Colette Lallement-Duchoze

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Billet de blog 17 décembre 2025

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La voix de Hind Rajab de Kaouther Ben Hania (Tunisie France 2024)

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Avec Saja Kilan  (Rana Hassan Faqih) Motaz Malhees (Omar A Alqam) Amer Hlehel (Mahdi M Aljamal) Clara Khoury (Nisreen Jeries Qawas

Lion d’argent, Grand prix du jury à la Mostra de Venise 2025 (ovation de 24’) et prix ARCA CinemaGiovani

Prix du public Festival international du film de San Sebastien 2025

Grand prix du meilleur film Festival de Gand 2025

Prix du jury festival international du film de Chicago 2025

29 janvier 2024. Les bénévoles du Croissant-Rouge reçoivent un appel d'urgence. Une fillette de six ans est piégée dans une voiture sous les tirs à Gaza et implore qu'on vienne la secourir. Tout en essayant de la garder en ligne, ils font tout leur possible pour lui envoyer une ambulance. Elle s'appelait Hind Rajab.

 J’ai si peur, s’il vous plaît, venez ! 

Une voix, celle de Hind Rajab.

Une voix. Un nom. 

Comme un écho aux milliers d’enfants palestiniens tués dans l’ANONYMAT ?

Oui ! la mère de Hind Rajab a donné son accord à la réalisatrice tunisienne pour qu’elle utilise la voix de sa fille

60120 et .... 180 ; c'est le nombre de "minutes"  qu’Omar inscrit sur la vitre dans le bureau du Croissant Rouge palestinien  C’est le TEMPS que la gamine de 6 ans, suffoquant de terreur, coincée dans la voiture où gisent les cadavres de ses proches, aura dû attendre avant que … (la voiture de son oncle et sa tante, qui tentaient de fuir le quartier gazaoui de Tel al-Hawa, a été visée par un tir de tank israélien ; seule survivante, elle sera tuée trois heures plus tard par l’armée israélienne, tout comme les ambulanciers partis la secourir…)

S’interroger sur la légitimité d’un genre hybride (un document sonore bien réel intégré dans une fiction celle de la reconstitution des faits,  interprétée par des acteurs), s'interroger sur ses limites, son artificialité émotionnelle est tout simplement hors de propos  voire indécent -Car précisément la dramatisation et les effets éventuels de suspense alors que l’on connaît l’issue …font partie intégrante du dispositif choisi… Dispositif dont la finalité est de "secouer"  le spectateur "Un documentaire classique nous aurait replacés dans le passé ; nous ne serions pas dans l’immédiateté d’une forte émotion. Or j’ai voulu mettre les spectateurs à la place des secouristes pour qu’ils entendent ce message : cette petite fille aurait pu être sauvée"

Le calvaire subi par l’enfant, le temps d'attente (et de survie) où une seconde vaut une éternité, l’impuissance des responsables du Croissant Rouge face aux diaboliques contraintes du COGAT (organisme israélien, Coordinateur des activités gouvernementales dans les territoires), les dissensions internes dans ce huis clos où les vitres qui séparent les différents bureaux enferment plus qu’elles ne dévoilent; l’alternance entre un écran noir où le signal audio est comme le sismographe du cœur (encore) vivant de l’enfant et les plans sur les visages tourmentés, les yeux humides de pleurs ; l’alternance entre l’appel au secours et les propos "rassurants" de ceux qui sont à l’écoute ( les "acteurs/interprètes" rejouent ce qu'ont dit et fait les interlocuteurs de Hind) , tout cela bien évidemment fait appel à  l’émotion  mais en aucun cas ne relève du voyeurisme malsain (le public est comme invité à s’identifier à ces standardistes, voire au responsable du Croissant Rouge  soucieux de respecter le  "protocole"  pour ne pas être en porte-à-faux et ne pas provoquer la mort de ses ambulanciers…  Mais ...Yusuf Zeino et Ahmed al-Madhoun seront tués !!!! 

Un hors champ: celui du massacre.... Epilogue: des images (clichés de février 2024)  le "montrent" en pleine lumière dans le silence sépulcral de l’insoutenable monstruosité …. 

Un film "bouleversant et  nécessaire" à ne pas manquer !!

PS J’espère que mon film amplifiera la voix de Hind et celle des héros du Croissant-Rouge que personne ne veut écouter. Le cinéma peut leur redonner de la visibilité et de la dignité, les inscrire dans nos mémoires (Kaouther Ben Hania)

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