avec Valeria Golino (Goliarda Sapienza) Matilda de Angelis (Roberta) Corrado Fortuna (Angelo Pellegrino)
Présenté en Compétition Festival Cannes 2025
Rome, années 1980. Goliarda Sapienza travaille depuis dix ans sur ce qui sera son chef-d’œuvre "L’Art de la joie". Mais son manuscrit est rejeté par toutes les maisons d’édition. Désespérée, Sapienza commet un vol qui lui coûte sa réputation et sa position sociale. Incarcérée dans la plus grande prison pour femmes d’Italie, elle va y rencontrer voleuses, junkies, prostituées mais aussi des politiques. Après sa libération, elle continue à rencontrer ces femmes et développe avec l’une d’entre elle une relation qui lui redonnera le désir de vivre et d’écrire.
Le film est encadré par des informations sur la vie et l’œuvre de Goliarda Sapienza (1924-1996): Ce qu’elle fut, ce qu’elle a subi avant le séjour en prison ( vol de bijoux, "justifié" par la nécessité d’éditer ce qui deviendra son chef d’œuvre "l’art de la joie" écrit entre 1967 et 1976 …) c’est le générique d’ouverture Et alors que défile le générique de fin voici une archive où nous voyons la romancière proclamer avec conviction Mais la prison, c’est comme dehors. »
Archive qui explicite comme a posteriori le choix du réalisateur (fuori, dehors) Mario Martone s’inspire en effet du récit autobiographique L’Università di Rebibbia : l’incarcération d’un mois et demi dans la prison romaine pour femmes, la métamorphose d’un regard sur les femmes les détenues en particulier, la découverte de la « sororité » et le pouvoir cathartique de l’écriture
Nous sommes en 1980. Les tout premiers plans (ambiance glauque vert plomb et bande son) sont l’illustration des humiliations infligées à Goliarda Sapienza (étonnante Valeria Golino ) entraînée dans les couloirs de la prison (nudité fouille). Le plan suivant nous transporte dans son appartement : elle répond à l’appel téléphonique de Roberta. Le film oscillera constamment entre flashback (la prison, et ce qui a précédé) et moment présent (soit après la sortie de prison). Deux dimensions temporelles donc, elles-mêmes fragmentées dans cet éclatement chronologique. Or cette profusion de retours en arrière et de prolepses complexifie inutilement le scénario et en altère la richesse (quid des problèmes de censure ? quid de l’authenticité de l’écriture ? voir Valeria Golino griffonner quelques mots dans un carnet ou une feuille de manuscrit envahir l’écran n’est pas l’approche idéale ) . Reste la dialectique du "dehors" et du "dedans" d’ordre spatial; le tout (singularité de ce long métrage) plaçant délibérément Goliarda soit en surplomb (à l’instar du cinéaste lui-même) soit à distance (ironique ?) du moins en retrait (ses rires nerveux, son flegme apparent, gage de bienveillance, jugés suspects provoquent du moins dans un premier temps sa mise à l’écart par les autres codétenues ; en écho voir les " reproches" formulés par Roberta et son plaisir presque sado-maso à conspuer celle dont elle est réellement "amoureuse", persuadée commettre un inceste…). Mais là encore l’introspection attendue fait défaut (à moins que cela réponde à un choix délibéré) ou bien quand elle est censée "surgir" (visage regard gestes) elle affleure, reste en surface
Les chansons, les bouffées de rires partagés, la connivence sororale, l’humour, la récurrence de certaines scènes et cette touffeur estivale qui scandent le récit ne suffisent pas à dépasser l’académisme de façade (ô combien frileux malgré les méandres des allers et retours incessants!) -en flagrante contradiction d’ailleurs avec le "personnage"-.
Dommage!