Grave et solaire, drôle et poétique tout à la fois ce premier long métrage (dont le scénario est inspiré de l'histoire personnelle de la réalisatrice). est porté par l’étonnante Eva Victor (actrice et réalisatrice)
Brillante doctorante devenue professeure, Agnes, grâce à l’amitié indéfectible de Lydie (irrésistible Naomi Ackie!) et l’aide de son voisin Gavin "réapprend à vivre" Le film est l’histoire de cette "reconstruction" Structuré en 5 chapitres (l’année de …the year of the baby, the year of the bad thing the year with the question, etc) mais avec une chronologie éclatée -entre les chapitres I et V qui se font écho, on assiste à une" remontée" dans le temps, marqué par le "trauma" dû au "bag thing" (II) ; une fragmentation à l’instar du corps morcelé d’Agnes ?. En I le décalage entre la sémillante pétillante Lydie épanouie dans sa relation queer, sa grossesse et la recluse Agnès est patent (après une séquence d’ouverture où les deux amies "miment" hilares et moqueuses la sexualité masculine). En II flash back ; plan fixe prolongé sur la maison où Agnès fut victime d’abus sexuel perpétré par son directeur de thèse ; le spectateur reste sur le seuil constatant effaré le passage de la clarté au noir; or le temps subjectif de l’opprobre doit être décuplé par rapport au temps minuté et pourtant long du jour et de la nuit. Et c’est le "discours" celui qui rapportant les faits et dévoilant les questionnements, qui dira l’innommable et la douleur (Agnès dans la sidération de la honte, le regard absent, hagard se confie à Lydie qui reste hors champ). Rarement (ou jamais ?) le viol n’aura été traité avec autant de justesse -faire éclater la vérité sans jamais la montrer…
La réalisatrice a opté pour une mise en scène minimaliste faite de plans fixes et qu’accompagne la musique de Lia Ouyang Rusli. Une retenue qui n’exclut pas l’humour décalé (cf Agnès, convoquée comme jurée, invente une autre case pour « définir » son genre ; dans le formulaire qu’elle doit remplir ; ou encore quand Pete vole à son secours lui prodiguant des conseils de respiration et lui proposant un … sandwich…. Les deux personnages assis à même le sol sont cadrés dans un plan qui rappelle celui d’une vignette) Un humour pince sans rire qui parfois éclate dans la logorrhée verbale d’Agnes, déroutante ( ?)
La récurrence du plan sur "la" maison (souvent éclairée de l’intérieur) met en évidence les « notions » de distance, de seuil, d’intérieur -décliné.es, sens propre et figuré , dans ce réapprentissage de la vie ; qui est aussi l’apprentissage du "vieillissement". Dans la dernière séquence Agnes s’adresse à Jane l’enfant de Lydie un bébé qu’elle apostrophe comme un adulte -tout comme elle dissertait métaphysique avec un chaton devenu compagnon- ; mûrir , est-ce accepter de prendre des tournants non souhaités et/ou compromettre ses désirs… -ce que le voisin Gavin avait suggéré lors de l’épisode assez cocasse de la baignoire…
Un premier long métrage à ne pas rater !
Eva Victor (Agnes), Naomi Ackie (Lydie) Louis Cancelmi (Preston Decker) Kelly McCormzck (Natasha) Lucas Hedgs (Gavin) John Carroll Lynch (Pete) E.R Fightmeister (Fran)
Prix Waldo-Salt du scénario, Sundance Film Festival 2025,
Quinzaine des Cinéastes Festival de Cannes 2025