On reste stupéfait devant l'incroyable absence d'humanité d'une partie des politiques.
On reste pantois devant l'absolue absence de scrupules d'une grande partie de la presse.
On reste sidéré devant l'incroyable déferlement de dénégations en tous genres refoulées, comme le font les égouts, par les réseaux sociaux.
Pas question ici de faire une anthologie de tout ce qu'on a eu sous les yeux depuis jeudi à 22h30. Le blog entier n'y suffirait pas. Constatons au passage que les premiers à relayer l'info furent des journalistes américains du Washington Times. Ce qui signifie qu'ils ne sont pas nombrilocentrés et pourtant, il y a du taf outre-Atlantique. Il a fallu une bonne demi-heure pour que les médias français soient tirés de leur lit. D'où la colère de ceux qui savaient en partie, fous d'inquiétude pour certains directement concernés, mais sans que quoi que ce soit de public ne vienne préciser l'affaire.
Ils se sont rattrapés ensuite. On a assisté à un scandale sans précédent : France2 faisant la course au trash. Des images de l'attaque, des corps par terre avant qu'un grand vent de colère ne rappelle les permanenciers à un peu plus de décence. Même BFM n'avait pas osé. Les excuses présentées le lendemain n'y changent rien : se cacher derrière les "circonstances" pour justifier le manque de déontologie est une tartufferie. Depuis que la chaîne avait cru bon de donner aux Kouachi des informations sur le gars planqué sous l'évier, on s'attendait quand même à un resserrage de boulons. Question : il faut combien de temps pour qu'une conférence de rédaction précise les limites du sordide ? Et dégage les auteurs de manquements graves, expérimentés ou pas, vedettes ou pas ?
Puis ce fut la curée, ailleurs. Le ballet des micros sous le nez des protagonistes hébétés, dont certains en recherche de personnes disparues. L'exploitation sans vergogne des défaillances photogéniques, les questions insistantes des reporters à la voix vibrante d'excitation... Cela m'a rappelé l'IML, l'Ecole Militaire... Micro-trottoir, caméras-caniveau.
La routine en somme. Celle que l'on s'empresse de mettre sous le tapis comme la merde au chat dès que, la tension retombée, on se cantonne dans une réserve de bon aloi, une componction de façade, bien propre à emballer le sordide.
Hier une très intéressante contribution de Cdansl'air au récit a permis de mettre quelques pendules à l'heure mais la question des responsabilités médiatiques n'y a pas été abordée. Je repose donc ici ma question : à quand une conférence inter-médias sur la question de la dignité ? Ne parlons pas de déontologie.
Les réactions des uns et des autres ont été sans surprises. J'avais fait un pari éditorial que j'ai gagné. Avant midi, le 15, le déconographe était branché. Ici aussi. Volée de bois vert en retour, bien méritée. Aujourd'hui Libération s'en donne à coeur joie en publiant en Une un insupportable papier négationniste. On dirait bien que tous les acteurs habituels étant en vacances, on a pioché dans le fond de cuve pour occuper les rotatives.
Voilà pour le quatrième pouvoir. En complète débandade intellectuelle. En consternante régression sur tous les plans. Même celui de l'orthographe.
Son contre-pouvoir (le 5e ?) est désormais immatériel. Il irrigue de manière informelle les "réseaux sociaux" en exacerbant tous les travers du précédent. Mais parfois avec raison, il pointe les déraillements, les sorties de piste. Son immédiateté et sa proximité (factice certes mais techniquement factuelle) font qu'il oeuvre aussi à borner le débat.
De fait on a vu les pires horreurs circuler (ainsi, des "remerciements aux camionneurs tunisiens") mais aussi des convergences citoyennes indignées de tant de médiocrité dangereuse de la part des "accrédités".
Ceci dit, aucune absolution possible pour tous les empireurs criminels en roue libre sur Twitter ou Facebook. Ils sont la fange, l'écume de l'inhumanité. Sauf que l'on peut très bien croiser au large de leurs fossés puants tandis qu'on ne peut pas vraiment échapper aux médias main-stream.
Passons maintenant au volet politique. On aura tout entendu. Un vrai.... feu d'artifice de crasse morale.
Cela a commencé mezzo-voce dans la nuit. Estrosi venant dire son âme blessée à l'unisson des victimes. On se disait "Bon ben il avance, quand même. Là c'est digne". Cela n'a pas duré. Au fur et à mesure que les questionnements devenaient plus pointus, il a complètement switché et rameuté toute la lyre revancharde, se constituant un matelas de prétextes, se défaussant à tire-larigot. Bref, se dépouillant de tous les attributs de sa fonction. Car enfin, quand on a sollicité avec tant d'insistance des responsabilités d'élustrissime, on ne les pose pas sur le bord de la route quand il y a du tangage. On dirait le commandant du Costa-Concordia.
L'Histoire lui réservera le même sort moral. Ainsi qu'à ses chiens de garde en mode flingueurs qui ont déboulé à la messe en riant aux éclats (une photo fait foi !).
'Tain la bonne blague que le camionneur a joué à Hollande, hein !" Parce qu'il faut un coupable et c'est donc lui. Ou Valls. Ou les deux. L'affaire du tango argentin pour l'Etat d'urgence ? Ces abrutis avaient juste oublié qu'il faut un vote pour prolonger. On les imagine au guidon.... Et oublié aussi, détail, que si c'est un état d'urgence, ce n'est pas un état permanent. Sinon c'est qu'Erdogan est à l'Elysée.
L'écoeurement sans nom qui saisit quiconque les a vus se démener dans leur bauge aura sans doute des conséquences. Souhaitons qu'elles ne soient pas encore plus tragiques. Car c'est bien un soutien FN qui a remercié le "camionneur".
Dix enfants... Depuis Mérah, on sait ce qu'il en est de la valeur d'une vie d'enfant. Surtout pour ceux qui lui ont trouvé des excuses sociales, culturelles ou idéologiques.
Ce drame est encore une fois un révélateur de salauds.