquement scandaleux », a déclaré le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau. Ce dernier a toutefois admis le dilemme que soulève ce sujet, déclarant que l'écrivain était "sans doute l'otage de cette relation tendue entre les deux pays". (Via AFP).
Alerter face à de possibles dérives est important, car l'extrême droite est à nos portes. Pour appuyer ce propos, voici un amendement déposé – refusé en Commission – par Matthieu Valet, Jordan Bardella, Pierre-Romain Thionnet, Nikola Bartůšek au nom du groupe PfE, dans le cadre de cette résolution commune pour la libération de Boualem Sansal :
5 bis. rappelle qu’en France, les Algériens constituent la plus grande catégorie d’immigrés clandestins visés par une décision d’expulsion ainsi que de détenus étrangers; demande aux États membres d’élaborer une stratégie commune pour obliger les pays d’origine à délivrer des titres de voyage provisoires à leurs ressortissants devant être expulsés de l’Union, y compris aux délinquants et aux immigrés clandestins;
Voici un bel exemple de dérive ! On comprend que d'autres ambitions politiques se dessinent en arrière plan.
Il faut alors prendre le texte a sa source, et s'assurer de déposer une résolution et des amendements ayant pour réel objectif d'obtenir la libération de l'écrivain, au nom de la liberté d'expression, et non pas un texte risquant de détériorer encore plus les relations diplomatiques entre la France et l'Algérie. L'élue Rima Hassan (LFI) le précise d'ailleurs très nettement dans un communiqué, via X : "Le respect des droits fondamentaux de M. Sansal doit bien entendu être garanti, j’ai moi même déposé des amendements sur ce texte qui n’ont pas été adoptés, de ce fait la version finale de la résolution telle que proposée ne relève pas d’une réelle volonté de défendre des droits humains (ceux qui crient au scandal se refusent par ailleurs à adopter depuis des mois une résolution sur le génocide à Gaza, la situation en RDC ou encore sur le nettoyage ethnique en cours au Soudan). Ils défendent une idéologie pour laquelle M. Sansal sert de prétexte."
Alors, que s'est-il réellement passé au Parlement européen ?
L'eurodéputée Rima Hassan (LFI), au nom du groupe The Left, avait proposé les enrichissements suivants, rapidement refusés :
- Sur la base de l'amendement de la résolution commune :
5. rappelle, comme le garantissent les priorités du partenariat UE-Algérie, l’importance que revêt l’état de droit afin de renforcer la liberté d’expression; souligne que le renouvellement de cet accord doit se fonder sur la réalisation de progrès constants et substantiels dans les domaines précités et que les futurs versements de fonds de l’Union devraient tous tenir compte des progrès accomplis en la matière;
- Voici l'enrichissement proposé :
5. rappelle, comme le garantissent les priorités du partenariat UE-Algérie, l’importance que revêt l’état de droit afin de renforcer la liberté d’expression; souligne que le renouvellement de cet accord doit se fonder sur la réalisation de progrès constants et substantiels dans les domaines précités et sur des évaluations exhaustives effectuées avant qu’une décision ne soit prise; souligne qu’une remise en cause de l’accord UE-Algérie dans ce contexte participerait à une escalade préjudiciable avec l’un des pays voisins de l’Union; condamne toute tentative des groupes d’extrême droite d’instrumentalisation des poursuites à l’encontre de Boualem Sansal pour exacerber les tensions actuelles entre l’Algérie et les États membres;
- Autre enrichissement proposé :
2 bis. encourage vivement l’Algérie à modifier son code pénal conformément à ses obligations internationales et aux conclusions de l’examen périodique universel des Nations unies;
Je pense que la seule chose qui dérange l'opinion publique, c'est le fait de vouloir anticiper une probable récupération politique par l'extrême droite – comme cela a été le cas pour la tragique affaire Lola Daviet, ou encore Philippine. Or cette anticipation est indispensable. Boualem Sansal n'est pas un pantin, c'est un être humain.
Alors évidemment, on peut facilement se douter du vrai dilemme qui submerge les bancs de la France insoumise; voter pour ? Voter contre ? Mais à quel prix, et pour quelle suite ? Ces actions sont tout à fait discutables mais mettent en lumière les réelles difficultés du monde de la Diplomatie.
Car oui, les enjeux dépassent un conflit binaire de gauche contre droite, et les eurodéputés Insoumis l'ont bien compris. Il s'agit ici d'un vrai casse-tête diplomatique, ayant pour but premier de garantir un climat stable entre les deux pays – déjà bien détérioré depuis cet été, "avec l’annonce de l’appui de Paris au plan d’autonomie marocain pour le territoire disputé du Sahara occidental", cite Mediapart via AFP.
Aligner ses actions avec ses valeurs est un idéal que beaucoup cherche à atteindre, or qu'en est-il lorsque la vie d'un homme est en jeu ? Reste à voir l'évolution de la situation, et les prochaines décisions des acteurs majeurs de cette conjoncture.
Boualem Sansal doit être libéré, au nom du droit de l'homme et de la liberté d'expression, sans être instrumentalisé par des voix xénophobes.