Colette Lallement-Duchoze

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Billet de blog 25 avril 2025

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Mexico 86 de César Diaz (Guatemala Belgique 2024)

"1986. Maria, militante révolutionnaire guatémaltèque, est depuis des années exilée à Mexico où elle poursuit son action politique. Alors que son fils de 10 ans vient vivre avec elle, elle devra faire un choix cornélien entre son rôle de mère ou celui d'activiste"

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

avec Bérénice Béjo (Maria/ Julia) , Mattheo Labbe (Marco), Leonardo Ortizgris (Miguel) Julieta Egurrola (la grand-mère ) 

 Musique Rémi Boubal, 

 Présenté en première mondiale au Festival de Locarno

Un prologue très prometteur et par le contenu et par la forme.

Guatemala 1976. César Diaz mêle images d’archives en noir et blanc (des militaires paradant de leur superbe et de leur  cruauté ) et images en couleurs de la fiction -répression arbitraire et violente : Maria serrant contre elle son bébé assiste hébétée à l’exécution de son compagnon, achevé d'une balle, à même le sol ; traquée elle se réfugie chez sa mère mais doit s’enfuir, seule…au Mexique .Le bébé sera élevé par la grand-mère. Une succession rapide de plans pour illustrer une  triple séparation (compagnon, enfant, pays). Rythme aussi fébrile  que les pas de la mère (Bérénice Béjo filmée de dos) qu’accompagne le leitmotiv musical (Rémi Boubal) alors que l’effroi se lit sur le visage quand celui-ci est filmé en gros plan. Séparation (s) et déchirement

 Peut-on concilier le rôle de mère et celui de militante ? Garder son fils auprès de soi, quitte à le mettre en danger de mort, ou l’envoyer à Cuba, loin de soi mais en sécurité ?  C’est l’enjeu de ce film que le réalisateur dédie à sa propre mère  (a mi madre s’affiche en bas de l’écran avant le générique de fin) ayant lui-même vécu, enfant, cette tragédie 

Nous sommes en 1986. C’est l’année de la coupe du monde au Mexique et la presse internationale s’est déplacée pour couvrir l’événement alors que le pays voisin est martyrisé par la dictature, on n'en parlera pas… Maria/Julia doit convaincre le directeur du journal pour lequel elle travaille comme correctrice, d’insérer dans ses pages un document dénonçant abjections, tortures de la dictature de la junte au Guatemala. 1986 Marco a rejoint sa mère (la grand-mère atteinte d’un cancer est rentrée au pays et ne peut plus assurer son éducation) 

Réaliser un thriller à connotation familiale, tel est le choix de César Diaz (cinéaste belge né en 1978 au Guatemala) Le hic est que l’ambivalence revendiquée est loin d’être convaincante et ne saurait entraîner l’adhésion du spectateur. D’une part si tous les "aspects" (attendus)  de la traque, de la (sur)vie en clandestinité, de l’engagement activiste (changement de vêtements de look de lieu d’habitation, rendez-vous insolites, échange de documents, chargement d’armes) sont bien présents, ils semblent plaqués, renvoient à des clichés (même la course poursuite en voiture) avec une insistance assez complaisante sur les « changements » de perruques (cf ce plan quasi inutile sur les effets de miroir) Un thriller assez convenu dans sa facture. 
D’autre part les séquences plus « intimes » (dont les face-à-face mère/enfant) censées jouer le rôle de  "contrepoint" aux dangers de la "traque"  de l’espionnage, échappent au principe de « vraisemblance » ou à celui « de réalité » quand bien même César Diaz a opté pour un apprivoisement réciproque mère et enfant. Bien plus elles s’inscrivent dans une volonté d'accentuer l’isolement et la fragilité de Maria. Marco, 10 ans, en vient progressivement à dénigrer sa mère, hanté par les récits de torture (ces ongles que l’on arrache aux enfants pour leur soutirer des infos, des aveux) et préfère intégrer une "ruche" à Cuba. La mère elle-même lors de la course poursuite recroquevillée à l’arrière du véhicule, a braqué son arme sur le front de son fils….En un dixième de seconde elle a résolu son choix « cornélien ». Mais c’est bien le dernier plan fixe prolongé sur son visage (Marco va quitter le Mexique avec Armando le supérieur dans la hiérarchie de l’organisation) qui érige l’engagement en valeur suprême - avec la perspective d’un "never more" ??? d’une séparation définitive ?
 

Néanmoins, se lit dans les « interstices » une critique : celle de tout système patriarcal : la femme peut être activiste risquer sa vie mais elle doit rester …soumise. Et Bérénice Béjo -qui est de tous les plans- filmée souvent de dos (nuque qui envahit l’écran) incarne cette solitude, ce mélange de force et de vulnérabilité (d’autant que Maria devait  "défendre" son fils à la fois face à la résistance et face à la dictature…)

On saluera aussi le travail de mémoire nécessaire (engagement des femmes opposées à la junte au Guatemala pendant la dictature et après…)

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