A toutes fins utiles, j'ai retranscrit mot à mot l'interview d'Henri Guaino par Bruce Toussaint à Europe 1 matin du vendredi 22, interview dont j'ai trouvé la vidéo sur le site de Médiapart.
Je communique ci-après cette retranscription en espérant que ceux qui le voudront pourront la copier à partir de mon blog. La lecture de ce texte à tête reposée est édifiante. On ne peut qu'être consterné par la vacuité des arguments, les bafouillages et les incohérences. Mais cela n'empêche pas Henri Guaino d'émettre des opinions arrêtées et lourdes d'accusation et de mépris envers la justice en général et le juge Gentil en particulier. N'importe qui proférant de tels propos serait accusé d'insulte à magistrat. Le sera-t-il ? J'ai du mal à croire qu'un homme politique de son niveau se soit laissé aller à de telles imprudences. Je n'y voit qu'une explication: la panique!
Colette TANGUY
Transcription de l'interview de Henri Guaino par Bruce Toussaint
dans l'émission Europe 1 matin du vendredi 22/03/2013
(La transcription ci-dessous essaie de suivre aussi fidèlement que possible l'échange verbal ; d'où le style parlé, les incohérences et les hésitations)
(Bruce Toussaint) Europe 1 matin. Bonjour Henri Guaino
(Henri Guaino) Bonjour
(BT) Député UMP des Yvelines, ancien conseiller spécial de Nicolas Sarkozy et, on peut le dire, un des plus proches collaborateurs du Président Sarkozy pendant son quinquennat, vous avez entendu Caroline Roux à l'instant sur Europe 1. Elle a dit : voilà ; tout s'effondre … Henri Guaino, tout s'effondre ce matin ?
(HG) Moi je … pense que tout s'effondre, euh … que tout est menacé, mais c'est pas tant le destin de Nicolas Sarkozy ce matin qui est en cause … enfin pas son destin personnel … Ce qui se passe est extrêmement grave … C'est pas une décision comme une autre … D'abord par la … la qualification que le … des faits retenus par le … par le juge : abus de faiblesse. Est-ce qu'on pouvait imaginer qualification plus grotesque, accusation plus insupportable ? Aucun homme sensé dans ce pays peut penser un seul instant que Nicolas Sarkozy s'est livré sur cette vieille dame richissime à un abus de faiblesse. C'est absolument grotesque. Alors ce serait risible si ça ne salissait pas l'honneur d'un homme qui a été président de la république, qui ayant été président de la république entraîne dans ce … cette salissure la France et la république elle-même. Je veux dire … ce qu'a fait ce juge est extrêmement grave. Vous savez, dans la république, quand on vous confie des responsabilités, des pouvoirs, la …, la …, la né..., il y a une nécessité absolue à ce que chacun les exerce avec un sens aigu de la responsabilité …
(BT interrompant HG) … Donc le juge Gentil n'est pas responsable ?
(HG) Cette … je pense … je trouve … et je … et je prends mes responsabilités … je trouve que … euh … cette décision est irresponsable parce qu'elle n'est pas … n'a pas tenu compte des conséquences qu'elle pouvait avoir sur l'image du pays et sur la république et … (BT essayant d'interrompre : Mais Henri Guaino …) et sur nos institutions. Non mais, qui peut imaginer un instant, Monsieur Toussaint, Nicolas Sarkozy en train d'abuser de la faiblesse d'une vieille dame ? Mais qui ? … Je vous rappelle aussi … euh … que … c'est pourquoi ça me rappelle toujours Clémenceau dans … dans ces … ces … ces affaires-là, où sont les millions ? Bon alors, est-ce que … euh … on a trouvé de l'argent mis dans la poche de Nicolas Sarkozy … Oui ou non !? Moi, il y a une chose qui … qui m'... que je trouve absolument insupportable dans ce genre d'affaires, c'est que … le juge d'instruction a beaucoup de pouvoirs, soit, encore une fois il doit les exercer avec beaucoup de responsabilité. Dans des cas comme ça, moi, je voudrais voir le juge d'instruction venir devant les français et leur expliquer … et leur expliquer … pourquoi … sur quel fondement … à partir de quels faits précis, concrets, irréfutables, il a pris une décision aussi lourde de conséquences … (BT essayant d'interrompre HG et parlant en même temps que lui : alors vous croyez … vous croyez qu'il s'amuse, le juge Gentil, vous croyez qu'il fait …) non seulement pour celui qui est mis en examen … non seul… non seulement … non seulement pour celui qui est mis en examen, (BT : oui …) pour le pays et pour la république.
