Colette Lallement-Duchoze

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Billet de blog 18 mai 2013

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Hannah Arendt (film)

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Film de Margarethe Von Trotta; avec Barbara Sukowa (Hannah) , Axel Milberg  (Heinrich), Janet McTeer (Mary), Julia Jentsch (Lotte), Ulrich Klaus ... 

Comment filmer une pensée qui se pense? une pensée dans sa gestation, dans son expression, dans sa mise en situation?  C'est   Barbara Sukowa qui, dans le nouveau film de Margarethe Von Trotta, va donner corps aux concepts philosophiques élaborés par Hannah Arendt. Comment? Par ses déplacements dans l'espace  (appartement, amphithéâtre...), par ses pauses (filmée tel un gisant sur un canapé, clope et cendrier à portée de main), par ses sourires et regards ironiques, par un visage en méditation  (quelques gros plans), par son énergie à taper sur le clavier de sa machine à écrire (bruit souvent amplifié) et dans un environnement où s'amoncellent les dossiers (un entassement qui    métaphorise l'ampleur de la tâche). Filmer la "controverse" semble plus aisé: la réalisatrice oppose des personnages (assis autour d'une table, debout en promenade, etc.) qui expriment des    arguments contradictoires. Encore que!! On est loin ici des joutes oratoires (même si de leur propre aveu Kurt et Hannah sont coutumiers du fait quand cette dernière se rend en Israël); la  plupart des "adversaires/détracteurs" sacrifient au conformisme ambiant, alors que Hannah Arendt s'interroge sur "les mécanismes profonds du mal"! Et que lui reproche-t-on? De ne pas    voir en Eichmann (elle a couvert le procès en Israël pour "The New Yorker") un "monstre" (entendons l'exceptionnelle et spectaculaire incarnation du Mal) mais un "être normal"    (comme vous et moi) , un "lâche dépourvu de pensée" ; en outre, on lui fait grief d'accuser certains  Judenrats (conseils juifs) d'être complices de la déportation..... 

    Mais le film de Margarethe Von Trotta -un séduisant portrait de femme dans les années 1961/63-  n'est-il pas aussi (et surtout) un plaidoyer en faveur de l'exigence de la pensée, de la  "rigueur intellectuelle"? Celles qu'une philosophe juive allemande a incarnées; cette jeune femme formée par Martin Heidegger (là il faut reconnaître que les flash back sur la relation  amant/maîtresse, maître/étudiante frisent un peu le ridicule) aura toujours, fût-elle ostracisée par les siens, privilégié la raison à l'émotion ! 

    Deux phares dans la nuit; un véhicule (un car) approche et pile net. Un homme (silhouetté) descend; il traverse la chaussée et chemine lentement, seul, appuyé sur sa canne; puis il se fait    "kidnapper" par deux (trois?) hommes -une fourgonnette est arrivée en sens inverse. Ecran noir! Rétrospectivement, ne peut-on lire cette scène inaugurale comme séquence oraculaire? 

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