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Billet de blog 11 février 2018

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Will Eisner : Le Complot

Will Eisner, pionnier de la BD américaine raconte dans son ultime album "Le complot, l’histoire secrète des protocoles des sages de Sion" (Grasset), l’incroyable histoire d’un faux document dont l’original fut plagié sur commande en 1898 par un escroc russe, sous le titre "Protocoles des Sages de Sion"

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Will Eisner : Le complot

Illustration 1

Will Eisner, pionnier de la BD américaine raconte dans son ultime album "Le complot, l’histoire secrète des protocoles des sages de Sion" (Grasset), l’incroyable histoire d’un faux document dont l’original, plagié sur commande en 1898 par un escroc russe, sous le titre "Protocoles des Sages de Sion", fut détourné pour imputer aux juifs les troubles amenant en Russie les révoltes, puis la révolution.Umberto Eco en a écrit l'introduction.

.Le texte original de Maurice Joly,"Dialogue aux Enfers entre Machiavel et Montesquieu", publié en 1864 pour combattre Napoléon III (et imprimé en Belgique à l’époque, l’auteur passant beaucoup de temps en prison) fut repris par Mathieu Golovinski à des fins de politique interne russe.

On lui avait commandé un ouvrage permetttant de mettre le Tsar sur la piste d’un "complot juif " afin de le détacher de ses conseillers du moment dont les orientations déplaisaient à une faction de son entourage.

.L’escroc est tombé par hasard sur le texte de 1864 et l’a repris mot pour mot en remplaçant toutes les références françaises par des références plus générales, en y incluant les juifs, constitués en groupe de pression occulte (les fameux Sages de Sion) dans l’argumentaire.

On a démontré dès 1921 qu’il s’agissait d’un faux grossier. Mais la rumeur a la vie dure et bien qu’il ait été prouvé tout au long du XXe siècle que c’était une escroquerie, l’ouvrage a continué à être imprimé. Le magnat de l’industrie Henry Ford le fit même paraître en feuilleton dans son journal, le "Dearborn Independent".

.C’était l’un des livres de chevet d’Hitler. Il en a fait bon usage. On en retrouve trace dans les carnets intimes de Joseph Goebbels, volume 13 : "...en les lisant aujourd’hui, j’estime que nous pouvons très bien les utiliser. Les Protocoles sont aussi modernes aujourd’hui qu’ils l’étaient quand ils ont été publiés la première fois ! J’en ai parlé à midi au Fürher. Il les croit absolument authentiques"

Interdit à la vente, il continue à être imprimé et réimprimé dans tous les pays arabes, en Amérique Latine et il est même encore vendu sous le manteau dans certains forums.

.Will Eisner en a fait une sorte de testament et le choix du roman graphique est délibéré. Il s’est emparé du sujet, plutôt ardu, afin de le rendre accessible au plus grand nombre.

.Dans son introduction, Umberto Eco renvoie le plagiaire à d’autres publications françaises antérieures, notamment d’Eugène Sue.

Le plus surprenant, c’est qu’au-delà de l’utilisation que Golovinski a faite du texte initial, certains passages du "Dialogue aux enfers entre Machiavel et Montesquieu", auraient pu être écrits, mots pour mots, aujourd’hui par l’obscur Maurice Joly.

.Extraits. [...]

.Quatrième dialogue

"Il y a des populations gigantesques rivées au travail par la pauvreté, comme elles l’étaient autrefois par l’esclavage. Qu’importent, je vous le demande, à leur bonheur toutes vos fictions parlementaires ? Votre grand mouvement politique n’a abouti, en définitive, qu’au triomphe d’une minorité privilégiée par le hasard comme l’ancienne noblesse l’était par la naissance. Qu’importe au prolétaire courbé sur son labeur, accablé sous le poids de sa destinée, que quelques orateurs aient le droit de parler, que quelques journalistes aient le droit d’écrire ? Vous avez créé des droits qui resteront éternellement pour la masse du peuple à l’état de pure faculté, puisqu’il ne saurait s’en servir. Ces droits, dont la loi lui reconnaît la jouissance idéale et dont la nécessité lui refuse l’exercice réel, ne sont pour lui q’une ironie amère de sa destinée"

.Neuvième dialogue

"Machiavel : Et où avez-vous vu qu’une constitution vraiment digne de ce nom, vraiment durable, ait jamais été le résultat d’une délibération populaire ? Une constitution doit sortir tout armée de la tête d’un seul homme ou ce n’est qu’une oeuvre condamnée au néant. Sans homogénéité, sans liaison dans ses parties, sans force pratique, elle portera nécessairement l’empreinte de toutes les faiblesses de vues qui ont présidé à sa rédaction.

