Colette Lallement-Duchoze

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Billet de blog 23 décembre 2025

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La Condition de Jérôme Bonnell (France 2024)

Colette Lallement-Duchoze

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

avec Swann Arlaud, Galatéa Bellugi, Louise Chevillotte, Emmanuelle Devos

 Libre adaptation du roman de Léonor de Recondo Amours paru en 2015

C’est l’histoire de Céleste, jeune bonne employée chez Victoire et André, en 1908. C’est l’histoire de Victoire, de l’épouse modèle qu’elle ne sait pas être. Deux femmes que tout sépare mais qui vivent sous le même toit, défiant les conventions et les non-dits

Déclinant presque ad libitum le terme "condition" le réalisateur met les femmes à l’honneur à partir de leur "condition" d’épouse, de servante, de mère- soit trois "conditions" d'asservissement-,  et démontre comment une "condition" - le pacte imposé par Victoire  à son mari qui l’a cocufiée-- va enclencher un processus d’affranchissement de certaines "conditions"  (contraintes extérieures ou luttes intérieures) en l’ancrant dans notre contemporanéité MAIS simultanément il veut prouver que le violeur c’est parfois un type sympathique, sensible, drôle, poli, Un violeur pleure, un violeur s’excuse, un violeur fait culpabiliser ses victimes » (propos du cinéasteTel serait le parti pris de Jérôme Bonnell dans cette très  libre adaptation  du roman de Léonor de Recondo Amours paru en 2015

Le cinéaste a soigné les ambiances (cf les jeux si multiples de clairs obscurs - photo de Pascal Lagriffoul- dans le huis clos de la propriété où les montées et descentes d’escalier vont faire voler en éclats des clivages (répartitions spatiales bien cloisonnées) tout en rythmant le cheminement intérieur de Victoire -l’épouse- et celui de Céleste -la servante, victimes toutes les deux des abus du maître de céans.  Il privilégie souvent les plans rapprochés , serrés ou les gros plans sur le visage (en frontal ou de profil) la nuque les mains des principaux protagonistes préférant le discret non-dit et le hors champ à l’explicite, préférant la circulation des regards à la parole (seul le mari aviné laissera exploser sa rage de mâle prédateur non satisfait, ses éructations et ses propos comminatoires se heurtent à l’impassibilité des deux femmes ou au mutisme d’une mère " encombrante " Parque des temps modernes ? (’Emmanuelle Devos évite de justesse le piège du cabotinage…)

Les mini séquences se succèdent sans un support didactique -ou explicatif- trop prononcé- comme autant de « tableaux » (dont certains évoquent la peinture sans verser pour autant dans une reconstitution historique trop léchée ) et les rares séquences hors les murs (en calèche, sur le quai d’une gare, dans la plaine ou le sous -bois )  évoquent elles aussi une approche picturale. L’interprétation frappe par sa justesse (Swann Arlaud en salaud bienveillant et mention spéciale à Galatéa Bellugi dont la simple présence impose  la force suggestive des non-dits)

Et pourtant quelque chose empêche cette Condition (quel que soit le sens) de décoller  et ainsi d’entraîner l’adhésion…Faisons fi des faux rebondissements, de l’artificialité de certains gestes (la mère impotente et ses coups de canne, Victoire et sa flûte traversière, Céleste et le corset) de certaines paroles récitées et comme plaquées (lors de réceptions) du déterminisme (André le fruit d’amours extra conjugales, reproduirait le schéma imposé par le père éducateur mais de son père géniteur aurait hérité de ...)

Académisme feutré dans le traitement ? Manque de souffle ? "Mornitude" ? 

Dommage !

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