Colette Lallement-Duchoze

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Billet de blog 12 juin 2013

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La grande Bellezza de Paolo Sorrentino (avec Toni Servillo, Carlo Verdone, Sabrina Ferilli...)

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Esquisses de commentaire

"Voyage au bout de la nuit". C'est sur une citation de Céline que s'ouvre le film . Et Sorrentino transporte son monde sur un rythme à la diable (souvent) au bout de nuits orgiaques, dans    une sarabande de "grotesques" qui est aussi une danse de la mort..Nuit/Néant? Jep Gamberdella cite à plusieurs reprises Flaubert qui aurait désiré écrire un roman sur le néant...      

"Ce sont de beaux petits trains parce qu'ils ne vont nulle part" commente Jep  au sujet des soirées étourdissantes auxquelles il est convié ou qu'il organise; lui l'ex-écrivain en panne de    création, d'imagination, d'écriture, devenu journaliste de la  jet set. Flegme? détachement? concupiscence? Non "je ne voulais pas seulement  participer aux soirées,  je voulais avoir le pouvoir de les gâcher"

 "Mélange incroyable de sublime et de bouffonnerie", ce dont rend compte la musique à la fois religieuse et profane, à l'image de Rome, Janus des temps modernes! Voici un cardinal qui, imperturbable récite ses recettes de cuisine avec une gestuelle qui rappelle celle des prêches; voici la sainte centenaire (gros plan   sur son visage strié de rides profondes et sa bouche édentée) elle couche à même le sol, ou gravit péniblement, à genoux, les marches de l'Assomption! Voici une éditrice naine à cheveux bleus; sa devise? "boire une  soupe et baiser". Voici des corps saturés de graisses et de maquillages qui rappellent l'univers de Fellini. Voici un chirurgien esthétique "ami de ses    patients"qui pour 700 euros (ou plus "s’ils ne sont pas sages") injecte du Botox.

 Mais il y a la "grande belleza" ces ensembles architecturaux, ces    statues; ces palais "sublimes" de paix et de silence; on ne peut y accéder    qu'animé par la grâce -celle qu'offre un guide boiteux porteur des clefs    vigilantes.... Le cinéaste joue ainsi sur les différences de rythme : endiablé ou allegro sostenuto, à coups de travellings rapides ou de caméra qui virevolte ou au contraire adagio et andante -quand la caméra s'insinue dans les pensées- fantasmes ou rêves d'innocence- de Jep

Mon film est totalement débiteur du grand cinéma    italien (propos de    Sorrentino) Le spectateur aura deviné  les    références explicites ou non : Fellini (Huit et demi, Roma (ici Fanny Ardant renvoie à Anna Magnani) la Dolce    Vita) mais aussi Ettore Scola (la terrasse)    Ferreri. Mais pour certains , le film de Sorrentino est tellement saturé de    références qu'il en devient indigeste; que "le pauvre Fellini a dû se retourner 100 fois dans sa tombe"; Sorrentino serait "certes un faiseur de luxe mais reste un faiseur"....

      La fin de la récré a sonné: la performeuse, la jeune "artiste" aux bidons de Ripolin, l'actrice guindée et tous les personnages se    sont évanouis dans le néant de la nuit; les sarcasmes se sont tus. Mais le Colisée rutile encore de ses feux de lumière! Une girafe s'est égarée dans une    ruine où reposent des flamants roses. ô mirage des sens! ô magie du cinéma!

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