Colette Lallement-Duchoze

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Billet de blog 8 septembre 2025

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Alpha de Julia Ducournau (France Belgique 2024)

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Avec Melissa Boros (Alpha) Tahar Rahim (l'oncle) Golshifteh Farahani (la mère)

 Sélection officielle Cannes 2025

Prix CST de l'artiste technicien pour Ruben Impens, directeur de la photographie, et Stéphane Thiébaut, mixeur son

Alpha, 13 ans, est une adolescente agitée qui vit seule avec sa mère. Leur monde s’écroule le jour où elle rentre de l'école avec un tatouage sur le bras.

Tempête de sable. Aridité d’un paysage. La terre elle-même est devenue « peau » Celle d’un bras sur lequel une gamine de 5 ans va relier les « points » d’ulcération, au feutre noir (c’est plus joli). Ouvrant sa main l’adulte lui confie « je crois que j’ai attrapé quelque chose » et voici qu’une coccinelle chemine avant de s’envoler, ailes éployées Premiers tableaux : encodage du film, prémices narratifs

Et de fait Alpha, troisième film de Julia Ducournau (palme d’or pour Titane 2021) sera encadré par deux scènes flash-back (Alpha âgée de 5 ans, en compagnie de son « oncle » toxicomane) la seconde explicitera les « vraies » causes d’un trauma

Mais ce film manifeste trop de complaisance dans les bifurcations de la narration, l’entremêlement de deux temporalités passé/présent, (couleurs sépia vs gris métallisé, changements de coiffure de la mère) l’enchevêtrement rêves cauchemars et réel, l’exploitation de ce qui aurait pu être apprécié comme « trouvailles visuelles » (la peau qui se craquèle devenue carapace pierreuse, rappelant à s’y méprendre les gisants de la statuaire, l’émanation de poussière, symptômes d’un « mal » qui ravage une société un pays, un mal mélange Sida et Covid ? et dont Amin toxico est entre autres la victime (Amin interprété par un Tahar Rahim étonnamment amaigri) trouvailles comme allégories de la mort mais qui trop visibles et lisibles ne sauraient entraîner le spectateur dans l’univers auquel la cinéaste nous avait habitué.(du côté de Cronenberg entre autres) Un film qui affiche ainsi les défauts de ses qualités.

Porté par une musique signée Jim Williams (compositeur britannique dont c’est la 3ème collaboration avec la cinéaste ; on aura reconnu au passage la 7ème de Beethoven, mais hélas plaquée sur…du vide…) et par trois acteurs certes formidables mais dont la « direction » est discutable (chaque rôle dépassant les clivages générationnels devait incarner un archétype ou une allégorie mais non le(s) surjouer ) tourné dans un faux décor apocalyptique (les rares plans d’extérieur à peine décelables dans leur embu et leur flou bleuté), traversé ça et là par de saisissants cauchemars, ce film qui explore la métamorphose des corps (due à un mal réel et existentiel à la fois) aurait pu « séduire » le spectateur, en le dérangeant et/ou l’hypnotisant,  mais bien au contraire il l’enferme dans une forme de « resucée » ad nauseam …  Alpha enfant contaminé,  Alpha ostracisée, Alpha  « morte vivante » ? (pleur ensanglanté, plaie béante, eau de la piscine qui rougeoie ….) 

Le contexte kabyle (cf la fête de l’Aïd, cf aussi la « croyance-mythique » -que professe la grand-mère- en un « vent rouge, ce vent mauvais ») n’est pas anodin : il illustre « un pur shoot d’Enfance », inscrit le propos dans les souvenirs de famille mais suffit-il à lui conférer une valeur universelle? (Enfance avec un grand E pas seulement la mienne avait précisé Julia Ducournau).

Ô décevante dystopie !

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