Mardi 21 janvier, le géopolitologue Pascal Boniface devait intervenir à la Sorbonne Paris-Nord dans une conférence intitulée "Israel - Palestine : une guerre sans limite". Comme il l'expliquera dans les réseaux sociaux, ce n'est que le jour même qu'il apprend l'annulation de cette intervention.
Pourtant, cette conférence avait bien été autorisée et les 300 places prévues avaient été rapidement réservées (cf. l'article de Blast paru le 22 janvier, "Israël - Palestine : la Sorbonne Paris-Nord annule Pascal Boniface").
Raison invoquée par la direction de l'université pour annuler cet évènement à la dernière minute : "motif de sécurité".
Mercredi 22 janvier à 18h, Alain Gresh, journaliste et directeur du journal Orient XXI, devait intervenir dans le cadre du cycle de conférences "it's better to speak - les scientifiques face à Gaza" à la Sorbonne, sur le thème de "Gaza : faillite politique et complicité médiatique".
Les organisateurs avaient escompté la participation d'environ 150 personnes et obtenu l'autorisation de réserver un amphithéâtre de cette jauge. La Sorbonne avait autorisé l'accès à seulement 70 personnes extérieures à l'université, le reste des participants devant être des étudiants.
Ce sont plus de 250 demandes externes que va recevoir Rachele Borghi, du comité organisateur, ce qui nécessitera l'annulation des trois quarts des inscriptions reçues et leur réorientation vers un lien Youtube de diffusion de la conférence en direct, puisque la direction de l'université n'a pas accepté de changement d’amphithéâtre.
Mais le soir même, coup de théâtre. Cette fois la conférence ne sera pas annulée, et le modus operandi sera plus subtil, bien qu'on aboutira à un nouvel épisode de censure de la parole sur Gaza et la situation Palestinienne.
Etant finalement parvenue à obtenir une invitation, grâce à une amie qui m'a cédé sa place, je me présente vers 17h30 au 17 rue de la Sorbonne. Au loin j'entends les clameurs du rassemblement en cours Place de la Sorbonne en soutien à la Palestine, Ahmad Saadat et Georges Ibrahim Abdallah.
À l'entrée de l'université, sous une pluie battante, ça semble déjà compliqué : nous sommes quelques personnes arrivées un peu en avance et qui souhaitent entrer pour écouter Alain Gresh.
Les gardiens nous bloquent, nous parlent d'une liste sur laquelle il faut impérativement avoir son nom pour pouvoir entrer ; mais on ne voit pas de liste. Un autre gardien dit que seuls les étudiants de la Sorbonne peuvent accéder à la conférence ... Ça se présente mal !
J'avise un jeune gardien qui semble un peu perdu dans ces informations contradictoires ; je lui mets sous le nez mon smartphone avec l’invitation validée et je fais le forcing. Il me fait répéter trois ou quatre fois le nom indiqué sur l'invitation et semble bien en peine de le trouver sur une feuille de présence que je ne suis jamais parvenue à voir ! Finalement il craque devant mon insistance et me laisse partir vers l'amphithéâtre.
Surprise ! J'entre dans un amphithéâtre quasiment vide, qui n'est d'ailleurs pas celui qui était indiqué sur le programme. La conférence est sensée commencer dans un quart d'heure. Je m'installe. Je ne vois personne arriver.
J'interroge une étudiante derrière moi pour savoir si nous sommes bien au bon endroit et si elle sait ce qu'il se passe, puisque la salle était sensée être pleine. Elle semble aussi étonnée que moi, me répond que peut-être les étudiants vont arriver après, à cause du rassemblement en cours.
Sur ces entrefaites, arrivent Alain Gresh et Rachele Borghi. Je demande à cette dernière pourquoi elle a refusé toutes les demandes de participations extérieures, puisque la salle est vide. Elle m'explique alors cette règle imposée par la direction de l'université de n'autoriser l'accès qu'à 70 personnes extérieures ; elle ajoute que le problème est que la direction a interdit l'accès aux étudiants qui se sont présentés ce soir pour venir à la conférence, et qu'il y a un souci avec la liste des participants extérieurs, qui sont donc aussi bloqués.
La conférence ne commencera que vers 18h20, les organisateurs espérant encore que les participants escomptés seraient finalement autorisés à entrer. Et nous ne serons que moins d'une trentaine de personnes dans l’amphithéâtre, organisateurs et Alain Gresh compris.
Comme l'a déclaré Alain Gresh à titre d'introduction à son intervention, il y a clairement une volonté d'empêcher la prise de parole sur Gaza et la Palestine en France. Il a rappelé les nombreux refus de mise à disposition de salles un peu partout dans le pays, par les universités comme par les collectivités locales.
Pour lui c'est quelque chose de très inquiétant à presque 10 ans de l'attentat contre Charlie Hebdo, qui symbolise l'attaque contre deux droits fondamentaux : la liberté d'expression et la liberté de la presse.