(BT) Mais Nicolas Sarkozy est aujourd'hui un citoyen comme les autres, vous … (HG interrompant BT : et alors ?...) avez l'air de le ...(HG : pas du tout !) de le (HG : mais pas du tout !) nier ce matin. C'est un justiciable comme les autres.
Et alors ? … mais d'abord, je trouve … euh … que tous les justiciables ont des droits … ont autant de droits, au fond, à être respectés que le … que le juge lui-même … hein … et quand on connaît Nicolas Sarkozy, quand on a vu quelqu'un quand même qui a gouverné la France pendant cinq ans, que les français ont choisi... accusé de quelque chose d'aussi invraisemblable … parce que c'est absolument invraisemblable … parce que c'est … c'est … c'est absolument intolérable, cette, cette accusation … On aurait pu trouver n'importe quoi ! Non … abus de faiblesse ! Ça prouve simplement que le juge n'a eu … n'a certainement aucun indice matériel … euh … d'argent … euh … qui aurait été … qui aurait été versé … Vous savez, cette histoire … elle est, elle est fabuleuse cette histoire Bettencourt. C'est d'abord une histoire de famille où une mère et une fille se déchirent et on en … on en fait comme … avec une espèce de joie mauvaise, un espèce de feuilleton politico-financier dont personne (BT : tentative d'interruption) … pour l'instant n'apporte la moindre (BT : Henri Guaino …) preuve concrète que de l'argent a circulé, a illégalement été dépensé, a financé illégalement une campagne et là (BT : Henri Guaino …) on n'est même plus dans le financement illégal … l'abus de faiblesse !
(BT) Henri Guaino, on entend votre colère ce matin (HG : non, mais c'est …) et je voudrais vous ap… vous apporter quelques éléments (HG : c'est une colère de citoyen!) … Oui … c'est une colère aussi d'un ami (HG : non pas du tout … tout le monde a …) d'un ami aussi, on peut le dire (HG : oui, d'un ami, parce que je sais que c'était comme ça … mais de citoyen, et c'est … c'est …) Monsieur Henri Guaino, il y a des éléments, vous le savez, vous les entendez depuis hier soir, il y a des éléments. Il y a eu une confrontation. Ce qu'on sait de ce qui s'est passé hier dans le bureau du juge Gentil est important. Il y a eu une confrontation avec quatre personnes, quatre personnes qui étaient salariées chez Madame Bettencourt, Monsieur et Madame Bettencourt, et qui ont donné des éléments au juge. C'est sur la foi de ces éléments que le juge Gentil (HG : non mais c'est …) a pris une décision. C'est … ça ne vient pas de … euh … de... euh … de nulle part. (HG : non, ces … ces témoignages …) Ou vous contestez alors … (HG : oui, je cont… je conteste …) l'indépendance (HG : non …) du juge Gentil (HG : ah … je conteste la …) Vous contestez son intelligence. Vous contestez tout.
Non ! Je conteste la façon dont il fait son travail … Je la conteste … Je la trouve indigne, voilà … je le dis. Je trouve qu'il a déshonoré … euh … euh … il a déshonoré un homme, il a déshonoré les institutions, il a aussi déshonoré la justice parce que tout ça a des conséquences dramatiques. Voilà. Non, Nicolas Sarkozy n'est pas quelqu'un qui pouvait abuser de la faiblesse de quiconque … Non, c'est complètement grotesque (BT : Henri Guaino, on ne peut pas …) les témoignages … les témoignages … et vous le savez très bien et … et c'est … la justice en … en … le … le reconnaît toujours, ils sont … ils sont … ils … ils … ils re… recouvrent des faits … ils se rapportent à des faits très anciens, voilà … et la … la just...(BT : Henri Guaino, vous avez l'air de dire ce matin sur Europe 1 …) dans la justice, il faut des preuves concrètes, voilà. (BT : … que parce qu'il est ancien président de la république, on n'aurait pas dû le mettre en examen …) Non, non, je n'ai pas dit ça … (BT : reconnaissez que cet argument ne tient pas ! ) Je n'ai pas … je n'ai pas dit ça … je dis que tout le monde … (BT : … vous avez dit ça fait du mal, ça déshonore …) Attendez ! Je dis 1) que tout le monde connaît Nicolas Sarkozy et y a personne de sensé qui peut l'imaginer abusant d'une vieille dame … personne … personne … voilà … personne de … on peut avoir des désac... (BT : y a une personne en France qui l'imagine …) Oui … oui … (BT : c'est le juge … c'est le juge Gentil...) Ben oui … ça oblige à se poser des questions, voilà … ça oblige à se poser des questions et … (BT : Il y a aussi des journalistes qui ont enquêté, qui l'ont … qui l'ont … qui l'ont dit, qui l'ont affirmé aussi, pour certains ils …) Ah ben ça, les journalistes … mais où sont les preuves ? Où sont les millions ? Où est l'argent qui a été versé ? Mais, si le juge est si sûr de lui … moi, je trouve d'ailleurs que ça assainirait beaucoup la justice, hein, que les juges, quand ils prennent des décisions, soit de relâcher des voyous, soit d'inculper des citoyens, eh bien … ils … ils s'expliquent … ils s'en expliquent publiquement, voilà. Qu'ils disent … voilà … voilà... sur quelles bases j'ai pris mes décisions … voilà... sur quel fondement, sur quels faits irréfutables … je … je ne dis pas que … que Nicolas Sarkozy ne doit pas avoir les mêmes droits que les autres … d'abord il doit, euh … il doit pas en avoir moins, hein, moins que les autres... et deuxièmement, je dis que quand on porte ce genre d'accusation sur un ancien président de la république, encore une fois, que tout le monde connaît … bon... et … et qui a incarné la France … eh bien … il faut y réfléchir à deux fois parce que les conséquences, et pour lui (BT : Henri Guaino...) et pour le pays et pour la république (BT : oui...) sont considérables. (BT : vous …) Voilà !
(BT) Vous avez pu lui parler depuis hier soir ?
(HG) Non, je n'ai pas eu le temps de lui parler depuis hier soir.
(BT) Vous aviez déjà évoqué avec lui cette affaire ?
(HG) Oui, bien sûr, oui …
(BT) Oui … qu'est-ce qu'il … qu'est-ce qu'il vous avait … je ne vous demande pas ce qu'il vous avait dit parce que vous n'avez pas voulu le dire, mais votre sentiment à vous, c'était quoi ?
(HG) Mais, mon sentiment à moi, c'est que cette affaire est une affaire montée de toutes pièces, qui n'a aucun fondement, voilà. Nicolas Sarkozy était … (BT : Alors, c'est quoi ? C'est un complot comme dit Laurent Wauquiez ?) Non, moi je ne parle pas de complot. Je pense que les … euh … vous savez, y a … y a une pression médiatique … (BT : Mais c'est soit la malhonnêteté d'un homme …) Non, je n'ai pas parlé de malhonnêteté … (BT : le juge Gentil … c'est ce que vous nous dites ce matin … ) Non, je n'ai pas parlé de malhonnêteté (BT : vous avez dit indigne …) Non, non … j'ai dit que cette décision était indigne (BT : … soit un complot. C'est quoi l'explication?...) Y a pas de complot … En tous cas, moi, je n'en vois pas … y a pas de malhonnêteté … mais la décision, la décision est indigne et je pense qu'elle est irresponsable … (BT : Henri Guaino …) Attendez ! Et si le juge Gentil a des éléments, je pense que, s'agissant de cette affaire … eh bien … il devrait les communiquer à tous les français. C'est … je … Je veux dire … le président de la république, l'ancien président de la république … c'est quelque chose … son sort, c'est quelque chose qui concerne tous les français. Je voudrais rajou... (BT : HenriGuaino …) Je voudrais … oui … une chose quand même … c'est très important. Ce que nous sommes en train de faire là, d'une manière générale, c'est détruire … euh … ce qui nous unit. Comment allons-nous ensuite vivre ensemble avec nos différences, avec nos différends, nos contradictions, nos conflits, si nous … si plus rien ne nous unit ? Nous sommes en train … c'est vrai pour le gouvernement … (BT : et c'est pour ça que vous irez manifester dimanche ? ) Oui, parce que c'est vrai pour le gouvernement … quand … vous savez... quand tout le monde se croit tout permis, quand une majorité se croit tout permis, quand un juge se croit tout permis sans esprit de responsabilité, eh bien ...euh … on abîme la république, on abîme ce qui nous unit. Il est temps de dire, et dire … et c'est pour ça que j'ai appelé effectivement dimanche à ce qu'on aille censurer le gouvernement dans la rue … mais il faut même aller plus loin … dire assez ! assez ! on a assez abîmé la république (BT achevant l'interview : La colère d'Henri Guaino, ce matin …) Personne n'a... personne n'a reçu un chèque en blanc... (BT : merci beaucoup) pour abîmer la république. Voilà.