Tue la lumière telle est la phrase prononcée par le père d’Ali (Ekin Koç) dans le rêve que raconte sa femme Hazar (Hazar Ergüçlü), en ouverture du film ; en écho (au final) la même supplique du père, ensanglanté, à son fils ; il s'en vient gésir à même le sol dans la maison.....vide
Entre ces deux moments le film aura évolué entre chronique familiale, thriller et fantastique lynchéen (?) dans l'exploration de la violence patriarcale ; tuer (symboliquement) le père despotique que le fils rend responsable de la mort "accidentelle" de sa mère (trop souvent tabassée humiliée) mais aussi tuer en soi ses propres fantômes, dont la propension au mal, dictée par la soif de vengeance? après les avoir exhumés ? Et ce n’est pas pur hasard si Ali est "traducteur" (en expliquant à ses étudiants l’étymologie de "translate" il évoque un étymon arabe qui signifie « tuer » : et si une page traduite était une « page de crime » ? ) Ce que "montrera" par un jeu de "miroirs" le cinéaste iranien Alireza Khatami (réfugié au Canada il a tourné ce film en Turquie) en mettant en exergue ces troubles de l’identité, liés à la transmission (devenir père quand son propre père est un tyran…)
Le rythme au tout début est délibérément assez lent dans la succession de saynètes (Ali sa femme Hazar et leur problème de « fertilité », Ali et ses étudiants, Ali et sa relation au père qui le méprise, Ali et sa mère invalide etc…) puis après le décès de sa mère, et après avoir engagé le "jardinier" Reza .., une forme d’ implosion qui va tout " dévaster" : -le paysage dont l’aridité se craquèle, et le déferlement de la "violence" qui, impérieuse, dicte paroles mensonges et comportements , le tout accompagné d'une prolifération de "symboles" - excavations, puits, enfouissements- le "jardin" que "cultivait" Ali (pis-aller, refuge contre ses déboires professionnel et marital), est lui-même contaminé.
Les audaces du sur-cadrage dans le plan séquence d’ouverture n'étaient-elles pas les prémices de ce " passage" du " réel" au " fantastique" - comme si tout allait de soi…???
Laissons-nous entraîner dans cette odyssée mentale (même si, inquiétante, elle est parfois cauchemardesque....même si, insistante, elle se complaît parfois dans la surenchère )
avec Ekin Koç (Ali) Hazar Ergüçlü ( Hazar) Ercan Kesal (Hamit) Erkan Kolçak KÖstendil (Raza)
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