Montesquieu : On dirait à vous entendre que vous allez tirer un peuple du chaos ou de la nuit profonde de ses premières origines.

Machiavel : Je ne dis pas non ; aussi vous allez voir que je n’ai pas besoin de détruire de fond en comble vos institutions pour arriver à mon but. Il me suffira d’en modifier l’économie et d’en changer les combinaisons."

.Treizième dialogue

Machiavel : C’est que vous ne connaissez pas Ô Montesquieu, ce qu’il y a d’impuissance et même de niaiserie chez la plupart des hommes de la démagogie européenne. Ces tigres ont des âmes de mouton, des têtes pleines de vent... Leur rêve est l’absorption des individus dans une unité symbolique. Ils demandent la réalisation complète de l’égalité.

.Dix-septième dialogue

Montesquieu : Je comprends maintenant l’apologue du dieu Vishnou ; vous avez cent bras comme l’idole indienne, et chacun de vos doigts touche un ressort. De même que vous touchez tout, pourrez-vous aussi tout voir ?

Machiavel : Oui, car je ferai de la police une institution si vaste, qu’au coeur de mon royaume la moitié des hommes verra l’autre.

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Annexe : Les impostures du Réseau Voltaire et des "théories du complot"

le Réseau Voltaire a été une passerelle intéressante entre des militants et des combats très variés. Il ne s’agit pas de mépriser aujourd’hui cette expérience militante en projetant sur le passé ce que le Réseau est devenu aujourd’hui.

Exact. Il a beaucoup irrigué les débats, fin des années 90, début des années 2000. Puis la personnalité de Meyssan a évolué. Le complotisme est devenu son combat. La question est : "L'effroyable imposture" est-elle le fruit d'une évaluation paranoïde du 9/11,  ou bien est-elle ce que l'on pourrait nommer une "maladie opportune", greffée sur l'évènement ?

 "L’aplomb des affirmations et l’apparent bon sens des "démonstrations" de l’auteur semblaient pertinents"

Oui. Vidéos à l'appui. Mais à bien y regarder, on pouvait démontrer par bricolage absolument tout et son contraire. Un peu comme les fous furieux qui ont prétendu ne pas reconnaître sur les images la voiture des ordures du 7 janvier (une histoire de rétroviseurs pas de la bonne couleur).

 Sur la dérive consécutive de Meyssan, il est intéressant de voir qu'il est allé où le vent le menait : à savoir vers ceux qui avaient intérêt à valider en bloc tout ce qu'il écrivait. Et il n'est pas absurde de parler de "grand retournement", surtout si l'on songe à son CV. Cultivé, passionné, passionnant, fervent laïc, brillant orateur.

 J'ai eu l'occasion de le rencontrer dans un espace associatif au moment où il était déjà très remis en question par nombre de membres de son réseau. Il est arrivé à la réunion casqué, vêtu de cuir noir, à moto "pour sa sécurité". Il laissait entendre qu'elle était menacée en France. Ce qui ne l'empêchait pas de se dépenser sans compter pour faire entendre ses théories extravagantes et les rendre tout à fait présentables. Pour tout dire, son charisme emportait l'affaire sur le moment.

Mais vous avez raison : "il ne faut pas confondre l’interrogation légitime de tous les faits sociaux ou politiques, y compris la contestation d’affirmations officielles présentées comme des vérités absolues, et l’abandon de tout esprit critique au profit de n’importe quelles hypothèses manipulatoires."

Sauf que pour cela il faut s'informer un minimum. Et varier les sources. C'est la plaie des pseudo-débats actuels : des affrontements de sectaires symétriques qui ne se nourrissent que de ce qu'ils produisent.

suite

 Pour la suite, il est évident qu'un plaideur de ce calibre qui se sent plus libre dans un espace politique qui nie à peu près tous les droits de l'homme (et surtout de la femme) peut légitimement être qualifié d'imposteur.

