version restaurée
Avec Jeanne Goupil (Anne) Catherine Wagener (Lore) Michel Robin (Léon) Bernard Dheran (l’automobiliste) Gérard Darrieu (Emile) Marc Dudicourt (l’aumônier) Nicole Merouze (Mme Fournier) Jean Pierre Helbert (le comte) Véronique Silver (la comtesse) Henri Poirier (M Fournier) Jean Daniel Ehrmann (le commissaire)
Sélection Festival de Cannes 1971 Quinzaine des Réalisateurs
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"digue dondaine digue dondon"
Un titre iconoclaste, -voire blasphématoire ?- des " jeux sadiens" ou inspirés par les chants de Maldoror (Lautréamont) ; le film a subi les foudres de l’église catholique lors de la sortie en 1971 (du moins le clergé) et la Commission avait proposé une interdiction de représentation jugeant l'oeuvre malsaine en raison de la perversité du sadisme et des ferments de destruction morale et mentale qui y sont contenus
Qu'en est-il?
Le film met en scène deux adolescentes de " bonne famille" elles "s’amusent" (éclat de rire enfantin insouciant à chaque « étape » de la séduction) en bouleversant les "codes de bonne conduite" enseignés dans l'institution religieuse où elles sont pensionnaires. Elles vont prononcer le vœu de fidélité absolue à Satan parodiant pour leur "messe noire" la liturgie de la messe traditionnelle (cf le titre) et Léon (Michel Robin) en officiant est tout simplement " sublime" ...
Dans le dortoir Anne regarde, intriguée et émerveillée à la fois, un effeuillage en ombres chinoises :la sœur se dévêt, quitte robe scapulaire cornette et voile et "retrouve" le naturel lascif, le charnel en ombre portée. Réalité ou fantasme ? en tout cas un élément déclencheur ; tout comme le baiser échangé entre deux sœurs et volé par ce trou de serrure -les questions insidieuses du confesseur ne sont pas anodines…Certaines mini séquences s’imposeront à l’esprit telles les images d’un réel transfiguré, aiguillonné par la lubricité. Quand les deux "pensionnaires" se retrouvent blotties sous les draps -ce n'est pour s’adonner à des attouchements -mais pour lire en cachette des « livres défendus » Pendant la période estivale Anne et Laure inséparables dans leur amour fusionnel, que le serment à la vie à la mort a scellé, vont « mettre en pratique » les "leçons diaboliques" en s’attaquant « frontalement » d’abord à des paysans « naïfs » (mais si violents dès qu’ils brandissent leur sexe de prédateur…) et jusqu’à l’irréparable … (ne pas spoiler) en passant par la mort sadique d’oiseaux encagés, amis de Léon ! Leurs parents se satisfont de propos d’usage (qu’as-tu fait ? ne rentre pas trop tard, etc..)
La thématique récurrente du feu Joël Séria (né en 1936) l’exploite dans ses sens propre et figuré : les adolescentes aiment « enflammer » « brûler », tout comme elles sont animées par un feu ardent. Au plan prolongé sur les flammes dévastatrices dans le noir de la nuit répondra en écho le plan final de ces corps embrasés sur scène alors qu’un travelling latéral « brûle » lui aussi la conscience des « spectateurs » (des parents …affolés… Adultes dont la caméra en un lent travelling latéral avait comme immortalisé les "trognes" figées dans le béni oui oui à l’église, adultes qui en tant que spectateurs se gaussent dans un premier temps avant que le commissaire ne les alerte sur l’authenticité de l’embrasement -comme victimes d’ordalie ? malgré le récitatif à deux voix La complainte du jeune homme "Quand les croq'morts vinrent chez lui/ Ils virent qu'c'était un' belle âme/Comme on n'en fait plus aujourd'hui/ Âme, Dors, belle âme/ Quand on est mort, c'est pour de bon, et son refrain digue dondaine digue dondon
Certes il y a des redondances, des phrasés qui aujourd’hui irritent. Mais ne nous leurrons pas : cette "fable" est avant tout un jeu de massacre, cruel parfois, farcesque le plus souvent… et les deux adolescentes ne sont ni des lascives balthusiennes ni des nymphettes (genre Lolita)
A voir assurément