Colette Lallement-Duchoze

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Billet de blog 2 décembre 2025

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Franz K d'Agnieszka Holland (République tchèque, Pologne  2024)

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Avec Idan Weiss (Franz) , Peter Kurth (le père) Carol Schuler (Felice Bauer) Jenovefa Bokova (Milena)  Sebastian Schwarz (Max Brod)

Choisi pour représenter la Pologne dans la catégorie du  meilleur film international pour l'édition 2026 des Oscars 

De son enfance à Prague jusqu’à sa disparition à Vienne, le film retrace le parcours de Franz Kafka, un homme déchiré entre son aspiration à une existence banale et son besoin irrépressible d’écrire, marqué par des relations amoureuses tourmentées

Portrait déroutant ? peut être Mais singulier et captivant dans cette approche qui tente d’épouser par des choix formels la complexité de l’univers dit kafkaïen, de l'univers mental de Franz...…La reconstitution que propose la cinéaste polonaise est en effet aux antipodes d’un certain classicisme ou académisme (attendu) elle repose sur l’éclatement de la chronologie, le principe de la fragmentation avec ellipses.

Franz K, l’homme oui ! tout en sachant que « tout F Kafka est dans la littérature »

Des allers et retours à intervalles réguliers entre le passé (le parcours de Franz K) et le présent ponctuent la narration. Un présent placé sous le signe du mercantilisme, soit la récupération commerciale destinée aux touristes : musée, itinéraire balisé à Prague, gadgets-, traitée avec humour tant est patente la  monétarisation  de Kafka alors que la cinéaste s’intéresse surtout à Franz. De plus Agnieszka Holland fait de certaines personnes ayant connu Franz, intimement ou non, des témoins  : en frontal face à la caméra elles vont commenter ou expliciter des comportements ou certaines incongruités de Franz K. Ainsi le " portrait" sera  "composite"  à l’instar d’ailleurs de la complexité d'un être fragile tourmenté sensible et mystérieux. Cette alternance des points de vue, cette multiplicité des  narrateurs - loin de nuire au récit comme on le prétend, font que le portrait n’est pas figé, enfermé dans une vérité définitive… … La musique et ses anachronismes (dont le groupe Trupa Trupa, leader du rock alternatif polonais) participe elle aussi à une forme d’éclatement. Et voici des moments clés dans le parcours de Franz K (rencontre avec Max Brod, relation redoutée et redoutable au père jupitérien, relations amoureuses avortées, (Felice Milena), milieux académiques) ,qui se succèdent telles des vignettes -avec des ellipses souvent, de fausses redites des allers et retours sur les chemins de l’enfance- , la liste serait longue. Rythme rapide caméra virevoltante parfois ; et/ou en apposition (qui peut être opposition) voici des séquences plus amplement traitées (ainsi celle où se superposent  la lecture par l’écrivain lui-même d’un extrait de La colonie pénitentiaire et son adaptation en images).

Il s’agit de rendre compte d’une personnalité mystérieuse, sibylline  du mal être d’un individu,  un Tchèque parlant allemand, un juif non pratiquant, incompris des siens (hormis de sa sœur) introverti, autant psychorigide (cf l’altercation avec le mendiant) qu’exubérant (ses fous rires) capable d’excentricités (sport par grand froid). La  forme éclatée du kaléidoscope a semblé à la cinéaste, la plus adéquate. L‘acteur -qui ressemble étrangement à Kafka lui-même- interprète de façon exemplaire cette psyché complexe

Certes, on peut déplorer des complaisances (les gueulantes du père tyrannique qu’accentue un gros plan sur son visage, la présence d‘un cancrelat sur le sol puis sur la nappe … la herse de la machine "pénitentiaire"  qui traverse dans le sang et la douleur le corps du supplicié, les crachats de sang du tuberculeux, etc..) ou une symbolique appuyée (les barreaux, les yeux, la main palmée, etc) mais en aucun cas on ne peut affirmer avec mépris ou snobisme que ce biopic est  "raté"

Franz K un film que je vous recommande ; laissez-vous dérouter, sans pousser des cris d’orfraie ….

Et au final laissez-vous guider par la voix d’Agnieszka Holland - rencontre possible avec le véritable Franz ?

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