Colette Lallement-Duchoze

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Billet de blog 6 juin 2014

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Une histoire banale

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

D'Audrey Estrougo

Avec Marie Denarnaud, Marie-Sohna Condé, Oumar Diaw

Quel dommage! Voici un film qui malgré son caractère ambitieux et sa volonté affichée d'être "utile" (propos de la réalisatrice) n'aura eu que très peu d'échos dans la presse nationale et auprès du public (vu le  nombre dérisoire de copies ....)

Tourné en 4,3, dans l'appartement de la réalisatrice -pour toutes les scènes d'intérieur-, avec un budget minuscule (8000    euros collectés sur internet), le film attaque frontalement un problème qui ravage notre société: le viol. Le titre -on l'aura compris- est ironique; mais l'antiphrase masque une douloureuse    réalité: la banalisation du fléau; ce dont rend compte l'interrogatoire au commissariat : Nathalie a finalement décidé de porter plainte; mais les questions posées (l'inspecteur de police est    hors champ!) tendent, insidieuses, à la "culpabiliser" (Portiez-vous une jupe? Connaissiez-vous la personne? Évidemment puisque Damien, le violeur, était un collègue de travail; etc.)

Le format choisi permet à la réalisatrice de centrer son propos sur le personnage de Nathalie et surtout sur son corps, le  grain de sa peau, les formes voluptueuses du ventre des cuisses ou des fesses. Un corps qui frémit de plaisir quand il se fond dans celui de son fiancé, un corps recroquevillé par la peur suite  au viol, un corps que l'on brosse avec énergie pour le "purifier", un corps que l'on veut mutiler pour en finir avec la détresse et la solitude, un corps aguicheur et qui se laisse pénétrer par    n'importe qui, dans une vertigineuse descente aux enfers (les scènes au rythme rapide et répétitif ont pour cadre les toilettes de boîtes de nuit..) un corps à la grâce reconquise dans l'espace    d'une salle de gym/danse (le miroir offre à Nathalie l'image de son double qu'elle peut à nouveau regarder en face. ).

Sur les quatre mouvements qui scandent le récit -une vie peut-être banale mais illuminée par la joie de vivre, le viol, le(s) trauma(s), la sur-vie, Audrey Estrougo a surtout développé le troisième -la déconstruction du  personnage- , soit les conséquences psychologiques physiologiques et morales du viol. Ressenti et vécu comme une abjection, il contraint la victime à l'isolement, à la solitude (la meilleure amie    de Nathalie, inquiète, ne parvient pas à communiquer donc à comprendre); parce qu'il a été inexorablement souillé, le corps violé prolonge cette souillure en "s'offrant" à des inconnus de    passage, en des actes sexuels expéditifs. Le reconquérir en le contrôlant, est-ce possible?

Marie Denardaud (que le grand public a connue dans la série télévisée "Les vivants et les morts" de Mordillat) donne corps    au projet d'Audrey Estrougo, grâce à sa magistrale interprétation!

Un film "nécessaire" !!!

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