Colette Lallement-Duchoze

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Billet de blog 28 juillet 2025

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Frantz Fanon d'Abdenour Zahzah  (Algérie France 2024)

"Chroniques fidèles survenues au siècle dernier à l’hôpital psychiatrique de Blida-Joinville, au temps où le Docteur Frantz Fanon était Chef de la cinquième division entre l’an 1953 et 1956."

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Algérie française, 1953. À l’hôpital de Blida-Joinville, Frantz Fanon, jeune psychiatre martiniquais, tente de soigner les Algériens de leurs aliénations lorsque la guerre surgit à l’intérieur même de ses services.

Deuxième biopic consacré à Frantz Fanon en cette année 2025, (commémorer les 100 ans de sa naissance… ) Ce psychiatre martiniquais, essayiste et militant antiraciste, anticolonial, est une figure majeure des luttes de libération Or il reste relativement absent des programmes scolaires ou des espaces publics en France, contrairement à l’Algérie….. C’est bien parce que ce penseur philosophe a milité aux côtés du FLN que se manifestent toutes ces réticences en France, que maquillent de fallacieux prétextes… 

Plus épuré que le biopic  Fanon de Jean-Claude Barny sorti en avril 2025 https://www.cinexpressions.fr/2025/04/fanon.html tourné en noir et blanc (un blanc qui parfois sature l’espace) sur les lieux mêmes où le jeune médecin a exercé de 1953 à 1956, le film d’Abdenour Zahzah (natif de Blida) fait cohabiter deux langues (dialecte algérien et français) pour évoquer les premières années du médecin-psychiatre à Blida avec la méticulosité revendiquée dès le titre  à rallonge " chroniques fidèles survenues au siècle dernier….au temps où...Et de fait hormis le personnage de Juliette/Yamina et la scène avec le commissaire (qu'interprète Fred Restagno) il s’agit bien d’évoquer un "réel"   qu’a documenté le réalisateur (dans son travail en amont d’enquêteur :archives inédites, textes de Fanon,  témoignages) et que confirme le choix de sa mise en scène -succession immersive de "tableautins". Les images d’archives, juste avant le générique de fin, semblent  "prolonger" comme par mimétisme (ou processus inverse...), les scènes de "reconstitution"  auxquelles nous venons d’assister (tant les ressemblances sont patentes…)

Nous voyons ce médecin-chef, arrivé en 1953, dénoncer le racisme du corps médical  français, proposer et mettre en place une psychiatrie révolutionnaire (malgré les sarcasmes des tenants de l’Ecole d’Alger qui décrivaient la  masse des indigènes comme un bloc informe de primitifs profondément ignorants et crédules) . Farouche détracteur de ces a priori qui font du Musulman Nord-africain un débile hystérique, sujet à des impulsions homicides imprévisibles, convaincu du lien étroit entre psychiatrie et colonialisme- persuadé que le « soignant » trop imbu d’une supériorité ethnocentrée, devait changer son regard sur lui-même, il aura  "révolutionné"  approches et méthodes  « Soigner autrement, Vivre autrement » Grâce à différentes activités dans des  lieux dédiés (sport couture musique café) l’asile est reconfiguré ; grâce à la fin de la séquestration, de l’isolement, grâce à la mise en place d’ateliers de  "discussions" , le rapport soignant/soigné est bouleversé

S’exprimer avec tact, écouter, regarder frontalement tant le "patient" que le "colonisateur"  (le regard de l’acteur Alexandre Desane a ce quelque chose d’électrisant et de bienveillant à la fois…qu’accentuent les gros plans sur son visage)

Certes la sobriété affichée dans la mise en scène de ces « tableautins » (cadrages, paroles et gestes des acteurs et figurants, exploitation du noir et blanc) ainsi que la lenteur du rythme ont pour corollaire (inévitable?) une forme de théâtralité -trop accentuée parfois (diction/récitation, phrasé, déplacement dans l’espace) Le bâtiment, avec ses couloirs, ses portes ses espaces clos et sa cour, serait la scène de ce  nouveau théâtre de la Vie 

Théâtralité dont la séquence d’ouverture se donnait à voir comme le microcosme de la psychiatrie avant Fanon ? (une femme en crise, en quête d'une issue dans un espace exigu,  ligotée "emportée" et "calmée"  à coups d’électro-chocs) et se donnait à lire comme prolégomènes ? (grâce à ce mouvement de la caméra par-delà les barreaux, symbole d’ouverture …) Peut-être

Souhaitons que l’intérêt pour ces "chroniques" ne soit pas entaché par les différends actuels entre l’Algérie et la France et par les  "relents"  de colonialisme….

A voir !

Avec Alexandre Desane (Fanon) Gérard Dubouche (Docteur Ramée) Nicolas Dromand (Directeur de l'Hôpital) Omar Boulakirba (M. Charef) Catherine Boskowitz (l'infirmière en chef) Amal Kateb  (Juliette, dite  « Cléopâtre ») Chahrazad Kracheni (Josie Fanon) Fred Restagno (le commissaire) 

Sélection Berlinale 2024 et aux JCC (journées cinématographiques de Carthage)

Prix Sankara de la critique au 29ème festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou Fespaco,

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