Ou De l'évacution du concept de progrès par le discours politique
Un mot en remplace un autre, ainsi vont les langues, mais dans certains cas ce n’est pas innocent. Le « progrès » fut un beau mot et un beau concept des trois derniers siècles Je comprends la méfiance qu’il suscite, car il a masqué beaucoup d’appétits égoïstes, de destructions irréversibles. Mais il a aussi impulsé dans la condition humaine des améliorations qui, elles, ne l’étaient pas, citons entre autres, la démocratie, les droits des femmes, la protection sociale, l’indépendance de la justice, celle des fonctionnaires qui garantit la continuité de l’état au-delà des aléas des victoires et des défaites politiques.
En ce moment le mot "progrès" a totalement disparu du vocabulaire politique. On nous assène la nécessité morale d’accepter les réformes, acceptation sans laquelle nous serions conservateurs ou rétrogrades en nous ôtant le droit de juger si ladite réforme est bonne ou mauvaise, c'est-à-dire si elle représente un « progrès » ou une régression. Or, on peut constater que la soi-disant « modernisation » consiste précisément à effacer les progrès qui avaient été chèrement acquis. On nous donne même pour modèle les pays bénis qui n’ont rien de tout cela. On nous ressasse jusqu’à la nausée que le monde change et qu’il faut suivre, or il change pour régresser. Ce que l’on nous présente comme le modèle de modernité en matière de droit du travail, c’est celui du XIXe siècle, celui du XXe lui est ringard.
Si seulement le monde voulait changer, il n’y aurait plus d’inégalités, plus de guerres, plus d’injustice. Monsieur Sarkozy, ce serait bien stupide de vous reprocher cette absence de changement, vous n’en avez pas plus que moi le secret, mais ce que l’on peut vous reprocher, c’est de penser comme le prince du « Guépard » (Si au moins vous aviez sa classe !), qu’il faut que « tout change pour que rien ne change », votre soif de « modernité » est en fait une forme particulièrement élaborée du pire conservatisme, celui qui veut maintenir l’injustice et l’inégalité par la promotion de la bêtise.
Au XVIIe siècle pour disqualifier une opinion on la disait « nouvelle », maintenant on la dit « passéiste », mais l’idée est toujours la même empêcher la pensée libre.