Non, ce n’est pas au nom de la morale, comme l’affirme sans arrêt, Monsieur Marcel Nuss, que de nombreuses associations féministes luttent contre la prostitution ! C’est parce que la prostitution constitue une violence. Elle a d’ailleurs été déclarée comme telle. La prostitution est la manifestation ultime de la domination patriarcale sur les femmes et le corps des femmes mis ainsi à la disposition des hommes.
Les associations qui accompagnent les personnes prostituées constatent et dénoncent tous les jours sur le terrain les violences que ces personnes subissent. Les survivantes de la prostitution » en témoignent et le rapport de la mission d'information sur la prostitution à l’Assemblée nationale de 2011 montre que c’est « une activité qui fait courir des risques majeurs pour la santé des personnes qui la pratiquent ».
Le système prostitutionnel« heurte nos principes les plus fondamentaux : la non-patrimonialité et l’intégrité du corps humain ainsi que l’égalité entre les sexes et la lutte contre les violences de genre. »
Marcel Nusss’interroge : « En fait, en quoi se prostituer librement et volontairement dérange tellement une partie de notre société vent debout contre une révision de la loi sur le proxénétisme et la dépénalisation des client.e.s ? ».
Que l’on puisse payer pour acheter des services sexuels, le corps des femmes très majoritairement, entretient l’inégalité entre les femmes et les hommes. La prostitution relègue les femmes à un statut de marchandise sexuelle, qui fait obstacle à l’égalité sociale, économique, politique, ce qui est en contradiction avec la volonté politique affirmée de lutte contre les inégalités femmes-hommes et la Grande cause nationale de lutte contre les violences faites aux femmes. La loi de 2016 est bien trop récente pour qu’on puisse en évaluer encore les résultats, qui ne pourront l’être que sur le long terme. Pourquoi vouloir déjà abroger la sanction des « clients » ?
Marcel Nuss nous parle de plaisir sexuel : « En quoi faire du plaisir sexuel son métier insupporte-t-il certains esprits profondément intolérants à tout ce qui n’entre pas dans leur valeur morale ? » Qui oserait penser que les personnes prostituées le font par plaisir sexuel ? Même dans le cas d'une prostitution soi-disant « libre et volontaire », on sait comme ces personnes doivent se dissocier psychiquement pour pouvoir répondre aux exigences du sexe tarifé. D’ailleurs, beaucoup de « clients » eux-mêmes sont déçus de ces rapports.
Concernant l'assistance sexuelle, qui est l’objectif de Marcel Nuss, et qu’il assimile bien à la prostitution, Madame Sophie Cluzel a abordé cette question en parlant du « caractère humaniste de l’assistance sexuelle » ! Quel humanisme qui fait entrer les relations sexuelles dans la marchandisation et maintient l’exclusion des personnes handicapées ?
Le vrai humanisme serait d’appliquer la loi de 2005 sur l'accessibilité et l'autonomie financière afin que les personnes handicapées puissent comme toute personne rencontrer un ou une partenaire de leur choix, sans être obligée de payer pour ce faire.
Le Comité consultatif national d’éthique (CCNE)avait d'ailleurs repris cet argument dans son avis de 2012 : « Il revient à l’État de doter les personnes handicapées de moyens financiers suffisants, de développer l’accessibilité dans l’espace public. »
C’est parce que l'assistance sexuelle est en contradiction avec la loi n° 2016-444 du 13 avril 2016 interdisant l'achat d’acte sexuel que Marcel Nuss voudrait une dérogation à la loi française sur le proxénétisme et sur l’achat d’actes sexuels.
Que ce soit des corps masculins ou féminins, une telle marchandisation du corps qui transforme la sexualité en soins, en services, certes très lucratifs, est contraire à la dignité humaine.Le Haut Conseil à l'égalité a d’ailleurs réagi dans un Communiqué de presse s’opposant fermement à la proposition d’aidant.es sexuel.les pour les personnes handicapées.
Les personnes handicapées veulent vivre dans un environnement accessible, pouvoir se rendre dans tous les lieux publics et de rencontres : sports, loisirs, culture, travail… pour établir les relations de leur choix. Elles ne veulent pas l’attendre de l’extérieur compatissant.
« Ce qui manque ici, c’est une réflexion approfondie sur ce qu’est la sexualité humaine dont fait partie la sexualité des personnes lourdement handicapées, différente seulement dans ses modes de réalisation ou d’expression, ainsi qu’une recherche intelligente et ouverte sur l’accessibilité des personnes lourdement handicapées à une sexualité épanouie » écrivait Maudy Piot, présidente fondatrice de l'association Femmes pour le Dire, Femmes pour Agir, en 2011.
12 mars 2020
Claire Desaint,
Femmes pour le Dire, Femmes pour Agir, co-présidente
Réussir l’Egalité Femmes-Hommes, vice-présidente