Voici un film/documentaire tonique, essentiel et surtout magistralement filmé
Le cinéaste a choisi de filmer les intervenants dans leur décor quotidien; et de préférence leur cuisine, lieu de l'intime et de toutes les alchimies; ils sont assis, en frontal, face à la caméra ou de trois quarts, isolés -Monique, Elisabeth, Pierrot- ou côte à côte avec l'être aimé -Jacques et Pierre, Catherine et Elisabeth, Bernard et Jacques-, en plans rapprochés. Des plans plus larges les saisissent en extérieur, lieu de leurs activités - Pierrot octogénaire bisexuel, à la gueule et au phrasé de Bourvil, n'a jamais quitté l'endroit où S Lifshitz le filme assis au premier plan tandis qu'au loin bêle son troupeau de chèvres.
En restituant leur parole, le réalisateur (toujours hors champ il n'intervient pas) insère des images d'archives (luttes pour la reconnaissance de leur identité; ces homosexuels que l'OMS considérait comme des "malades" ou des "délinquants"; il faudra attendre la dépénalisation par Mitterrand en 1981); la parole alors en off va commenter ces années de lutte. Images en noir et blanc. À ces documents d'archives s'ajoutent des photos (Thérèse et ses enfants; cette mère devenue lesbienne à 42 ans "grâce à une main qui s'aventure"; Monique adolescente plus ou moins habillée à la garçonne pour "mieux séduire les jeunes filles"...)
Entre ces témoignages -où spontanément sont abordés tous les aspects de la sexualité: fellation, séduction, plaisir, désir; avec conviction toujours avec humour souvent- l'écran peut être envahi par des ciels, tourmentés ou magrittiens, par des arbres qui frémissent au vent, par des flots qui ondoient lumineux, par des vues panoramiques sur une propriété ou par un cadrage original qui transforme les cornes arquées des caprins en ballet!
Le film s'ouvre sur une éclosion : que d'amour prodigué par ces mains d'hommes eux-mêmes amoureux comme au premier jour (ce jour du coup d'oeil foudroyant dans "le rétroviseur"), qui aident l'oisillon à sortir de sa coquille!. Il se clôt sur une balade en bateau au large de Marseille, deux vieux amants enlacés regardent "ensemble dans la même direction", tandis que la voix de Juliette Greco ("Le Monsieur et le jeune homme") au timbre si particulier, retentit triomphale et cardinale!!