Colette Lallement-Duchoze

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Billet de blog 4 septembre 2025

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La femme qui en savait trop de Nader Saelvar (Iran 2024)

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

 avec Maryam Boubani (Tarlan) Hana Kamkar (Zara), Ghazal Shojaei

 Prix du public à la Mostra de Venise 2024

En Iran, Tarlan, professeure à la retraite, est témoin d'un meurtre commis par une personnalité influente du gouvernement. Elle le signale à la police qui refuse d'enquêter. Elle doit alors choisir entre céder aux pressions politiques ou risquer sa réputation et ses ressources pour obtenir justice.

une fois que vous commencez à danser, allez jusqu’au bout, .recommande Zara  à ses élèves 

Le film s’ouvre sur une scène de répétition : lumière qui sature l’espace, grâce des mouvements aériens, costumes aux couleurs gaies.  En écho au final un solo, la caméra suit de dos Ghazal (la fille de Zara) et sa danse libératrice. Tempête qui fait voler en éclats tous les remparts installés pour soustraire la femme aux yeux des " autres"  (les mâles...)

Entre ces deux "moments" nous aurons assisté à une sorte de descente aux enfers : machiavélisme tortueux d’un mari qui impose ses diktats,  son droit de vie et de mort sur son épouse (on apprend entre autres -article 630 du code de procédure pénale iranien- que   le mari a le droit de tuer sa femme et son amant s’il les surprend en train de commettre l’acte d’adultère ) Zara (Hana Kamkar) la femme qui refuse de se soumettre, Zara la femme violentée dans son intégrité physique, aura trouvé du réconfort (avant de quitter définitivement la scène…) auprès de sa mère  "adoptive" la femme qui en savait trop

Comment lutter face aux intimidations, aux menaces aux propos comminatoires à l’obstruction à la méfiance généralisée astucieusement inoculée ? pour que justice éclate ? que le meurtrier réponde de ses actes ? Tarlan, (excellente Maryam Boubani) militante syndicaliste, aura TOUT tenté : elle doit affronter  les reproches de son fils, récemment sorti de prison, pris dans l’engrenage d’un nouveau "contrat" car il est précisément redevable au "tueur" ; abandonnée dans la montagne déserte dont la vastitude vertigineuse accentue son isolement, elle n’abandonnera pas son combat…Et quel combat!  quand les détenteurs du Pouvoir transforment insidieusement son "courage" en faute impardonnable !

Co-écrit avec Panahi (condamné en 2010 à 6 ans de prison pour « propagande contre le système, il avait contourné les interdits ; arrêté en 2022 libéré en 2023 ; il vient d’obtenir la Palme d’or pour Un simple accident) « la femme qui en savait trop » fait écho à la propre vie du réalisateur Nader Saeivar (exilé à Berlin) et au mouvement « femme vie liberté » créé au lendemain de la mort de Masha Amini, Le générique de fin (ne pas quitter la salle…SVP)  salue la mémoire de ces jeunes femmes « mortes pour leur liberté » (scènes de téléphone portable montrant les arrestations sommaires des filles iraniennes ou des jeunes femmes dévoilées dansant, et médaillons commémoratifs)

Un film coup de poing -grâce à l’audace du scénario, à l’analyse méthodique (comme au scalpel) de tous les mécanismes de la corruption et de l’omnipotence des "mollahs", film pamphlet féministe (il met d’ailleurs en scène trois générations de femmes habitées par les mêmes revendications contre le pouvoir patriarcal) un film dont le suspense et les ellipses "suggèrent" ce qui est en jeu à tous les échelons dans le pays et dans les familles, la récurrence du plan en plongée sur le trafic urbain, sur ces habitacles de voiture est loin d’être anodine .- non-dits qui dépassent l’opposition entre le  "dehors" (la ville) et le  "dedans" (intimité d’un appartement, d’une maison), une circulation du "Mal" à la force tentaculaire !

A voir 

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