Version restaurée
Avec Laura Duke Condominas (Camélia) Niki de Saint Phalle (la Madame la Mère) Humbert Balsan (l’homme oiseau) Jean Tinguely (le général Rose) Andrée Putman (la cliente) Marina Carélia (la sorcière) Henti Holstein (le roi)
Musique Peter Whitehead
La petite princesse Camélia, transformée par magie en jeune femme, découvre soudainement un monde nouveau, fantastique et périlleux : celui des adultes. Dans un univers aussi attirant qu'inquiétant, elle devra faire face aux règles imposées par les hommes
Le titre est délibérément ambigu ; le rêve a-t-il vaincu la lumière (celle du jour et son inévitable effacement, son basculement dans la nuit? C’est qu’en fermant les yeux la jeune Camelia -après le passage du "rose" de la robe anniversaire au "noir" de la mort -du père ( ?)- va pénétrer dans un univers peuplé de créatures fantasques étranges grandguignolesques ou carrément sordides (et dès le moment où son désir de devenir une "grande personne" sera exaucé… c’est la fille de Niki de Saint Phalle qui va incarner Camélia devenue Madone ) Ou alors -et simultanément d’ailleurs- le temps et l’espace sont-ils indissolublement liés, -la fixité de l’éternel- ou inversés - dans un univers qu’incarnera une succession d’images surréalistes ?
Camélia guidée par la Sorcière va à la recherche d’un "trésor"…
Bienvenue dans le monde des adultes obnubilés par le pouvoir le sexe la guerre -mais où le rite de passage est accompagné par les percussions de Peter Whitehead dans la sculpture monumentale Cyclop (réalisée par Tinguely et Niki de Saint Phalle). Au sein des métamorphoses et des effets de miroir à profusion voici que défilent -entre autres- un dictateur fasciste à qui l’on vend la mort, (Je viens vous vendre la mort mon général) un roi qui se pavane ou encore un cardinal en pleine étreinte ... soit un « triptyque patriarcal que Niki de Saint Phalle s’amuse à désacraliser et à renverser par la dérision et le ridicule Elle-même en mère …maquerelle traînant les hommes-lézards …(à noter toutefois que les "filles de joie" dans le bordel de pacotille carnavalesque continueront à être soumises aux diktats du Général Rose (quelle antiphrase…) interprété par Jean Tinguely (Tout un programme…) Mais il y aura le « miracologue » et voici dans le film un mini film -d’animation- censé louer les "merveilles" de la nature (ici le graphisme et la calligraphie de la plasticienne rappellent les deux génériques)
Oui le film illustre un parcours initiatique (il faut franchir des "portes" comme autant d’étapes vers…) à la fois fantastique (portes et strates de l’inconscient), ludique (les énormes sexes en carton-pâte qui après explosion font gicler des confettis ou des plumes) Oui ce sont les œuvres de la plasticienne (dont les Nanas) et de son mari Jean Tinguely (sa structure métallique et cinétique) qui servent de "décors" ce qui autorise l’enchevêtrement réel et irréel. (car la matérialité identifiable est celle qui précisément remet en question la brutalité productiviste des années 70) Oui l’enchantement peut virer au cauchemar -quand les traumas de la cinéaste (qui fut victime d’inceste) sont comme ravivés ou quand l’homme oiseau terrassé dit adieu à l’enfance. Un adieu teinté d’espoir ? ou annonciateur de la Mort ? (cf la toute dernière séquence, la toute dernière porte à franchir dans le mordoré de l’aurore…)
Un film où l’interdépendance entre les différents types de "violence" patriarcale, environnementale, économique s’allie à la forme poétique du conte
Un film à ne pas manquer -quand bien même le "jeu" des acteurs par trop de théâtralité rigide crée un décalage susceptible de déplaire…