 "être dépositaire d’une version des évènements du 11 septembre susceptible peut-être de changer du tout au tout le cours de l’histoire était pour le futur président directeur général du Réseau Voltaire l’affaire de sa vie"

 Faute d'avoir pu "exister" véritablement dans l'espace politique, autrement que par la présidence d'une petite fédération de centre-gauche  (et pour l'évolution future il n'est sans doute pas anodin de savoir que c'était celle du 93) ?

 Il disait en 2009  "Je vis actuellement au Liban. Après l’arrivée de Nicolas Sarkozy au pouvoir, j’ai été directement menacé par de hauts fonctionnaires français. Des amis au ministère de la Défense, m'ont informé que les États-Unis me considèrent comme un danger pour leur sécurité nationale. Dans le cadre de l'OTAN, ils ont demandé aux services alliés de me neutraliser et certains Français semblaient vouloir faire du zèle. J’ai donc pris la décision non seulement de quitter la France, mais la zone OTAN. Après avoir erré de Caracas à Damas en passant par Moscou, je me suis fixé à Beyrouth où je me suis placé au service de la Résistance." http://www.sergeadam.net/2009/04/rencontre-avec-thierry-meyssan.html

 Comment fonctionnent les "théories" du complot ?
Dans le cas du Réseau Voltaire comme dans le cas d’Alain Soral, c’est un bricolage rhétorique plus ou moins habile qui combine : une vraie intelligence des enjeux politiques, des éléments de "bon sens populaire" (par opportunisme, car il faut plaire à presque tous), des "hypothèses" présentées avec l'assurance qui sied aux démonstrations les plus scientifiques, mais aussi des tartes à la crème formulées avec toute l’austérité nécessaire pour être considérées comme d’audacieuses pensées (cf. l’encadré ci-contre). Ainsi, il ne faut pas prendre ces démonstrations comme de simples imbécillités destinées à des gogos.

 On en a quotidiennement la démonstration ici. Les allumés qui squattent le tracker, en veille sur deux ou trois mots-clés pour se ruer en bande à l'assaut des imprudents, sont tout sauf aussi débiles qu'ils tentent de le paraître. Les outrances, le côté "pilonnage", tout cela est délibéré. Le principe des trolliques associés : ayons l'air cons pour agréger un maximum de nos semblables. Qui vont ensuite abonder le choeur antique du "mépris" à l'égard des simples. Des simplistes ? Des simplets ? Le débat est ouvert 24h/24. Au nom de la liberté d'expression.

 L’une des raisons pour lesquelles ces récits marchent, même lorsque ce sont des histoires à dormir debout, c’est précisément qu’ils constituent des récits, ou si l’on veut des contes.

Voilà. Certains n'accèderont jamais à l'âge adulte.

 les Meyssan, Dieudonné ou Soral ne sont pas des nouveaux-nés de la politique mais des vieux routards de la parole. Ils ne sont pas des marginaux de toute éternité, mais au contraire, ils sont issus du sérail républicain, qu’ils haïssent faute d’y avoir été reconnus.

Comme toutes les méchantes fées. C'est de psychanalyse dont il s'agit.

Ah et puis ceci, retrouvé en faisant le ménage dans les caves de ce blog

Résumé de l'intrigue (en fonction des développements récents) : pas de Juifs (trop colons pour être honnêtes) en Israël. Pas de Juifs (trop morts pour être respectés) dans les cimetières français. Pas de produits casher (dans les hyper) car ça cause des irritations "communautaristes" aux antisémites. Pas de petits Juifs dans les écoles (ça provoque l'irritation des mérahtiques armés de fusils à pompe). Pas de Juifs devant les synagogues (ça énerve les tranquilles passants retour de manif "antiraciste" avec leurs outils pacifiques en bois dur).

Mais tout cela c'est au nom du mieux vivre ensemble. Et qu'on ne vienne plus discutailler à perte de vue pour savoir si il faut prendre au tragique une oreille de cochon balancée par des cons dans un jardin, et prendre à la légère le martyre d'un jeune homme torturé par des racistes pendant des semaines avant d'être achevé. Ou bien l'exécution d'un petit chou de quatre ans, à bout portant.

C'est pareil, on vous dit. 

Ce club a des relents d'égouts.

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