(d'après le roman de Camus)
Avec Benjamin Voisin ( Meursault) Rebecca Marder (Marie) Pierre Lottin (Raymond) Denis Lavant (Salamano) Swann Arlaud (le prêtre)
Mostra de Venise 2025
Vu le dimanche 12 octobre en présence de Benjamin Voisin
Sortie le 29 octobre
Synopsis: "Alger, 1938. Meursault, un jeune homme d'une trentaine d'années, modeste employé, enterre sa mère sans manifester la moindre émotion. Le lendemain, il entame une liaison avec Marie, une collègue de bureau, puis il reprend sa vie de tous les jours. Son voisin vient alors perturber son quotidien en l'entraînant dans des histoires louches, jusqu'à un drame sur une plage, sous un soleil de plomb."
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Les choix du réalisateur s'imposent dès l'ouverture avec l'insertion d'images d'archives : d'une part le noir et blanc comme dans le continuum d'un " film d'époque", d'autre part la portée politique; dans l'Algérie colonisée, le cinéaste veut rendre "visible" ce qui se cache sous l'anonymat indifférencié ( ainsi la victime aura un prénom dont témoignera le gros plan sur la tombe comme un clin d'œil appuyé au roman "Meursault contre enquête" il en ira de même pour sa sœur)
Délaissant le fameux incipit " aujourd'hui maman est morte ou peut être hier" le cinéaste opte pour une prolepse (ou flash-back- tout dépend du "moment" de la narration : ( procédés dont le film sera traversé d'ailleurs) Voici Meursault menotté qui intègre la prison, et qui répond à un prisonnier avec une fausse indifférence" j'ai tué un Arabe"
François Ozon n'a pas recours à la voix off pour restituer le monologue intérieur, (hormis un extrait fin de la première partie à propos des coups de feu sur "la porte du malheur" et fin de la deuxième partie, -qui est aussi la fin du roman -après l'altercation violente avec le prêtre - quand Meursault dresse un bilan positif de ses choix de vie, soit au moment où emporté par une forme de lyrisme il "songe" à sa mère et que de spectateur il devient acteur de sa vie ...)
Choix discursif judicieux ? à condition d'être relayé ( compensé) par le jeu de l'acteur (ce qu'assume Benjamin Voisin ....du moins en partie ) et par un équilibre entre dialogues et faits ( hélas trop souvent bancal si l'on excepte les interventions du génial Denis Lavant en Salamano l'homme au chien)
Cela étant, on appréciera la maîtrise incontestée des cadrages (sur le visage les corps leurs étreintes) l'art de la découpe (qui rappelle Bresson) et l'exploitation du noir et blanc ( qui allie somptuosité de la lumière en ses diffractions et distanciation)
A voir!
PS Rappelons les propos de Camus lui même, afin d'éviter tous les contresens
" Le héros du livre est condamné car il ne joue pas le jeu. Mentir ce n'est pas seulement dire ce qui n'est pas. C'est aussi et surtout dire plus que ce qui est et en ce qui concerne le cœur dire plus qu'on ne sent. C'est ce que nous faisons tous, tous les jours pour simplifier la vie. Meursault ne veut pas simplifier la vie. Il dit ce qu'il est, refuse de masquer ses sentiments. On ne se tromperait pas beaucoup en lisant dans "L'étranger" l'histoire d'un homme qui sans attitude héroïque accepte de mourir pour la vérité"