Colette Lallement-Duchoze

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Billet de blog 28 octobre 2025

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The neon people documentaire de Jean Baptiste Thoret (France USA) 2024

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 Festival Mauvais Tours prix du public et  grand prix du jury professionnel (octobre 2025)

 FEMA – 52e Festival International du film de la Rochelle (Au cœur du documentaire

Festival de Deauville

Sous la ville de Las Vegas et son célèbre Strip serpente un réseau d’évacuation tentaculaire des eaux pluviales, construit à la fin des années 70 et comportant près de 800 kilomètres de tunnels qui se prolongent dans tout le désert du Nevada. C’est dans cet environnement obscur et insalubre que résident des milliers de sans-abris…

Qui sont ces sans abri qui ont trouvé refuge dans les boyaux souterrains de Las Vegas ? comment vivent-ils au jour le jour ? Jean Baptiste Thoret est allé à la rencontre de plusieurs d’entre eux (qu’il immortalise d’ailleurs à la fin de son documentaire en plans fixes noir et blanc) Il nous invite à pénétrer dans le ventre honteux de l’une des villes les plus riches du monde (ce sont ses propres mots) en nous immergeant dans ses entrailles insalubres et lugubres, que les "résidents "  ont aménagées par endroits en  " maisons de fortune" . Filmée en scope, aux cadrages millimétrés, à la bande-son souvent caverneuse, cette exploration (sans misérabilisme) d’une Amérique en marge fait retentir un hymne vibrant d’humanité …

Ecoutons le témoignage si poignant de cette quinquagénaire (Brandy,  notre guide…) fière d’être grand-mère mais affligée de ne pouvoir recevoir décemment fille et petite-fille ; voyez la avec son chien traverser, alerte, la chaussée, être à l’écoute de ses "colocataires" ; témoignage tout aussi émouvant de ce couple si fusionnel dans l’adversité au quotidien Des rêves, des espoirs, des projets, la solidarité, la volonté de s’en sortir, bref tout ce qui participe (à) de l’humanité, (à) de l’authenticité. Une communauté de la "débrouille" (cf la récup de cartons comme mur d’insonorisation, robinets publics pour  les ablutions… ) Lampe torche, déplacements le corps  courbé, au milieu de cafards de déchets, de pestilences, où la "mythologie des tunnels" » (dont la caverne...) ne saurait exclure la loi de la jungle, les maladies, la vigilance permanente. Quant à la drogue omniprésente, elle est souvent à l’origine de la déchéance (nous les entendons lucides évoquer cette dépendance (avec parfois de gros plans sur des seringues ou sur les bras)

Alternance de deux univers (le haut et le bas) comme les deux aspects d’une dichotomie "sociale" (?)  -aussi monstrueux l’un que l’autre ? Ou l’un plus humain et digne dans la perte même de sa dignité ??? ? Alternance des couleurs : le bleuté et le rouge d’un monde fantomatique, voire onirique ou mental, vs le clinquant des paillettes étincelantes rutilantes de Las Vegas; (le documentariste ne nous invite-t-il pas à "redéfinir" notre regard ? quand nous "voyons" en surface la lumière de l’illusion tapageuse et dans les profondeurs celle qui perce l’obscurité à la recherche de…)  Avec souvent des fondus enchaînés comme si les êtres de chair que nous avons vus (devinés) face à la caméra, individualisés, ou le plus souvent en couples, devenaient soudain des spectres ; (mais les promeneurs du dessus qui se croisent dans la multitude sont soudainement devenus eux aussi des silhouettes sans âme) Alternance entre plans larges et plans plus serrés (le format scope permet l’alignement sur l’horizontalité sans trop centraliser  ….)

Tout cela contribue à faire de ce documentaire une œuvre singulière et bouleversante à ne pas rater!

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