Colette Lallement-Duchoze

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Billet de blog 5 septembre 2025

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Chroniques d'Haïfa de Scandar Copti (Palestine 2024)

Colette Lallement-Duchoze

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Avec : Manar Shehab, Wafaa Aoun, Toufic Danial

 Prix du meilleur scénario • Mostra de Venise 2024, section Orizzonti

Dans une famille palestinienne de Haïfa, Fifi 25 ans, est hospitalisée après un accident de voiture qui risque de révéler son secret. Son frère, Rami, apprend que sa petite amie juive est enceinte. Leur mère, Hanan, tente de préserver les apparences tandis que le père affronte des difficultés financières. Quatre voix, une maison, entre conflits générationnels et tabous, dans une société où tout peut basculer à tout moment.

Explorant le quotidien d’une famille palestinienne aisée vivant à Haïfa (ville portuaire au nord d’Israël, où étaient censés « cohabiter » sereinement musulmans et juifs) Scandar Copti a opté pour une narration à la chronologie  éclatée (avec ses flash-back), une fragmentation en chapitres (à la manière de chroniques), un goût prononcé (trop ?) pour les plans serrés et gros voire très gros plans ; un choix censé épouser le craquèlement des apparences, les fissures qui vont voler en éclats (tout comme la mère à un moment brise la vaisselle, éructe de colère  tant elle se sent trahie par les siens…elle qui s’est efforcée d’imposer ses « diktats », elle qui prépare le mariage de sa fille, Leila filmée souvent à l’ombre de…)

4 histoires 4 points de vue (cf le pitch) certes et pourtant le film obéit à une construction interne plus savante ou subtile, Effets spéculaires (échos intérieurs) fils et arcanes de ce film/écheveau s’imposeront progressivement au spectateur, pris lui aussi au piège de ces prises de vue qui l’enserrent

Le film est encadré par le personnage de Fifi ; d’abord alitée, corsetée dans sa minerve (à la symbolique un peu facile…) mais vêtue d’une mini-jupe en cuir, elle s’étonne de la présence de la mère, aux …urgences, qui elle-même s’étonne d’une telle tenue vestimentaire, c’est la scène d’exposition. Figure de l’émancipation Fifi sera le sujet du dernier chapitre où parole et gestes seront frappés d’inanité…Et tel un épilogue voici un plan en plongée sur une rue de Haïfa -un des rares plans du film sur l’extérieur d’’ailleurs- où tous les personnages comme statufiés observent une minute de silence pour honorer la mémoire des soldats de Tsahal, « morts » au combat… alors qu’elle avance décidée… Son frère Rami, impuissant face au choix de son amie, juive, Shirley qui, enceinte, veut garder l’enfant (premier chapitre) en vient à se confier à Walid (le petit ami de Fifi…) lequel inocule (sciemment ?) le doute quant à la sincérité de la femme …aimée…Propos annonciateurs de ses propres paroles de rupture ( ?)

Se déploie tout un "jeu" de combinatoires, avec effets spéculaires: ainsi les duos amoureux (Rami/Shirley, Fifi/Wilad) ou mère/fille  (Hanan et sa  fille cadette éprise de liberté , Miri/ et sa fille qui refuse le joug militaire) se répondent  en écho (car mutatis mutandis ces personnages sont confrontés à des problématiques similaires ...)

Masques mensonges (banqueroute inéluctable de la compagnie d’assurances mal gérée par le père), faux semblants (que tient à préserver la « mamma ») poids de la tradition, les questions du mariage, de la grossesse de l’avortement, tout cela (très visible à défaut d’être toujours lisible) s’imbrique dans une approche éminemment politique, - la toute-puissance de l’éthos juif et le mépris pour la population arabe : (cf l’éducation/intoxication où les gamins récitent comme des mantras à la gloire de Bibi, les « enseignements » dispensés, -en écho, les propos glaçants de Miri, la sœur de Shirley ? ou les menaces racistes dont est victime Rami ? ; cf aussi cette manif de rue où de jeunes nationalistes juifs incitent leurs compatriotes, les « vrais » juifs à rester « purs  -ne pas se mêler aux Palestiniens)

 Nous sommes en 2022 ….Les événements tragiques de 1948 à Haïfa (campagne de terreur menée par la Haganah) ont la ténacité de l’Histoire ….qui n’oublie pas

Un film à ne pas manquer !

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