Colette Lallement-Duchoze

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Billet de blog 26 juin 2014

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Les trois soeurs du Yunnan

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Documentaire réalisé par Wang Bing

Aucune    épithète si louangeuse fût-elle, ne saurait qualifier ce documentaire hors norme tant sa rudesse est somptueuse!

Yunnan  3200 mètres d'altitude. Sur ces hauteurs brumeuses et boueuses vivent trois soeurs seules au début (le    père est parti à la ville en quête de travail, la mère a quitté définitivement le hameau...); l'aînée Yingying a 10 ans, la plus jeune Fenfen 4

. On se chamaille on s'épouille on mange    gloutonnement des pommes de terre ou des pâtes chez la tante. Ces gamines    vivent dans une masure, au sol en terre battue, eau parcimonieuse à l'extérieur, pas d'électricité; un semblant de table sert aussi de pupitre à l'aînée qui révise ses cours (houspillée    d'ailleurs par le grand-père "toujours dans tes    livres").

Le documentariste a opté    pour les plans longs afin de synchroniser "flux de l'image" et "flux de la vie au quotidien" (dans ses gestes répétitifs :cueillette, élevage à l'extérieur, rangement, préparation du feu,     repas, à l'intérieur). Et il s'en explique :Moi, ce que j’aime, c’est la totalité : je n’aime pas les plans coupés courts. J’aime    voir dans un film la richesse de la vie de chacun, la richesse de ses changements, et je veux que le public puisse avoir accès à cet ensemble, pas seulement à des bribes, des fragments de vie. Ainsi Wang Bing regarde ses    personnages de face ou les suit, il semble attendre, jamais ne pratique l'intrusion -refuse toute voix off explicative-; et c'est précisément ce réalisme à la fois organique et contemplatif qui    fait l'originalité de ce film. Voici une scène d'intérieur on croirait à s'y méprendre être face à une œuvre picturale tant la répartition des couleurs, l'emplacement des personnages et les    effets de clair obscur semblent "travaillés"; or c'est l'inverse, c'est parce que l'humain est là au centre, c'est parce qu'il habite le lieu que le plan semble esthétique (ou esthétisé). Il en va    de même pour les extérieurs; Yingying se pose, se repose tant elle est exténuée; ainsi filmée au premier plan elle semble s'insérer dans la vastitude d'un paysage comme dans une assomption. Peu  de paroles -hormis les plus banales du quotidien et une scène d'altercation entre Yingying et une autre gamine du hameau.

La réalité économique de la Chine affleure ça et là au détour d'une    remarque, d'un constat: le père n'ayant pas trouvé de travail à la ville revient au hameau; une femme remplacera la mère disparue définitivement; lors des agapes (fête du cochon) le "chef" du    village évoque l'augmentation des "impôts" (il y a l'électricité); pour se rendre à la ville il y a peut-être un bus mais la réservation est obligatoire sinon rien...; une femme vend des    confiseries à l'entrée de l'école mais Yingying à l'écart se contentera de "regarder"

Et pourtant malgré    des conditions de dur labeur et malgré l'extrême dénuement, ces gamines aux frimousses morveuses, à la peau rougie par les vents et le froid ressemblent étrangement à ces "herbes qui poussent    toutes seules" (Wang Bing)

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