Avec Ariel Bronz (Y), Efrat Dor (Yasmine), Naama Preis (Leah) Alexeï Serebriakov (le milliardaire) Sharon Alexander ( Avinoam) Idit Teperson (la "banquière")
Cannes 2025 Quinzaine des Cinéastes
Israël au lendemain du 7 octobre. Y., musicien de jazz précaire, et sa femme Jasmine, danseuse, donnent leur art, leur âme et leur corps aux plus offrants, apportent plaisir et consolation à leur pays qui saigne. Bientôt, Y. se voit confier une mission de la plus haute importance : mettre en musique un nouvel hymne national.
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Ce n’est ni un brûlot ni, j’ajoute ce terme qui revient souvent même si c’est sous la forme d’un compliment, une satire.
Face au feu, le film choisit de sauter à l’intérieur de l’incendie pour le regarder de très près
Désormais -soit après le 7 octobre 2023- le seul "rêve" qui habite les détenteurs du pouvoir, (et tous ceux qui profitent de la guerre) serait d’anéantir "l’autre" "le monstre"; anéantissement que Y (le clown de service) doit mettre en musique…Anéantissement/vengeance qui ira de pair avec la gloire et la survie d’Israël. La mère de Y (morte à 69 ans d’un cancer des poumons et que le fils implore à plusieurs reprises) aurait été scandalisée -, comme l’explicite une voix off-, par cette propension à dire "oui" en léchant les bottes, le cul des plus offrants ; et plusieurs saynètes "montrent" une langue bien pendue dans l’exercice de cette servitude, exercice pris au pied de la lettre… Car c’est bien l’acquiescement à la servitude que fustige le cinéaste dans ce film de bruit et de fureur. Y. avait décidé de tout accepter (ce dont témoignerait cette litanie de "il est bon" qu’il décline en se promenant à vélo avec son fils dans une rue de Tel Aviv)
Structuré en 3 chapitres, le film s’ouvre sur une fête orgiaque emplie de tous ces dirigeants, de ces millionnaires et milliardaires ; le couple Y /Yasmine est payé pour les distraire goulûment, voracement jusqu’à l’écœurement. (lui Y pianiste de jazz, elle Yasmine danseuse) Nadav Lapid excelle dans ces mouvements de caméra qui virevolte qui capte l’obscène avec une forme de cynisme endiablé, un déchaînement de tous les sens. Il nous avait habitué (cf Le genou d'Ahed - Le blog de cinexpressions) à des décadrages violents et à ces dépenses d’énergie chez les comédiens…
A l’outrance orgiaque -et immanquablement au tournis provoqué -va se substituer dans le deuxième acte (le chemin) une autre forme de violence, mais lovée sous les apparences de la mélancolie. Traversant un paysage ocre et pierreux, aux côtés de son amour de jeunesse, Y (cheveux teints) payé par un oligarque russe, compose la musique de l’épuration ethnique ; face aux fumées noires dévastatrices, face à l’embrasement de Gaza il embrasse Leah (Naama Preis) –Un baiser qui scelle le futur de la vengeance -Leah qui travaille pour Tsahal avait récité en les psalmodiant les atrocités commises le 7 octobre et aux spasmes de sa voix répondaient les cahots/soubresauts du véhicule-, baiser qui scelle aussi l’impossible retour vers le passé et la rupture définitive entre les deux personnages
On a entendu le 7 octobre et simultanément on a vu Gaza . C’est il me semble l’acmé de cette composition en trois mouvements..
Revenu au foyer familial Y. accepte, résigné, sa propre servitude (la décision de Yasmine - soustraire leur fils Noah au carcan de la malédiction, serait-ce pure velléité ?) Or cet acte 3, qui signe la capitulation, met aussi en évidence la puissance comminatoire et dévastatrice de tous les détournements éhontés (dont celui d’un texte originellement composé à la gloire de la fraternité, devenu l’hymne de la destruction, comme expliqué au final avant le générique et dont s’est inspiré le cinéaste qui a d’ailleurs bandé de noir les yeux des jeunes choristes)
Oui, on sort un peu sonné et comme abasourdi par ce film survolté (souvent) par sa musique tonitruante, par une forme d’hystérie capable de transformer la tête d’un personnage en transe en écran de télévision et comme dans le film de 2021 de transfigurer un décor urbain par de rapides anamorphoses ; un film où triomphe la trivialité -Y. carbure au viagra.- où le geste supplante très souvent la pensée
"Oui," un film qui joue presque constamment sur la "déstructuration" à l’instar de la peinture de George Grosz? (Artiste d’ailleurs cité)
"Oui", un film que je vous recommande (malgré de nombreux malgré....)
PS Le personnage principal n’a ni nom ni prénom il est désigné (comme celui du Genou d’Ahed 2021) par la lettre Y. Aux glosateurs exégètes d’interpréter ce choix -quand on sait que le « yod » hébraïque est à la fois l’initiale du tétragramme YHWH et celle du juif (yehud) ….