avec Maria Wróbel (Nawojka), Roxane Mesquida (Sandra), Wojciech Skibiński (Henryk), Kuba Dyniewicz (Bogdan), Przemysław Przestrzelski (Tomek), Raphaël Thiéry (Badel), Jean-Baptiste Durand (Franck), Eva Lallier Juan (Alice) Laurence Côte
Festival de Cannes 2025 Quinzaine des Cinéastes
Festival International du Film Fantastique de Neuchâtel 2025 : Compétition Internationale - Mention du jury
La jeune Nawojka, qui vit avec son père et ses frères dans la ferme familiale, cache un terrible secret : un pouvoir monstrueux, qu'elle pense hérité de sa défunte mère, s'éveille chaque fois qu'elle éprouve du désir. Lorsque Sandra, une femme libre et sulfureuse originaire du coin, revient au village, Nawojka est fascinée et ses pouvoirs se manifestent sans qu’elle ne puisse plus rien contrôler
L’écran est noir mais on entend une grande inspiration tel un halètement. D’emblée le spectateur est intrigué :Obscurité (celle qui préfigure toutes les zones d’ombre ?). Un chalumeau qui s’allume (jeux de clair-obscur propices aux rituels ?) Puis, alors que défile le générique voici en quelques plans toute la rudesse de la ruralité mise en exergue.
La dualité sera au cœur de ce film - dichotomie ou dialectique pour le fond, oscillation entre réalisme naturalisme crus et surréalisme fantastique glissant vers l’horreur pour la forme. Le feu -dont la récurrence s’apparenterait à un leitmotiv- est décliné dans sa polysémie mais surtout dans son ambivalence : dévastation et purification Les personnages ? Dans cette famille d' émigrés Polonais : voici le père aimant mais qui « freine » l’émancipation de sa fille ; deux fils rustres machos odieux mais animés par une fureur vengeresse quand on "blesse" leur sœur Nawojka. Elle-même dispensant ses caresses félines, ses œillades ses prières ses implorations mais régulièrement sujette à une cruelle métamorphose - distorsions convulsives du visage et du corps dévasté par un trop plein de désir, L’actrice Maria Wröbel est surprenante dans ces séquences de "possession"
Nous voici propulsé avec elle dans un univers fantastique qui mêle onirisme et horreur. Des masses visqueuses au confluent du liquide et du solide dégoulinent en anamorphoses, se parant de l'incandescence du feu, elles envahissent le réel qui s’évanouit en filigrane - et la musique de Daniel Kowalski le frère de la cinéaste, accentue ce phénomène : Nawojka possédée par ce qu'elle croit être le Mal -que lui aurait légué sa mère - peut commettre l’irréparable. La "venue" (plutôt la réapparition) de Sandra (étonnante Roxane Mesquida en blonde décolorée) va "cristalliser" les attentes et les désirs ; elle qui porte déjà les stigmates du "sacrifice" sera le bouc émissaire. Ange salvateur -pour Nawojka-? ange exterminateur? c'est le credo des villageois. La forêt, la nuit, la boue, le feu, les animaux insidieusement malades (ah cette façon de les filmer en très gros plans comme pour expurger le Mal qui les dévore avant leur effondrement) tout participe de cette atmosphère étouffante jusqu’à l’épouvante (parfois)
La longue séquence du banquet de mariage restera dans les annales (discours du père interrompu par les paysans autochtones avinés, humiliations racistes, virées avec tentatives de viol sur la personne de Sandra, éprouvante chasse à la biche….. ) Mais aussi la dernière séquence où la jeune fille nue - couverte de boue- traverse le village ébahi ; renaissant de ses "cendres" elle s’est débarrassée de tous les oripeaux, entraves à son émancipation.
Car le film est sans conteste le récit d’une émancipation. Ce qu’affirmait d’ailleurs la réalisatrice présente samedi 13 à l’Omnia, réalisatrice qui revendiquait en outre ses accointances avec Mandico (explosion des couleurs des sensations et des sons dans un univers fantasmagorique du cru -celui de la dévoration par exemple)
La pellicule de 16 mm confère un relief très particulier à l’image, comme l’a expliqué le directeur de la photographie Simon Beaufils présent lui aussi lors du débat qui a suivi la projection. La matière est mieux capturée dans tous ses tons.
Un film à ne pas manquer !