Colette Lallement-Duchoze

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Billet de blog 18 mars 2015

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Crosswind

Premier long métrage du cinéaste estonien  Martti Helde.  Avec Laura Peterson, Tarmo Song, Mitr Preegel, Ingrid Isotamm Musique de Part Uusberg. Présenté au Festival "Premiers Plans" d'Angers (janvier 2015).

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Premier long métrage du cinéaste estonien  Martti Helde.  Avec Laura Peterson, Tarmo Song, Mitr Preegel, Ingrid Isotamm Musique de Part Uusberg. Présenté au Festival "Premiers Plans" d'Angers (janvier 2015).

 Des clauses secrètes du pacte germano-soviétique de "non-intervention" ont permis à la Russie d'occuper l'Estonie. Et    le 14 juin 1941 sur ordre de Staline des familles chassées par milliers de leurs foyers sont envoyées dans des camps de déportation en Sibérie. En l'absence d'archives (film ou documentaire) sur cette période, le cinéaste estonien a lu des témoignages , rencontré des  "survivants" et surtout il a découvert des lettres, dont celles d'Erna! Ce sera le "matériau" de son film Crosswind    

Les lettres d'Erna destinées à son mari -elles n'ont jamais été envoyées car elle ignorait où il se trouvait- insistaient sur la notion   de    temps. Un temps comme aboli dans le camp de déportation (pour femmes) en Sibérie. Aussi pour en rendre compte, Martti Helde a-t-il opté pour un "dispositif" qui donne l'impression d'un temps  suspendu: lents travellings latéraux, personnages comme figés dans une posture,  une position  ou l'incomplétude d'un geste,  longs plans fixes et/ou "tableaux vivants", que renforcent    le choix du noir et blanc et la musique de Part Uusberg. L'absence de dialogues est compensée par la voix off de l'actrice qui lit les lettres de cette épouse séparée de son mari,  de  cette femme  qui lutte pour "survivre", de cette mère angoissée par la santé fragile de sa petite fille.  Des lettres qui disent l'ineffable, des lettres qui modulent un tempo dans ce    double exil: celui de la déportation et l'exil intérieur parsemé de réminiscences de l'intime. Elle appartient désormais à une autre époque cette robe aux motifs assortis à la vaisselle;    bien loin aussi ce petit déjeuner  d'avant le basculement dans l'Horreur; horreur de la captivité dont le travail forcé, la faim, la misère et la mort sont le lot    quotidien....

  À l'instar d'Erna prisonnière dans la forêt de Sibérie le spectateur doit se sentir prisonnier de chaque plan" telle est la volonté du cinéaste. Certains spectateurs seront réfractaires dubitatifs  ou dénonceront un "exercice de style superfétatoire". D'autres se laisseront envoûter par la beauté tragique de la forme et habiter  par la Douleur!  Bien évidemment, toute critique ne portant que sur le contenu (contexte historique par exemple) sera frappée d'inanité; car on ne saurait reprocher à un réalisateur d'avoir voulu "mettre en images" des lettres....filmer ce qu'elle (Erna)  écrit,  figer le temps de façon à ce que le spectateur ressente exactement    ce qu'elle décrit"

   Au retour des camps,  Erna est sans repères que vaut la liberté si le prix à payer est la solitude ???

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